Le reproche qui nous est fait de ne pas avoir montré notre capacité à gérer nos propres affaires et tenir ainsi notre rôle au sein du système intégré et universel de la mondialisation, pour en garantir l’intégrité et le bon fonctionnement. On comprend que, dans l’intérêt du bien commun, ce sont les autres composantes de ce système international qui doivent intervenir pour s’assurer que nos lacunes soient corrigées voire évitées. Et ceci pour le bien de toute l’humanité et même le nôtre !
Parmi elles, on peut noter un article du 2 juin 2003, signé par Bruce Anderson, éditorialiste de The Independent à Londres. On pouvait y lire « l’Afrique est un superbe continent, et ses habitants si attachants et si volontaires méritent mieux que la manière dont ils sont aujourd’hui contraints de vivre et de mourir. Il n’est cependant pas certain que l’Afrique porte en elle la capacité de générer son propre salut. Il est sans doute nécessaire d’imaginer une sorte de néo- impérialisme, où la Grande Bretagne, les États-Unis et d’autres nations choisiraient les leaders africains et les guideraient sur la voie du libre marché, de l’État de droit et, au bout du compte, d’une variante africaine viable de la démocratie, tout en se réservant la possibilité de les écarter du pouvoir en cas de dérapage ».
Le 14 janvier 2001, un autre éditorialiste britannique, Richard Gott, écrivait dans le magazine New Statesman : « Il semble qu’une nouvelle tendance se fait jour, en faveur d’une reconquête de l’Afrique, et les missionnaires du New Labour y prennent leur part (…) L’opinion publique reste souvent perplexe et désarmée lorsque les gouvernements s’embarquent dans des interventions néocoloniales (en Afrique). Les nouveaux missionnaires (intellectuels et organisations non gouvernementales qui « submergent les ondes et polluent la couverture de l’actualité africaine avec leur récit partial faisant la part belle à la tragédie et au désastre ») ressemblent à s’y méprendre aux missionnaires d’antan : c’est une avant-garde qui pave la voie à une conquête militaire et économique ».
Le diplomate et théoricien anglais Robert Cooper était alors conseiller du premier ministre Tony Blair. Il travaille désormais auprès du chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. Dans un essai publié en 2000, intitulé L’État postmoderne et l’ordre mondial, il a conforté les points de vue cités ci-dessus, avec des arguments en apparence sophistiqués. Sur le fond, il affirmait que ces États postmodernes, principalement les pays occidentaux de premier plan, étaient les dénominateurs de toute l’humanité, du fait du rôle intégrateur du processus de mondialisation.
Il écrivait entre autres dans cet essai : « Quelle attitude devons-nous tenir face au chaos pré-moderne qui se manifeste dans diverses régions du monde ? (…) Quelle forme doit prendre notre intervention ? La méthode la plus logique face à un tel chaos, et qui a été le plus souvent utilisée par le passé, est la colonisation. Mais la colonisation est inacceptable pour les États postmodernes (pour certains États modernes également). Or, c’est précisément à cause de la mort de l’impérialisme que réapparaît le monde pré-moderne (…) Toutes les conditions de l’impérialisme sont là, mais l’offre comme la demande d’impérialisme se sont asséchées. Et néanmoins, le faible a toujours besoin du fort, et le fort a toujours besoin d’un monde stable. Un monde où les nations les plus avancées et les mieux gouvernées exportent la stabilité et la liberté et un monde ouvert à l’investissement et à la croissance — toutes choses éminemment désirables. Nous avons donc besoin d’une nouvelle forme d’impérialisme, qui soit acceptable dans un monde gouverné par les droits de l’homme et les valeurs cosmopolites. Nous pouvons déjà en discerner les contours : comme tous les impérialismes, celui-ci viserait à apporter ordre et organisation, mais il reposerait sur le principe du volontariat. L’impérialisme postmoderne peut prendre deux formes. La première est l’impérialisme volontaire de l’économie globale. Il est généralement mis en œuvre par un consortium international, au travers des institutions financières internationales comme le FMI et la Banque mondiale — c’est une des caractéristiques du nouvel impérialisme que d’être multilatéral (…) Si les États souhaitent en bénéficier, ils doivent s’ouvrir à l’ingérence d’organisations internationales et d’États étrangers (de la même manière que, pour différentes raisons, le monde postmoderne s’est lui aussi ouvert) ».
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