Trois cents soixante douze mille emplois sont actuellement menacés en France, et il est clair que, selon la logique économique implacable d’un système dans lequel ce sont pour l’essentiel, les dépenses des uns qui font les revenus des autres, ces nouveaux chômeurs ne tarderont pas à faire de nombreux petits...
Ceci, parce que ces hommes et ces femmes frappés par ce mal se trouvent disqualifiés, non seulement comme producteurs, ce qui alourdit encore une charge publique qui d’une façon indirecte, se trouve fatalement reportée sur les entreprises en grevant leur compétitivité, mais également comme consommateurs, ce qui par une baisse de la demande, ralentit d’autant l’activité...
Cette spirale vicieuse dans laquelle nous sommes engagés depuis déjà bien des années, va maintenant s’accélérer de façon vertigineuse, par le mécanisme lui-même d’un système qui produit d’autant plus un poisson qui l’affecte, qu’il se trouve déjà atteint par celui-ci, et étant entendu qu’on ne peut espérer que ce système puisse se trouver épargné par quoi que ce soit, alors qu’il se trouve en fragilité partout.
Il est toujours possible de prendre des mesures pour sortir d’une faiblesse économique, dès lors que pour le moins on possède des finances publiques saines, et symétriquement, une économie florissante peut s’accommoder quelques temps du manque d’orthodoxie budgétaire. Mais, bien malin celui qui nous expliquera comment, hors de procéder à cette véritable révolution qui consisterait à faire défaut sur la dette plutôt que de tout sacrifier à son entretien, il nous sera possible d’enrayer un processus de récession économique déjà bien engagé, autrement dit de procéder à un audacieux plan de relance économique, en partant d’un déficit budgétaire qui met déjà en péril l’édifice monétaire, et d’un endettement public écrasant, dont le seul entretien engloutit l’essentiel des ressources fiscales de la nation.
Il sera toujours temps de dire quelles sont les responsabilités des uns et des autres dans cette situation, mais pour l’heure ce qui compte, c’est d’envisager de quelle façon il nous sera possible d’éviter la lente et sinistre agonie de la nation, sans avoir à emprunter l’une des deux voies traditionnelles qui ont toujours permis de sortir de telles situations de crise, celle d’initiative populaire, la “révolution”, ou celle d’initiative gouvernementale, la “guerre”.
Une révolution sanctionne fatalement tôt ou tard, une incapacité politique persistante, comme celle qui se donne actuellement en spectacle.
D’autre part, si le “travail” est bien sûr une activité qui nous est imposée afin de pourvoir à nos nécessités, il s’agit également dans notre actuelle civilisation, d’une activité que l’école freudienne identifie curieusement à “l’instinct de mort”, et qui s’est graduellement supplantée au cours des siècles, à ces autres activités que sont la “chasse”, et la “guerre”. Il fallait donc s’attendre, même si cet enseignement se trouve désormais contesté par certains, à ce qu’une raréfaction du travail implique des risques de plus en plus grand de voir revenir les tentations guerrières, et s’il y eut bien d’autres raisons dans la complexité de ce qui en fut la cause, la deuxième guerre mondiale fut bien également une conséquence de la terrible crise des années trente...
Que peuvent et que vont donc faire nos responsables politiques, pour éviter d’être confrontés à cette redoutable alternative ?
Prendre des mesures afin de nous permettre d’enrayer la régression économique, et de nous faire renouer avec une croissance qui permettrait à terme, d’en finir avec ces redoutables questions du chômage, du déficit budgétaire, et de l’endettement public ?
Qui peut sans vouloir délibérément continuer à se mentir, croire cela encore possible ?
Tout se passe dans l’esprit de beaucoup de nos concitoyens, comme s’il était possible de lutter contre un piège, alors qu’on était déjà tombé dedans, et tous ceux qui se sont réjouis à juste titre, du départ du sinistre “agité” du Palais, mais qui s’imaginent que la nouvelle équipe pourra mettre en œuvre des mesures salutaires pour nous éviter la débâcle économique et sociale, n’ont pas pris conscience que nous étions déjà bel et bien tombés dans le piège, celui de la “tentation” du fruit défendu, de l’arbre des facilités financières.
Un des aspects de ce piège réside dans le fait qu’il nous faudrait réduire les dépenses publiques, pour réduire le déficit budgétaire, et nous libérer un peu de la charge écrasante du service de la dette. Or, toute réduction de ces dépenses publiques, se traduit fatalement par la mise à pied des gens qui rendaient les services qu’elles rémunéraient. Ceci revient à dire clairement que, dans la situation d’un marché de l’emploi déjà gravement déficitaire, réduire les dépenses publiques implique mécaniquement une augmentation du chômage, ce qui n’est évidemment pas l’objectif poursuivi, et que la baisse de rentrées fiscales liée à cette perte d’activité, laquelle se trouvera décuplée selon le facteur multiplicateur, a toutes les chances d’être in fine, beaucoup plus coûteuse que l’économie escomptée...
C’est le piège, qu’on aille dans un sens ou dans l’autre, on n’en sort pas...!
Nous venons d’avoir une illustration parfaite de cette contradiction, avec cette lamentable affaire de la délocalisation vers le Maroc du centre d’appels du STIF, ce qui va tout à fait dans le sens d’une réduction des dépenses publiques, puisque le prestataire marocain est beaucoup moins cher que le prestataire français, mais qui a l’inconvénient logique de mettre au chômage, sur un marché de l’emploi qui leur laisse peu de chance d’en retrouver un, une partie des employés de ce dernier...
En fait, il aurait fallu réduire les dépenses publiques bien avant de tomber dans le piège bancaire, pour justement éviter de tomber dedans. Mais maintenant que nous y sommes, croire que c’est tout bénéfice de réduire la dépense publique, et qu’il existe ainsi une voie pour nous sortir des difficultés, n’est qu’une douce illusion.
Le budget s’établissant selon des recettes et des dépenses, on pourrait alors espérer qu’à défaut de pouvoir diminuer les dépenses, il serait possible d’augmenter les recettes. Mais il ne peut y avoir sainement une augmentation des recettes, que si celle-ci correspond à une augmentation de l’activité, augmentation dont il est clair que notre actuelle situation ne nous laisse aucun espoir, la tendance étant clairement à la délocalisation. Car, nous avons atteint la limite de la pression fiscale au-delà de laquelle toute augmentation du taux d’imposition, se traduit in fine, par la diminution du pouvoir d’achat qu’elle provoque, et selon l’intervention là aussi du facteur multiplicateur, par une diminution de la recette globale.
Tous les gouvernements qui ont tenté cette opération d’augmentation de la pression fiscale, semblant relever du bon sens, ont fait l’amère expérience de cette réalité physique qui les a démentis.
Ainsi, le gouvernement de monsieur “normal”, même épaulé par ses talentueux “redresseurs de la productivité”, ne pourra, ni réduire sensiblement la dépense publique, ni augmenter la recette fiscale, pour nous sortir, piégés que nous sommes, du cycle infernal du déficit et de l’endettement.
Comme il ne faut pas compter sur eux, puisqu’ils ne sont justement pas là pour cela, pour oser le “défaut sur la dette”, la seule solution qui, comme cela à été fait avec succès en Argentine, en Equateur, et en Islande, permet de sortir de ce genre d’impasse, que feront-ils ?
Nous n’en savons rien, et eux, encore moins que nous...!
Il est remarquable à ce sujet, qu’alors même que jamais les menaces les plus graves de révolution et de guerre n’ont autant pesé sur leur société, les citoyens de ce pays, convaincus qu’ils sont depuis quelques temps déjà, qu’il n’existe qu’une voie individuelle pour leur salut, demeurent tout à leurs projets personnels, uniquement préoccupés de nécessités immédiates. Ils n’opposent alors à ces perspectives terrifiantes, qu’une magnifique indifférence, en étant intimement persuadés que finalement, les choses n’iront pas jusque là.
Ceux de 1788 et ceux de 1913, voyaient bien eux aussi les menaces se profiler à l’horizon, mais ils n’imaginaient pas davantage que les choses iraient jusque là, et nous savons malheureusement ce qu’il en a été. Si donc la peur n’évite pas le danger, l’indifférence ne constitue pas davantage le moyen de s’en mettre à l’abri, et il faudra bien davantage que quelques protestations, déjà si rapidement essoufflées, concernant la fermeture d’une usine de construction d’automobiles, pour conjurer le mauvais sort qui s’annonce...
En fait, il apparait de plus en plus clairement que dans notre actuelle situation, vouloir éviter la perspective il est vrai, terriblement angoissante et incertaine, d’une salvatrice “révolution” qui fera voltiger tout ce système devenu malfaisant, c’est se résigner à la régression sociale et notre soumission définitive aux puissances d’argent, réduits en esclavage dans les “champs“ du service permanent de la dette. Ou pire encore, c’est se préparer à la guerre terrifiante, échappatoire traditionnel des politiciens sans solution pour le règlement des crises qui frappent leur nation, dont les détonateurs sont mis en place jour après jour au proche orient et concernant laquelle, qu’il ait été partisan de sa provocation, ou qu’il l’ait laissé provoquer, nul n’aura de pardon...
Paris, le 3 août 2012
Richard Pulvar
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