Paris le 25 janvier 2013
Le 21 janvier 2013, sur l’une des radios les plus écoutées de France, deux invités, par ailleurs collaborateurs réguliers de l’émission Les Grandes Gueules, Sophie de Menthon et Franck Tanguy, se sont exprimés de manière particulièrement ignoble sur Nafissatou Diallo, que Dominique Strauss-Kahn est accusé d‘avoir violée en mai 2011 et qui aurait reçu de son agresseur présumé, à la suite d’une transaction dans le cadre d’un procès civil, une indemnité estimée par la presse à 1,5 millions d’euros. Une partie de cette indemnité, qui n’aurait vraiment rien d’extraordinaire compte tenu du préjudice subi et des moyens dont dispose l’agresseur présumé, est destinée à payer les honoraires du cabinet Thompson Widgor qui s’est employé à défendre Nafissatou Diallo pendant un an et demi.
Voici ce que l’on a pu entendre sur RMC :
Sophie de Menthon : « Tu veux que je sois politiquement totalement incorrecte ? [...] Je me demande, c’est horrible à dire, si c’est pas ce qui lui est arrivé de mieux. »
Franck Tanguy : « Je ne suis pas loin de penser la même chose Sophie, je me suis fait la réflexion hier. »
Sophie de Menthon : « Moi je pense que l’argent qu’elle a gagné, qui lui permet d’élever sa fille, elle ne l’aurait jamais eu dans toute son existence et j’espère qu’elle oubliera ce moment extrêmement désagréable. [...] Il y a des femmes dans la rue, je suis sûre qu’elles ont pensé ça, en disant j’aimerais moi être femme de chambre dans un hôtel et que ça m’arrive. »
Franck Tanguy : « C’est un horrible événement dans sa vie dont certainement elle se rétablira, mais pour elle c’est quand même… ça va quoi ! »
Franck Tanguy : « C’est un tromblon. Elle n’a rien pour elle, elle ne sait pas lire pas écrire, elle est moche comme un cul, et elle gagne 1,5 million, c’est quand même extraordinaire cette histoire. »
La situation de Nafissatou Diallo, dont on a dit qu’elle aurait récemment tenté de se suicider, est présentée par les deux invités comme un « conte de fée ».
Depuis, Franck Tanguy, suite à la réaction d’auditeurs indignés, et très probablement à la demande de RMC, a reconnu qu’il était «allé trop loin» et qu’il avait dit « une beauferie».
Sophie de Menthon, pour sa part, n’a présenté aucune excuse.
Lorsqu’on entend parler ainsi d’une femme, du viol présumé d’une femme - que les deux protagonistes considèrent par ailleurs comme avéré - sans avoir besoin de prendre parti pour ou contre Nafissatou Diallo, pour ou contre Dominique Strauss-Kahn, on ne peut qu’être choqué.
Les propos tenus à l’antenne au sujet de Nafissatou Diallo ne sont pas seulement méprisants à l’égard des femmes victimes de viol et de harcèlement, à l’égard des travailleurs modestes, à l’égard des plus démunis, ils sont injurieux. Et ces injures sexistes ont un caractère manifestement raciste.
Tout le monde l’a bien compris : pour qu’un Franck Tanguy, à qui il a dû tout de même arriver de se regarder dans un miroir, ose se moquer ainsi de la prétendue laideur de Nafissatou Diallo, le vrai problème est la couleur de peau de la femme de chambre. Le thème de la prétendue laideur des Africains est aussi vieux que l’esclavage et la colonisation.
Au-delà du racisme, les propos diffusés constituent une apologie du viol. Et le viol est un crime.
Après un pareil incident, il appartient de toute évidence au CSA, autorité de régulation de l’audiovisuel, de prendre toutes dispositions appropriées à l’égard de la station RMC.
Et si RMC ne cautionne pas ces injures et cette apologie du viol, ce qu’on peut espérer, elle n’a pas d’autre conduite à tenir que de mettre un terme à la collaboration régulière à son antenne de Franck Tanguy et de Sophie de Menthon.
Les responsables de l’émission ont manifestement commis une faute en prenant le risque d’évoquer le cas de Nafissatou Diallo sans que toutes les opinions puissent être exprimées.
Le comité de soutien à Nafissatou Diallo rappelle qu’en dix-huit mois, il n’a jamais été invité à faire valoir son point de vue à l’antenne de RMC, alors que les défenseurs de Dominique Strauss-Kahn y ont eu micro ouvert.
Au-delà du cas de Nafissatou Diallo, contre laquelle certains journalistes français se déchaînent impunément depuis 18 mois, témoignant d’un racisme viscéral et d’un mépris inquiétant pour les femmes, pour les plus pauvres, pour les plus faibles, la banalisation de propos ouvertement racistes ou sexistes n’est pas tolérable et il appartient en conséquence à la Justice de les sanctionner avec sévérité.
Claude Ribbe
Président du comité de soutien à Nafissatou Diallo
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