mardi 15 janvier 2013

LA “FRANCAFRIQUE“, CETTE “MAIN DU DIABLE“ QUI REND ESCLAVES D’ELLE, TOUS CEUX DONT ELLE FAIT LA PUISSANCE


Bien sûr, tout homme qui, sur la base d’une philosophie humaniste, et parce qu’il se trouve en situation d’exercer un pouvoir, se sent investi de la noble mission de lutter contre un système inique de domination, est parfaitement fondé à en formuler clairement le projet, et ensuite à tout mettre en œuvre, surtout quand de graves évènements en établissent l’urgence, pour tenter de mettre fin une bonne fois à ce désordre.

Partant de là, si fidèle à son engagement, il se met à lutter contre des forces puissantes, c’est qu’il s’agit d’un “vaillant”. Mais si, sans en prendre conscience, il se met à lutter contre la logique implacable de ce dont il tire sa puissance, c’est qu’il ne s’agit plus que d’un “idiot”, car il est clair qu’il n’a aucune chance de vaincre celle-ci.

La “Françafrique”, c’est ce système issu d’une “mystification” qui avait pour objet de feindre d’accéder à la légitime revendication des peuples de l’ancien empire colonial français, celle de disposer librement d’eux-mêmes, autrement dit, d’être indépendants, ce qu’en réalité à ce jour, ils ne sont toujours pas. Ce qui fait sa toute puissance et sa manifeste “invincibilité”, c’est qu’elle repose sur des bases fonctionnelles d’une logique cynique, mais implacable.

Lutter en vain contre la logique des choses, voici ce à quoi sont condamnés ceux qui luttent depuis plus de cinquante ans, et avec l’insuccès que l’on voit, contre un système qui aura fait que durant toute cette période, la France sera intervenue militairement, un nombre équivalent de fois, une cinquantaine, chiffre ahurissant, pour imposer par la puissance de ses armes, ce qu’il doit en être selon elle, de la politique des nations africaines de son ex-empire, et même au-delà de celles-ci, comme en RDC, au Ruanda, en Libye et en Somalie...

Certains ont alors parlé de “néocolonialisme”. Cependant, du temps des colonies, la métropole assumait malgré tout une série d’engagements vis à vis des colonies, pour lesquels elle déléguait des pouvoirs à ses représentants locaux qui étaient pour la plupart, des gens venus de chez elle. Mais il est remarquable qu’aujourd’hui, cette métropole ne se sent et n’assume aucun engagement quant à la sérénité et au bien être des peuples de son ex-empire, et que ses représentants locaux désormais africains, s’en sentent et en assument encore moins.

En réalité, jamais les peuples concernés n’ont été aussi désemparés que de nos jours, et jamais la métropole ne s’est montrée d’une telle arrogance, méprisante de leur légitimité, et d’une telle brutalité guerrière. Un de mes amis de passage à Paris, s’estimant être un miraculé, m’a raconté ce qu’il en fut de la furie dévastatrice et criminelle des bombardements qui ont si sauvagement frappé Abidjan, ville qui ne disposait d’aucune défense contre cette agression, et dont les média français aux ordres, tant de leurs commanditaires politiques et financiers, que de leurs lecteurs et auditeurs désireux de ne rien en savoir, ont tu jusqu’à aujourd’hui, le coût humain abominable qui fut celui de ce drame.

En fait, le terme “impérialisme” parlerait davantage, mais là encore, il masquerait un peu la réalité des choses. Car, nous ne sommes plus dans le cas de la réalisation sans scrupule de l’ambition dominatrice d’une nation, ainsi que nous comprenons habituellement ce terme, puisqu’il est clair qu’en quelque domaine que ce soit, il n’existe désormais plus aucune ambition de la nation française d’aujourd’hui, aux étendards en berne, et au coq déplumé. Celle-ci, tout en la niant stupidement, se plait à assumer tranquillement sa décadence, et vient par deux fois consécutives de se donner pour chefs, des hommes dont l’insuffisance quant à cette lourde charge était de notoriété, bien avant même qu’ils ne soient élus.

Ce dont il est question plus exactement, c’est de l’utilisation par des intrigants qui n’ont pas la moindre fibre patriotique, mais qui sont pourtant parvenus par la manipulation médiatique et financière, à s’en rendre maitres, de cette nation, de sa puissante armée, et de ses prétextes universalistes traditionnels, tels que la défense des droits de l’homme et celle de la démocratie, pour l’accomplissement d’opérations guerrières crapuleuses et criminelles, au bénéfice de puissances d’argent, et des puissances étrangères qui abritent celles-ci.

Ainsi, un des axes logiques sur lesquels repose la Françafrique, c’est que c’est par elle, et par elle absolument, qu’il est possible de parvenir au pouvoir, tant en France qu’en Afrique, dans ses zones d’influence. Si beaucoup de citoyens demeurent sans soupçonner cette réalité, c’est à cause des aspects exotiques et folkloriques que se donne volontiers cette organisation. Ceci, d’une façon cynique mais extrêmement astucieuse, par ses représentants africains, et par les lieux de ses grand-messes que sont le sommet franco-africain, et celui de la francophonie.

Ce que ne soupçonnent pas les citoyens, c’est que ces hommes et ces manifestations ne participent en fait que d’une mise en scène d’une remarquable, mais terrifiante efficacité. Ceci, parce qu’en laissant beaucoup de gens de la métropole croire confusément, qu’il s’agit plus essentiellement en celles-ci, d’histoires de nègres dans le lointain, que racisme aidant, ils abordent alors avec le sourire ou dont ils se moquent éperdument, elle leur ôte définitivement, sans avoir à prendre pour cela tout un luxe de mesures conservatoires afin de confidentialité, tout intérêt quant à se mêler de savoir en quoi consiste exactement ce dont les mécanismes se trouvent articulés entre la France et l’Afrique, et qui leur semble étranger à leurs problèmes.

La planque africaine de toutes leurs magouilles qu’ainsi, personne ne prend au sérieux, puisqu’il ne s’agit apparemment que d’histoires de nègres dans le lointain, et dans lesquelles, mis à part quelques accidents anecdotiques, pas un juge n’a l’idée, et peut-être pas même tout simplement les moyens, d’aller y mettre son nez, voici l’idée de génie de ceux qu’il convient alors d’appeler, les “profiteurs sans frontières”...!

Dès lors, et au contraire des “amateurs” qui n’ont trouvé que le moyen d’aller planquer leurs millions en suisse, et qui, dénoncés et soumis à l’opprobre, se trouvent pourchassés par le fisc, ici, les milliards peuvent valser sans dénonciation et sans aucun empêcheur de tourner en rond, et ils valsent..!

En réalité, derrière le paravent ultra médiatisé d’un chef de l’état français, accueilli par force tam tam et vuvuzellas, s’en allant au devant d’un parterre de chefs d’état africains, parler de démocratie, de développement économique et d’échange culturels, il s’avère que dans ce que nous comprenons confusément comme étant la Françafrique, il y a bien plus de France et de puissantes multinationales, que d’Afrique. C’est finalement à l’abri des regards, dans le fond des chancelleries, au Quai d’Orsay, et surtout, dans les buildings de la Défense, que se situe la réalité de cette curieuse relation franco-africaine, cette véritable “conjuration”, puisque des sociétés secrètes au sein desquelles se recrutent ses agents, y participent.

La Françafrique est un pacte tacite de la domination, établi entres ses représentants obligés que sont le chef de l’état français et une pluralité de chefs d’états africains, auquel ceux-ci adhèrent bon gré mal gré, selon les conditions mêmes de leur accession au pouvoir. Ceci, parce que les puissances d’argent qui permettent leur élection en France et en Afrique, se sont établies pour une large part, précisément par l’exploitation des ressources africaines. Et, celles-ci entendent non seulement, continuer d’exploiter ces ressources, mais de plus, exploiter les marchés africains désormais prometteurs. Les hommes politiques ne sont alors que des instruments de ces puissances, desquelles dépend tout leur pouvoir, et qui s’exécutent jusqu’à déclencher des guerres criminelles et illégales, pour la défense de ces intérêts.

C’est devenu désormais rituel, sitôt le nouvel élu arrivé au “Palais”, celui-ci s’engage formellement à mettre fin à ce système dont la mauvaise réputation parcours l’opinion. Mais il n’est qu’à observer qui sont les tout premiers “conviés” au Palais, au début de la mandature, pour comprendre qu’il ne s’agit en cela, que de communication, afin d’éloigner les curieux.

Bien sûr, il arrive malgré tout que des magouilles montées par certains, par le moyen de commissions et de rétro-commissions, avec des chefs d’état africains, afin du financement de leur campagne électorale ou de leur enrichissement personnel, soient quelquefois révélées en défrayant la chroniques, et c’est ce que beaucoup pensent être fondamentalement la Françafrique. Mais il ne s’agit là en réalité, que de l’arbre qui cache la forêt.

Ce qui rend ce système quasi indestructible, c’est que ce sont les profits considérables, tels qu’en dehors des opérations purement spéculatives, il n’est absolument pas possible d’en obtenir de semblables par des opérations commerciales habituelles, tirées de l’exploitation abusive, se faisant au nez et à la barbe des Africains, des ressources de leur continent, avec bien sûr la complicité de leurs dirigeants “françafricains” qui, au départ, constituent la base de la toute puissance des sociétés concessionnaires. Ce sont donc ces mêmes profits qui font la puissance des sociétés financières qui leur sont associées, et qui in fine, par des cheminements plus ou moins complexes, font tout simplement les puissants qui dirigent la France.

Pour se faire une idée des sommes en question, lesquelles vont bien au-delà des petits cadeaux que ces messieurs se font entre eux, il suffit de constater la richesse ostentatoire des monarchies pétrolières du golf, telle que celle-ci est déjà visible dans la qualité de leur habitat, de leurs infrastructures et de leurs équipements publics, et rapporter cela au dénuement et à l’arriération de nations telles que le Gabon et surtout le Congo, qui sont pourtant parmi les principaux fournisseurs pétroliers de le France, et à la toute puissance de la société Total, première entreprise française et de loin, qui exploite là-bas ces ressources.

Partant de là, il est tout à fait illusoire de croire que le voudraient-ils, des dirigeants français pourrait lutter efficacement contre le système. Comment le pourraient-ils, puisque c’est justement de lui qu’ils tirent leur puissance ?

Dès lors, ces dirigeants n’ont pas d’autre choix que de veiller à la bonne qualification de leurs correspondants africains, sans la discipline desquels le système qui les a mis et qui les maintient en situation, risquerait de s’enrayer, et il est manifeste que de quelque bord qu’ils soient, de gauche ou de droite, les dirigeants français n’ont pas hésité un seul instant à mener des opérations guerrières, au nom bien sûr de la défense des droits de l’homme, de la veuve, et de l’orphelin, pour mettre en place en Afrique, des servants fiables du système.

C’est ainsi qu’à l’occasion d’un différent entre caïds du “clan”, un individu en ayant profité opportunément pour se proposer avec succès au suffrage du peuple, nous étions alors en l’année 2002, s’est imaginé que son intégrité morale, son patriotisme, son volontarisme et surtout sa victoire par les urnes, laquelle constituait alors une première pour ce pays, suffirait à établir sa légitimité à un niveau qui le rendrait incontestable et indétrônable. Et c’est alors qu’il entreprit dans la foulée, de confier l’exploitation des richesses de son pays, à des sociétés précédemment non concernées, qui lui en offraient une bien meilleure rente.

Aux dernières nouvelles, il croupi encore dans une geôle quelque part en Europe, après que son palais fut écrasé sous les bombes par les “forces pacificatrices”, et que lui et les siens furent capturés et exilés sans ménagement. Il fut alors remplacé “démocratiquement”, c’est à dire à l’occasion d’une consultation dite exemplaire au résultant incontestable, dans un pays en guerre, coupé en deux, et dans lequel opéraient paisiblement des bandes armées, s’étant faites les gardiennes des urnes, par un agent offrant quant à lui toutes les garanties. Ceci, pour avoir assumé d’importantes responsabilités au F.M.I., institution devenue pour la Françafrique au fil des ans, l’instrument par prédilection de coercition, exercée sur les chefs d’états africains contrevenants à ses injonctions.

Un autre axe de la logique implacable selon laquelle se trouve établie la Françafrique, réside dans le fait que les intérêts de la France, ou plus exactement les intérêts des puissances économiques et financières qui, par l’intermédiaire de quelques hommes de paille, se sont emparées des rênes du pouvoir en ce pays, se trouvent clairement en Afrique, alors même que les intérêts de ses agents africains dont elle a fait des chefs d’état, se trouvent quant à eux, en France. Les sorts des dirigeants sur les deux continents, se trouvent dont fatalement liés.

En ce sens, il serait faux de croire que la Françafrique est une entreprise de nouvelle colonisation, menée au bénéfice de la France et des Français, et dont les dirigeants de ce pays seraient les maitres. Car la Françafrique n’a pas de nationalité ni de patrie, et il faudrait d’ailleurs, pour bien comprendre sa nature, se défaire de la définition géographique restrictive qu’évoque directement son appellation, puisqu’il semble qu’un riche et influent émir du golf, fasse désormais partie de la danse.

C’est ainsi que si son bras armé est bien français, il y eut pourtant un chef africain qui, ayant “usé” au cours de quarante années d’un règne interminable, tous les présidents de la cinquième république française, sauf celui actuellement en place, s’est trouvé, en “doyen” du système, en situation de “recommander” amicalement, l’essentiel des ministres d’un gouvernement français, et d’obtenir le limogeage sur le champs, d’un ministre présomptueux qui avait commis l’imprudence de tenir des propos peu amènes à son égard. Et ce ne sont pas des éléments de la réalité objective de son pays qui lui ont valu cette faveur, puisqu’il est manifeste que son rejeton, qui fut installé sur le même fauteuil afin de la continuité locale du système, ne fait tout simplement quant à lui, que ce qu’on lui dit de faire.

C’est d’ailleurs cette diffusion du pouvoir dans une Françafrique non maitrisable, qui explique l’embarras actuel des dirigeants français. En effet, pour en finir avec la réticence d’un chef africain, qui avait pourtant donné des gages au système en participant à la curée contre l’ivoirien, mais qui entendait maintenant obtenir pour son pays, une rente honorable de l’exploitation de ses richesses, ces dirigeants français ont selon les usages de la Françafrique, provoqué une rébellion sécessionniste dans le nord du pays, pour pouvoir court-circuiter le sudiste, afin d’obtenir de ceux qu’ils mettraient alors en place au pouvoir dans le nord, les conditions d’un profit maximum pour l’exploitation des immenses ressources en uranium, en coltan, et en gaz naturel, que referme cette région.

Cependant, ces sécessionnistes furent rejoints et rapidement débordés par des hordes de mercenaires sanguinaires dont les Français s’étaient servis pour défaire le Libyen, celui dont le projet était justement de soustraire l’Afrique, du joug de la Françafrique. Durant des mois, les dirigeants français ont feint d’ignorer les massacres et les atrocités auxquels se livraient ceux qui étaient par le fait leurs alliés objectifs, en déclarant la zone indépendante.

Mais, il s’en fut qu’en chef militaire sudiste, commandant d’une armée qui avait été privée de pouvoir faire face aux sécessionnistes, à cause d’un embargo non déclaré opéré sur ses approvisionnements, par la France, entreprit contre l’avis même de son président, de mener une contre offensive et semble-t-il avec succès, contre les barbares nordiques et leur chefs qui, de toute évidence, n’ont pas été “adoubés” comme tels par la société secrète.

Face à ce manque total de maitrise de la situation, les dirigeants français qui savent bien que, tout dirigeants de la France qu’ils sont, ils ne le demeureront pas longtemps s’ils manquent à la logique du système, ont du aussitôt se réinscrire dans celle-ci. Car, on rentre en Françafrique comme on rendre dans les ordres ou dans la mafia, c’est à dire qu’une fois entré, on n’en sort plus. Ils ont donc soudainement changé, sans la moindre gêne et sans état d’âme, leur fusil d’épaule. Ceci pour en revenir à l’orthodoxie, en renonçant à leur option sécessionniste visiblement mal engagée, pour soutenir le nouveau promu chef du Bamako, adoubé par ses pairs africains, en allant bombarder sévèrement comme il se doit, ceux dont ils avaient pourtant jusqu’ici secrètement soutenu l’action.

Pour mettre fin à ce système, il faudrait un homme capable d’accéder au pouvoir, par le seul fait de sa pertinence, de sa compétence, de son dévouement, et de son charisme. Or, ni de France ni d’Afrique, on ne voit poindre ce grand leader charismatique. La Françafrique à donc de beaux jours encore devant elle...

Paris, le 15 janvier 2013

Richard Pulvar

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