Selon l'épidémiologiste Catherine Hill, à qui le JDD a demandé une estimation, la pilule est responsable, en France, de 2.800 thromboses et embolies, dont 35 mortelles.
"Mediator : combien de morts?" Il a fallu que le député PS et cardiologue Gérard Bapt pose cette question dans les colonnes du Monde en août 2010 pour que le drame sanitaire découvert par Irène Frachon éclate au grand jour. Alors aujourd'hui, avec les pilules de 3e et 4e génération, Diane 35 et ses génériques : combien de mortes? Pour l'instant, impossible de le dire alors même que ces contraceptifs présentent un risque veineux accru par rapport à ceux de 2e génération.
Les seuls chiffres disponibles, issus de la base nationale de pharmacovigilance, semblent très lacunaires : quatre décès causés par Diane 35 en vingt-cinq ans, six par les pilules de 3e et 4e génération, six pour la 2e génération et un pour la 1re génération. Une sous-estimation liée à la nature de cet outil de surveillance, basé principalement sur la déclaration spontanée des effets indésirables des médicaments. Il y a pourtant urgence à évaluer les réels dangers de ces molécules. Car tandis qu'un nombre croissant d'accidentées de la pilule demandent justice, certains gynécologues reprochent aux autorités de santé d'en faire trop, critiquant notamment la récente décision de suspendre Diane 35, traitement contre l'acné dévoyé en pilule.
Comme elle avait fini par y consentir à l'automne 2010 avec le Mediator, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a mandaté une équipe pour travailler sur cette question. Pilotée par l'épidémiologiste Mahmoud Zureik – déjà en charge de l'évaluation des dégâts provoqués par le coupe-faim de Servier –, elle va croiser les données piochées dans les bases informatiques des hôpitaux (dites PMSI pour programme de médicalisation des systèmes d'information) avec celles de l'assurance maladie (incomplètes car seules quelques pilules de 3e génération sont remboursées) et avec les chiffres de vente de pilules.
Des risques en forte augmentation
En attendant ces résultats qui devraient être connus fin février, leJDD a demandé à Catherine Hill, épidémiologiste à l'institut Gustave-Roussy, spécialiste reconnue de santé publique et la première à avoir évalué le nombre de morts du Mediator, d'établir un ordre de grandeur. Pour estimer le risque accru de thrombose et d'embolie causé par les pilules de 3e, 4e génération et Diane 35, la chercheuse s'est basée sur l'enquête menée au Danemark par Øjvind Lidegaard et publiée en 2009 dans le British Medical Journal.
D'après cette étude, le risque est augmenté de plus de 80% pour les pilules de 3e génération (sauf celles contenant du norgestimate), de 64% pour la 4e génération et de 90% pour Diane 35 par rapport à celles de 2e génération. Pour estimer le nombre de décès consécutifs à ce type d'accidents, elle a utilisé l'étude que vient de réaliser le CHU de Brest. En passant au crible 550 hospitalisations, le professeur Christian Riché, directeur du centre de pharmacovigilance de cet établissement, a en effet recensé 80 embolies pulmonaires sous pilule, toutes générations confondues, et un décès (soit un décès pour 80 accidents).
Des médecins se rebiffent
Selon les calculs de Catherine Hill établis pour le JDD grâce aux chiffres de vente des médicaments de 2007 à 2012 et portant sur quelque 5,1 millions de Françaises sous contraceptifs oraux, la pilule (toutes générations confondues y compris Diane 35), serait responsable de près de 2.800 thromboses ou embolies chaque année. Si les résultats partiels obtenus à Brest peuvent être extrapolés à la France entière, 35 décès par an seraient causés par des accidents liés à la pilule. Une estimation qui concorde avec "une mortalité de 5% pour les embolies actuellement observée en France", selon le docteur Olivier Sanchez, pneumologue à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris.
"Pour mettre en perspective ce nombre de 35 décès, il faut le comparer aux dégâts causés par le tabac qui tue chaque année 600 femmes de moins de 45 ans, et prendre en compte l'utilité de la pilule", nuance Catherine Hill.
Pour le député et médecin Gérard Bapt, il était temps de prendre conscience des dangers des contraceptifs les plus récents : "Trois cent cinquante femmes décédées d'embolie en dix ans sans parler des accidents veineux graves ni des AVC. C'est d'autant plus inquiétant que ces drames touchent des femmes jeunes, souvent en bonne santé! "L'un des premiers à avoir pris position contre ces contraceptifs, le professeur Philippe Even, spécialiste des embolies, estime aujourd'hui" avoir eu tort de ne pas communiquer sur ce sujet" : "L'arrivée de la pilule a été un tel bienfait que nous, médecins, avons peut-être ignoré ses risques et les précautions à prendre avant de la prescrire." Un point de vue partagé par le pharmacologue Christian Riché, l'auteur de l'étude du CHU de Brest : "La plupart des femmes ayant fait des accidents sous pilule n'auraient jamais dû la prendre car elles avaient des facteurs de risque associés, parfois cumulés : poids, tabac, antécédents familiaux."
Source: JDD
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