dimanche 3 mars 2013

MOURIR DANS LA GUERRE DES AUTRES


Ces vaillants, dignes fils de la même nation, sont en quelque sorte les héritiers de l’illustre “Régiment de marche du Tchad” qui, après la débâcle militaire française de 1940, et grâce au ralliement du gouverneur guyanais Félix Eboué, à la cause du général de Gaulle, fut constitué à Fort-Lamy, devenue aujourd’hui N’Djaména, pour l’essentiel, de volontaires africains.

Il fut l’embryon de la constitution d’une armée française libre, qui allait permettre à la France de reprendre le combat, lui offrir grâce à la vaillance exceptionnelle de ses hommes, malgré un rapport des forces qui au départ, lui était largement défavorable, ses réconfortantes premières et spectaculaires victoires, dans cette guerre.

Pour bien comprendre la valeur de leur engagement, il faut se rendre compte qu’alors qu’il se trouvait en Angleterre, plusieurs dizaines de milliers de soldats français évacués par des navires britanniques, de la poche de Dunkerke où il se trouvaient encerclés par l’armée allemande, une semaine après que le général de Gaulle eut lancé son vibrant appel du 18 juin à la résistance, il n’y eut en tout et pour tout que 600 volontaires français, pour le rejoindre. Jusqu’à l’été 1942, et quoi qu’en diront ceux qui veulent croire aujourd’hui, que la France entière fut résistante à cette époque, ce nombre ne dépassera pas celui de 7200 volontaires. Or, quelques semaines seulement après le ralliement du gouverneur Eboué, ce fut plus de 3500 volontaires africains, qui se déclarèrent prêts à combattre pour la liberté.

Cette armée de volontaires africains, renforcée au fur et à mesure par des volontaires français ayant décidé de rejoindre le général de Gaulle, allait établir la crédibilité de celui-ci auprès des allies, après ses prodiges de Koufra, de Tobrouk, et de Bir Hakeim, lui permettre d’obtenir l’aide logistique de ces derniers pour la constitution d’une force armée significative, et permettre finalement à la France, de s’asseoir à la table des vainqueurs.

Ce qu’il nous faut remarquer à cet instant, c’est que ces hommes se sont engagés dans une guerre qui au départ, n’était pas la leur, puisque ni les Allemands ni les Italiens, n’avaient attaqué le Tchad, et que les autorités françaises elles-mêmes, traitaient de criminel ceux qui osaient les combattre. Ils se sont engagés pour venir au secours d’une nation dont aujourd’hui, pas même une modeste rue de l’orgueilleuse capitale ne porte leur nom, pour entretenir le souvenir de leur sacrifice pour elle.

Cette vaillance des combattants tchadiens ne s’est pas démentie depuis ces événements de la deuxième guerre mondiale, mais il semble que la même ingratitude risque fort de frapper ces autres vaillants d’aujourd’hui, qui se battent contre un ennemi qui, là encore, n’est pas le leur, puisque personne n’a attaqué le Tchad, et que la puissance qui leur a demandé leur aide, comble de l’inconséquence, a pourtant elle-même armé et entrainé, avant de le constater incontrôlable.

Car, alors qu’il leur a été donné dans cette épreuve d’affronter la pire difficulté, c’est à dire de partir à l’assaut du dernier carré de combattants fanatiques rassemblés autour de leur chef et pour la défense de celui-ci, chef que ces assaillants ont finalement abattu, on ne parle plus que de la mort de ce chef terrifiant, qu’on attribue confusément à l’action guerrière de la France, en manquant déjà totalement de bien signaler ce qui en fut le coût énorme pour les jeunes assaillants, puisque vingt six d’entre eux y ont laissé leur vie. Ceci, à comparer avec les deux soldats morts au combat de la puissance ayant requis leur aide, pourtant beaucoup plus peuplée, et par l’inconséquence de laquelle cette guerre à du être menée.

Faire la guerre et mourir pour leur compte, cela deviendra-t-il la nouvelle fonction que les nations du Nord, réserveront à celle du Sud...?

Paris, le 3 mars 2013 
Richard Pulvar

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