Cela devrait pourtant être bien clair pour les uns et les autres dans ce pays, le fait qu’il n’y a désormais plus de “pouvoir” en celui-ci, et ce, depuis quelques années déjà. Le pouvoir n’est donc pas à prendre ici, comme se préparent pourtant à le faire certains, car il demeure déjà tout simplement, à ressusciter.
Bien sûr, il existe encore tous les accessoires d’accompagnement du pouvoir, palais, gardes républicains, marseillaise et autre limousine, destinés à lui conférer toute sa solennité. Bien sûr il existe encore tous les leviers permettant d’opérer les manœuvres, assemblées, conseils, ministères, et autres, mais le navire est immobile, et tous ces leviers n’exercent que dans le vide.
Dans son expression positive, il s’agit de cette capacité à rendre possible, à orienter, coordonner, et finalement obliger l’action des individus comme de leurs collectivités et de leurs sociétés, à l’aide des différentes institutions politiques, économiques, et sociales. Ceci, dans le sens d’un projet de devenir susceptible d’améliorer les conditions d’existence des citoyens, de leur permettre et de leur faciliter leur réalisation personnelle, et surtout dans le sens d’un renforcement de leur solidarité, afin de pérenniser la nation dans sa civilisation, son intégrité, sa capacité, et son autorité. Or, le pouvoir comme tel, manifestement n’existe plus...!
Ainsi, ce qui se prétend être un exercice du pouvoir par ceux qui se rêvent encore être des dirigeants, alors que manifestement ils ne dirigent plus rien, ne consiste plus qu’en une course éreintante et désespérée, après un cortège d’événements par lesquels ils se sont trouvés totalement dépassés depuis déjà quelques années, et dont ils subissent de leur part une dictature qu’ils n’ont aucun autre choix que d’en répercuter les implications dramatiques, contre ceux-là mêmes, leur peuple, qu’ils étaient censés conduire dans la voie du progrès.
Notre difficulté vient du fait que pour qu’un réel pouvoir puisse être exercé, il faut tout d’abord de véritables “chefs”, lesquels ne peuvent l’être que par la pleine confiance que leur fait la nation. Il faut ensuite un “projet” ambitieux, séduisant, généreux, et optimiste, dans le sens duquel exercer ce pouvoir. Et il faut surtout que la nation soit parfaitement “déterminée”, pour se mettre en mouvement dans la voie proposée et par cela même, devenir “gouvernable”.
Malheureusement, c’est précisément sur ces trois conditions que nous nous trouvons en “défaut”, et il est temps d’en faire le constat pour comprendre qu’il n’y a, et qu’il ne peut y avoir, absolument aucune issue, par la voie dans laquelle nous sommes actuellement engagés.
Il faut donc cesser de s’épuiser stupidement sur le règlement de questions sectorielles, telles que la lutte contre le déficit budgétaire, contre la dépense publique, ou contre la fraude fiscale, pour se donner l’illusion en gesticulant beaucoup, de faire quelque chose, et même si bien sûr, ce règlement devra intervenir tôt ou tard. Car, ce n’est tout simplement pas par-là qu’il faut commencer, et une action gouvernementale en ce sens correspond à mettre en place des charrues pour régler ces problèmes, non pas seulement avant les bœufs, mais sans même jamais se préoccuper le moins du monde quant au fait qu’il faut bien des bœufs pour les tirer.
En effet, nous ne parviendrons jamais à régler ainsi ces questions parce que celles-ci s’inscrivent dans un cadre général qui lui, ne permet justement pas leur règlement sectoriel, car ceci suppose la mise en action d’une “capacité gouvernementale” qui, pour les raisons citées plus haut, n’existe justement pas, les gouvernements de ces derniers temps n’ayant plus aucun pouvoir. C’est donc à leur en redonner, que nous devons tout d’abord nous employer.
Tout ceci signifie qu’il nous faut tout d’abord des “chefs”, et des vrais, et c’est curieusement le jeu dit, “démocratique”, avec son mensonge totalement éculé de soit disant “exercice du pouvoir par le peuple”, qui nous en aura privé.
D’où tous ces marchands de démocratie ont-ils tiré que le peuple voulait exercer le pouvoir, où donc ont-ils vu cela ?
Où ont-ils vu que le peuple était disposé à se prendre la tête avec tous ces problèmes, qu’il était prêt, pour pouvoir participer positivement à la décision et assumer ainsi pleinement sa responsabilité républicaine, à plancher longuement pour murir son choix et en établir, par delà quelques considérations intuitives mais parfois trompeuses, le bien fondé patriotique ?
En fait, le peuple auquel en principe l’offre lui en a été faite, à bien vite considéré que sa seule charge d’exercice du pouvoir consistait à désigner le “balaise” selon lui, l’improbable musclé doté cependant d’un gros QI, et devant lequel tout le monde s’écrase, pour qu’il organise les choses pour le mieux et qu’on ne soit pas enquiquiné, ce qui n’est pas forcément une mauvaise attitude, mais qui pose problème quant à la définition justement de ce “mieux”.
Car, ce sont justement ceux qui n’ont de cesse de dire que le pouvoir doit revenir au peuple, qui se sont aussitôt proposés pour le représenter afin de l’exercer en son nom, et donc précisément, à sa place. Dès lors, constitués en “partis”, ils ne sont parvenus à obtenir cette délégation qu’en confortant leur clientèle électorale dans ce qu’elle ne demandait qu’à entendre et à croire, à savoir que le mieux ne pouvait être que ce qui constituait son avantage, le sien à elle et pas forcément celui des autres, voire même contre celui des autres.
Ce dont il faut bien prendre conscience ici, c’est que c’est précisément la procédure prétendument démocratique, alors qu’elle est en fait “partisane”, de désignation du chef, avec cette technique malhonnête qui consiste à identifier l’intérêt du clan à l’intérêt commun, en se prétendant le bon clan face au mauvais, qui ne permet pas la désignation d’un véritable chef, celui-ci ayant besoin pour pouvoir être tel, de bénéficier d’une confiance, sinon unanimiste, mais pour le moins largement majoritaire, de la nation.
Si donc une alternance de chefs de clan occasionnels, peut dans les temps habituels, suffire à la gouvernance de la nation en expédiant des affaires courantes, en période de grande difficulté, aucun chef digne de ce nom ne peut être comme étant un des siens, issu de la proposition d’un parti politique.
Que les choses soient donc bien claires.
Si nous devons sortir de l’actuelle difficulté, ceci ne se fera certainement pas par une forme quelconque d’autogestion avec une prise maximale de responsabilité par le peuple, selon un modèle dont rêvent encore certains, parce que le peuple n’en a justement cure, et parce que pour la majorité d’entre eux, tels qu’ils se trouvent dans leur recherche de “papa”, les hommes quoi qu’ils disent et veulent faire croire, préfèrent être dirigés, et ne souhaitent tout simplement que de l’être correctement.
On ne comprendra d’ailleurs rien à la persistance en ce pays, d’un si important salariat, malgré toutes les mesures d’incitation à l’entreprise et la garantie d’une protection minimale en cas d’échec, si on manque de comprendre que, même s’ils n’ont de cesse de lui faire reproche, la plupart des citoyens préfèrent avoir à faire à un “patron”, chargé de l’autorité et de la responsabilité, dans cette forme de famille que constitue l’entreprise.
Or, le vrai chef ne pourra pas être un homme issu d’un parti politique, et il faut donc commencer par virer tous les “carriéristes” issus de ces rangs, de la place...
D’autre part, il faut tout de même bien autre chose que de proposer selon un bréviaire de cadre administratif subalterne, de supprimer les niches fiscales, d’augmenter l’allocation de rentrée des classes, et le bonus écologique, pour prétendre qu’il s’agit en cette suite insipide de balivernes de second ordre, d’un véritable “projet de société”, ambitieux, enthousiasmant, et prometteur, à partir duquel on se propose d’engager l’avenir de la nation...!
De qui se moque-t-on ?
Il est temps d’en finir avec le néant conceptuel de toute cette classe politique, de toute cette collection “d’apparatchiks”, qui est intellectuellement, totalement stérilisée...
Enfin reste le plus gros morceau, la partie la plus difficile et de loin la plus nécessaire, faire en sorte qu’enfin, la nation soit solidement “déterminée”.
Il doit être clair qu’un peuple ne peut exercer avec ardeur et efficacité, que s’il se trouve parfaitement déterminé dans cet engagement. Or, il en est pour les personnes morales telles qu’un peuple, tout comme pour tous les personnes physiques, elles sont déterminées de ce qu’elles “sont”, ce par quoi se trouve établie leur capacité, à ce qu’elles “font”, ce par quoi se réalise leur projet.
Dans cette compréhension des choses, un peuple ne se trouve correctement déterminé, et par cela capable d’exercer avec succès, que s’il se trouve déjà sereinement établi entre un “mythe fondateur”, qui le justifie dans “ce qu’il est”, et un séduisant “mythe du progrès”, qui le justifie dans “ce qu’il fait”.
Durant des décennies, le mythe fondateur fut, “nos ancêtres les Gaulois”, au sujet duquel beaucoup se sont gaussés, concernant son application aux citoyens issus des colonies. Cependant, il est clair que sauf pour quelques attardés, le caractère purement “conventionnel” de cette proclamation d’origine, n’échappait à personne, et dans le fond, n’aurait dérangé personne si elle n’avait pas accompagné une prétention raciste et colonialiste. Elle possédait malgré tout l’immense avantage de suffire à justifier la présence au sein de la communauté nationale, de tous les citoyens quelle que soit leur couleur, puisqu’ils étaient réputés être tous pareillement descendants des Gaulois.
Cette formulation qui a fait sourire les esprits limités qui l’ont prise pour une sottise, était en fait géniale, parce qu’elle réglait aussi simplement que cela, un redoutable problème, celui de justifier la cohabitation dans une même nation, de citoyens d’origines aussi diverses, tel qu’il se trouve si difficilement posé aujourd’hui.
Curieusement, si cette convention fut abandonnée, c’est parce que les citoyens blancs de ce pays se sont un moment imaginés qu’ils étaient quant à eux authentiquement descendants des Gaulois, autrement dit qu’ils l’étaient génétiquement. Or ceci constitue pour le coup, une sottise grotesque. Car, il doit être clair qu’il n’y a pas davantage de sang gaulois, dont personne d’ailleurs ne serait en mesure de dire ce qu’il est, tant il est vrai qu’il y eut en réalité, une pluralité de peuples très divers qui furent dits “gaulois”, dans les veines des uns, davantage que dans les veines des autres, après deux mille ans d’histoire et d’invasions dans ce pays, et que si ceux qui sont noirs ont peu de chance d’être génétiquement descendants des Gaulois, ceux qui sont blancs n’en ont pas davantage.
Ce mythe fut détruit et ne fut remplacé par aucun autre, de sorte qu’aujourd’hui, au milieu d’une querelle entre le droit du sol et le droit du sang, plus personne n’est capable de dire qu’est-ce que c’est exactement un Français et au nom de quoi, sans que cette définition n’emporte fatalement un caractère exclusif, faisant qu’elle n’englobera pas la totalité des citoyens.
Partant de là, et en constatant que le mythe du progrès “liberté, égalité, fraternité”, n’a cessé d’être trahi sous tout un tas de prétextes de raison, au point qu’aujourd’hui tout le monde s’en moque éperdument, en considérant que l’efficacité se paye au prix de l’inégalité, que la sécurité se paye au prix de la privation de liberté, et que la fraternité coût cher et est encombrante, il est clair que la nation ne se trouve plus déterminée puisqu’on ne sait plus, ni “qui est français”, ni “par quoi” il l’est, ni “pour quoi il l’est”...
S’imaginer qu’on fera l’impasse quant à l’obligation de procéder à cette réparation essentielle du mythe fondateur et du mythe du progrès, et qu’on parviendra malgré cela à mettre la nation en ordre de marche, est la douce illusion dans laquelle baignent ceux qui prétendent nous diriger, et qui semblent convaincus avoir d’autres choses plus importantes à faire pour l’instant...
L’avenir dira...
Paris, le 13 avril 2013
Richard Pulvar
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