Elles furent des instruments déterminants de l’impérialisme, français en particulier.
Spécialement conçues pour cela, leur faible tirant d’eau permettait à ces canonnières de remonter les grands fleuves tel que le Mékong, le Fleuve Rouge, ou le Yang Tsé Kiang, et d’atteindre ainsi directement depuis la mer, des objectifs situés loin à l’intérieur des terres.
Au prétexte de disposer en direction de la Chine, au bénéfice des négociants français, de la libre circulation sur le Fleuve Rouge, le 25 avril 1882, trois de ces canonnières et sept cents hommes, se sont lancés à l’assaut de la citadelle de Hanoï.
Les autres actions qui suivirent celle-ci auront tôt fait de provoquer plusieurs dizaines de milliers de morts parmi les tonkinois, contraignant l’empereur d’Annam à céder par le traité de Hué en 1883, le Tonkin à la France sous forme de protectorat.
Mais il était clair pour les assaillants qu’il ne s’agissait là que d’une première opération, avant qu’on ne s’emploie à conquérir le reste de l’Annam qui, avec la Cochinchine qui était déjà conquise sur depuis 1862, le Laos, puis le Cambodge, formera ce qui deviendra finalement “l’Indochine française”.
L’empereur de Chine inquiet de cette occupation du Fleuve Rouge, lequel constituait une artère essentielle pour le commerce de la Chine, prit quelques mesures conservatoires. C’est alors que face à ces préparatifs le gouvernement français décida de la création de “l’escadre d’extrême orient”, dont le navire amiral était le puissant cuirassé “le Bayard”. L’affrontement eu lieu en 1884, dans la rade de Fuzhou. La marine française écrasa en moins d’une demi-heure la marine chinoise qui se trouvait ancrée dans cette rade. Ce fut pour l’empereur le début d’une série de déconvenues militaires qui vont conduire les Chinois à signer les traités dit “inégaux”, parce qu’obtenus sous la contrainte, qui vont permettre à la France d’obtenir des “concessions”, c’est-à-dire l’autorité sur des territoires chinois, ceux de Hunkou, Guangzhou Wan, de Trianjin, et surtout, sur un quartier central de la ville de Shanghaï, sur lequel les français exerceront leur autorité jusqu’en 1946.
L’écrivain Pierre Loti, qui exerçait parallèlement une carrière d’officier de marine, se rendit en Annam lors de la bataille décisive de conquête impérialiste et criminelle de ce territoire souverain, en se faisant le correspondant de guerre pour le journal le Figaro. Dans un texte intitulé “trois journées de guerre en Annam”, voici la façon totalement cynique dont il rend compte de cet affrontement entre deux forces qui sont bien sûr, inégales, mais dont l’une possède la légitimité de défendre son territoire, ce qui n’a guère l’air de l’affecter :
“...Et puis, tout à coup, dans une ligne de tranchée, merveilleusement établie, qui semblait entourer toute la presqu'île, on avait trouvé des gens qui guettaient, tapis comme des rats sournois dans leurs trous de sable, des hommes jaunes, d'une grande laideur, étiques, dépenaillés, misérables, à peine armés de lances, de vieux fusils rouillés, et coiffés d'abat-jours blancs. Ils n’avaient pas l'air d’ennemis bien sérieux; on les avait délogés à coups de crosses ou de baïonnettes...”
Il existe d’autres passages encore plus infâmes, mais je vous les épargne...
Quand au nombre des victimes annamites qui, malgré l’infériorité de leur armement, vont se battre avec l’esprit du sacrifice, là encore, il s’établira par dizaines de milliers...
Aujourd’hui, les porte-avions ont remplacé les canonnières, mais la politique de la canonnière n’a pas disparu, il s’agit de trouver un prétexte pour attaquer un pays lointain qui ne vous a strictement rien fait, afin de faire main basse sur ses richesses, profiter de ses facilités, et exploiter ses habitants, en en massacrant un maximum afin de faire plier son chef, puis en exécutant ce chef lui-même, et cela doit vous rappeler quelque chose...
Paris, le 22 aout 2013
Richard Pulvar
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