Il y eut bien sur le front de la guerre de 1914-18, au soir du 7 novembre 1918 à 20h30, un premier ordre de cessez-le-feu qui fut sonné au clairon par le caporal Pierre Sellier, mais il ne s'agissait pas encore véritablement de la fin de la guerre. Il s'agissait de permettre aux plénipotentiaires allemands de franchir les lignes françaises, afin de se rendre dans la clairière de Rethondes où le Maréchal Foch, commandant en chef des forces alliées, les attendait dans son train de commandement, pour négocier les conditions d'un armistice...
Il était convenu que cette trêve temporaire ne devait durer que jusqu'à minuit et qu'au delà de cette heure, les opérations militaires reprendraient... Cette heure fatidique fut reportée jusqu'à 6 heures du matin, et effectivement, les opérations militaires ont repris, ce qui peut paraître surprenant puisqu'il était évident que les combats allaient bientôt prendre fin, et qu'il n'y avait pas lieu de sacrifier encore des vies humaines dans ces derniers instants d'une guerre qui avait déjà tant causé de morts...
Cependant, deux volontés opposées vont faire que des combats acharnés se poursuivront jusqu'aux dernières minutes de cette guerre, faisant 96 morts à quelques heures de l'armistice, qui seront tous déclarés être tombés le 10 novembre et non pas le 11, eut égard aux familles et à l'opinion...
En effet, la dernière grande offensive de l'armée allemande, engagée depuis mars 1918, et qui devait impérativement être victorieuse avant que les troupes américaines débarquée depuis 1917, ne deviennent opérationnelles au combat en faisant définitivement pencher la balance des forces en faveur des alliés, avait échoué face au dispositif mis en place par Foch. Depuis le mois de juillet, les forces allemandes reculaient sur toute la longueur du front, et la situation devint catastrophique pour elles au mois de septembre, justifiant de la part du haut commandement allemand une première demande d'un armistice, laquelle fut refusée par les Français...
Car, deux options s'opposaient alors en France. Tout d'abord celle de ceux, pour la plupart des civils, qui estimaient que ces quatre années de sacrifice devaient se terminer par une victoire totale sur l'Allemagne, et qu'il fallait donc aller jusqu'à Berlin. Ceux-là ne voulaient pas entendre parler d'un armistice. L'autre option était celle de ceux, pour la plupart des militaires, qui estimaient qu'il fallait mettre fin le plus rapidement possible à la souffrance des soldats, et que ce qu'il importait, c'était la capitulation de l'Allemagne, sans qu'il soit besoin de se rendre jusqu'à Berlin, au prix de dizaines de milliers de morts supplémentaires...
Pour les uns, il fallait donc pourchasser l'ennemi en déroute jusqu'à Berlin, et pour les autres il fallait favoriser la signature d'un armistice au plus tôt. Et ceci en faisant une opération militaire spectaculaire, qui ne laisserait aucun espoir aux plénipotentiaires allemands de pouvoir sauver les meubles, afin qu'ils signent la capitulation au plus vite...
Ces deux options impliquaient donc une poursuite des combats jusqu'au bout...
L'opération spectaculaire qui fut décidée par le commandement militaire, c'était le franchissement de la Meuse derrière laquelle l'armée allemande s'était retranchée, et ce, dans une zone où elle possédait des forces en nombre supérieur et de puissantes installations défensives. Il fallait donc la vaincre coûte que coûte justement là, pour faire la démonstration de sa supériorité définitive...
Alors que les négociations étaient en cours, l'opération fut engagée le 9 novembre, et le 10, au prix de combats acharnés, la Meuse fut franchie, malgré la supériorité numérique d'une armée allemande qui il est vrai, savait déjà que tout était fini pour elle...
C'est au cours de ces combats qu'à dix minutes seulement de la fin, soit à 10h 50 pour un armistice prévu pour 11 heures, le soldat Augustin Trébuchon est tombé, frappé d'une balle en pleine tête, et c'est un soldat de son propre régiment, Octave Delaluque, qui sonnera de son clairon, la fin de cette terrible et dévastatrice guerre, en étant repris par les clairons allemands...
Dans son rapport, l'officier qui commandait l'opération précisera que l'artillerie aura continué à bombarder jusqu'à 10h 45, et que la mitrailleuse aura continué à tirer jusqu'à 10h 57...!
Il est à noter que tout au long du front, les soldats allemands, vaincus et démoralisés, mais malgré tout soulagés de la fin de cette guerre, ont tenté de fraterniser avec ceux qui les avaient si durement combattus. Mais, leurs tentatives sont généralement demeurées sans succès, car le gouvernement français, qui se préparait déjà à faire payer très durement sa défaite à l'Allemagne, par un traité de Versailles qui portait en lui les germes d'une autre guerre, avait formellement interdit toute fraternisation avec des soldats allemands...
Richard Pulvar
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