dimanche 18 janvier 2015

Le Clézio : lettre à ma fille, extrait


Voici comment Le Clézio, prix Nobel de littérature, dans "Lettre à ma fille" parue au lendemain de la marche du 11 janvier, les a décrits: «Trois assassins, nés et grandis en France, ont horrifié le monde par la barbarie de leur crime. Mais ils ne sont pas des barbares. Ils sont tels qu’on peut en croiser tous les jours, à chaque instant, au lycée, dans le métro, dans la vie quotidienne. A un certain point de leur vie, ils ont basculé dans la délinquance, parce qu’ils ont eu de mauvaises fréquentations, parce qu’ils ont été mis en échec à l’école, parce que la vie autour d’eux ne leur offrait rien qu’un monde fermé où ils n’avaient pas leur place, croyaient-ils. A un certain point, ils n’ont plus été maîtres de leur destin. Le premier souffle de vengeance qui passe les a embrasés, et ils ont pris pour de la religion ce qui n’était que de l’aliénation. C’est cette descente aux enfers qu’il faut arrêter, sinon cette marche collective ne sera qu’un moment, ne changera rien. Rien ne se fera sans la participation de tous. Il faut briser les ghettos, ouvrir les portes, donner à chaque habitant de ce pays sa chance, entendre sa voix, apprendre de lui autant qu’il apprend des autres. Il faut cesser de laisser se construire une étrangeté à l’intérieur de la nation. Il faut remédier à la misère des esprits pour guérir la maladie qui ronge les bases de notre société démocratique.»

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