Vous avez adressé une lettre ouverte au président de la république française pour tout d’abord lui exprimer votre indignation de constater qu’il avait « osé » insulter par omission des peuples entiers en affirmant, lors de la commémoration du 70ème anniversaire de la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, que : « LA SHOAH EST LE PLUS GRAND CRIME, LE PLUS GRAND GENOCIDE, JAMAIS COMMIS ».
Après lui avoir posé, à juste titre, la question de savoir s’il n’était pas discriminatoire, de vouloir inscrire l’histoire de la shoah à l’école, en oubliant les autres histoires comme celle de vos compatriotes descendants de millions de déportés africains, vous lui avez rappelé l’ampleur des crimes que furent la traite négrière et l’esclavage des nègres.
Enfin vous lui avez clairement demandé de présenter des excuses. Votre lettre présente de manière objective et sans passion la réalité des discriminations que les afro-descendants subissent en France mais aussi, en Europe, en Amérique et jusque dans leur continent d’origine l’Afrique.
Pourtant vous avez été immédiatement et vivement critiquée par la Ministre de « l’outre- mer » PAU-LANGEVIN qui a cru devoir vous reprocher de verser dans la concurrence victimaire ; de faire un contresens en comparant deux crimes qui ne sont pas comparables puisque, selon elle, la traite négrière et l’esclavage sont un crime contre l’humanité mais pas un génocide. Madame la Ministre pour finir vous traite insidieusement d’idiote. Autrement dit, Madame la Ministre juge que les allégations du président de la France sont justes et vous invite à la fermer estimant que par vos propos, vous entretenez la haine.
Le parti pris de la Ministre de l’outre-mer nous démontre un fois de plus combien on a appris à nos peuples à accuser les siens des exactions commises par ceux qui les dominent. Car, objectivement, qui a commis la fameuse concurrence victimaire dont parle PAU LANGEVIN sinon le président français François HOLLANDE lui-même quand il affirme que la shoah est le plus grand crime jamais commis.
Seulement pour PAU-LANGEVIN, cette hiérarchisation des crimes faite par le président de la France, classant la shoah comme le plus grand d’entre eux, est justifiée et inattaquable et nous devrions l’accepter sans réagir, comme elle nous y invite : « Quand le chef de l’Etat, François Hollande, évoque la shoah, il ne faut pas dire : « et nous ? ».
Cependant, je ne peux guère me permettre de trop bousculer mes compatriotes créolisés, puisque leurs propos ne font que traduire la situation de soumission dans laquelle le système colonial esclavagiste français a réduit nos peuples, qui s’accommodent depuis des siècles du statut de sous-humanité que ce système leur applique. Indéniablement, les chaines qui meurtrissaient quotidiennement les chairs de nos ancêtres dans l’univers concentrationnaire des plantations pendant quatre siècles de déni d’humanité, de tortures et d’humiliations permanentes, sont désormais dans nos cerveaux.
C’est ainsi que certains de ces compatriotes qui ont milité pour la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité, n’ont jamais osé pousser plus loin la réflexion, et s’interroger sur le refus persistant de la France de reconnaitre la pleine et entière dignité de nos peuples, laquelle ne peut se réduire à un mandat électif ou à un poste de ministre au sein du gouvernement français. Faut-il rappeler que la dignité d’un peuple ne se mesure pas aux quelques miettes de pseudo pouvoirs jetées par le dominateur raciste, mais à la pleine et entière humanité reconnue et instituée de ce peuple !
La dignité d’un peuple est bafouée quand il est dirigé, soumis par un pouvoir extérieur qui le considère comme composé de sous-humains qui n’ont pas droit, notamment, à réparation pour les crimes contre l’humanité dont leur peuple a été victime. Il suffit de voir que dans nos pays, tout ce qui est véritablement autorité est représenté par des personnes dites de « race » blanche, tandis que les nègres leur sont institutionnellement soumis réduits dans des rôles subalternes, sans qu’ils ne réagissent pour autant comme ils auraient dû le faire.
Cette situation qui doit nous interpeller, doit nous faire comprendre que le langage du président des français n’est pas surprenant. La « belle histoire de France » n’est-elle pas là pour nous rappeler le déni d’humanité que cette puissance coloniale continue à appliquer aux noirs ? Il faut nous rappeler que les européens, au lendemain de la seconde guerre mondiale, ont institué rapidement un tribunal d’exception pour juger les crimes commis par les nazis contre les blancs, alors qu’au lendemain du décret d’abolition de l’esclavage des noirs, ils ont indemnisé… les esclavagistes et ont mis sous surveillance les noirs !!
D’un côté l’Etat français répare les victimes, de l’autre il indemnise les criminels. Chercher l’erreur, Madame URSULL. Et cela continue !!!
Ce statut de sous-humanité qui nous est appliqué est sans cesse rappelé dans les propos des gouvernants, des intellectuels et des médias français. N’avons-nous pas assez lu, dans les livres d’histoire français, mais aussi entendus de la bouche d’hommes politiques et d’intellectuels français que la France avait apporté la civilisation aux nègres incultes et mis fins à leur barbarie ? Qu’en les déportant et en les réduisant à l’état juridique de meuble, elle les avait sauvés d’eux-mêmes et de leur sauvagerie ? Moult livres ont été écrits par les européens pour minimiser leur rôle dans ces crimes et pour tenter de rejeter la responsabilité sur les africains eux-mêmes.
Alors vous me direz qu’il y a eu la fameuse loi dite TAUBIRA dans laquelle la France reconnait que l’esclavage et la traite négrière sont un crime contre l’humanité. Alors je vous fais constater que cette loi n’a rien changé au comportement raciste et discriminatoire de la France envers les afro-descendants. Au contraire, les députés français débattent régulièrement de l’abrogation de cette loi alors que dans le même temps, ils rêvent de voter une loi sur les bienfaits de la colonisation système qui justement, a permis la commission du crime contre l’humanité que sont l’esclavage et la traite négrière. Je ne m’étendrai pas sur le caractère récurrent des propos racistes lancés par de nombreux journalistes à l’encontre des noirs, mais vous devez savoir qu’à l’heure où j’écris cette lettre, des juges et des politiques français considèrent que dans le droit positif français, l’apologie et la négation du crime contre l’humanité que constitue la traite et l’esclavage des noirs, sont autorisées.
De ce fait, nombreux sont ceux qui ne se privent pas pour nous insulter en permanence. Ainsi, le président français, François HOLLANDE, a pu dire lors d’une commémoration de l’abolition de l’esclavage devant un parterre d’afro-descendants et ce, sans le moindre état d’âme, que l’esclavage et la traite négrière n’avaient été qu’un outrage de la France contre la France. À ce jour, le président des français en est encore à nier l’humanité des noirs. Et la plus haute juridiction de la France, la Cour de cassation, défend le même point que le président de l’Etat français.
En effet, dans un arrêt du 5 février 2013, elle juge que la loi TAUBIRA n’est qu’une loi sans aucune portée normative et que partant, il n’existe pas en droit français de délit d’apologie ni de négation de la traite négrière et de l’esclavage des noirs.
Nous comprenons dans un tel contexte qu’il ne faut pas trop s’émouvoir des propos du président des français mais les prendre pour ce qu’ils sont : ceux du représentant d’un état qui de manière déterminé et avec régularité a toujours nié notre humanité. Les propos de HOLLANDE sont ainsi dans la droite ligne de ceux de son prédécesseur SARKOZY qui a carrément dit que nous n’étions pas entrés dans l’histoire.
Nous n’avons plus de temps à perdre à rappeler à ces gens l’horreur que furent les quatre siècles de traite et d’esclavage qui ont été suivis dans nos pays de politiques d’assimilation et d’aliénation, le tout agrémenté de politiques criminelles destinées à éradiquer notre population (Bumidom, génocide par substitution, empoisonnement etc…). Les agressions des européens contre les nègres continuent.
Elles n’ont jamais jusqu’à présent cessé. Il suffit de voir les crimes qu’ils continuent à commettre en Afrique pour garder leur puissance… puissance et tout le monde le sait, qui ne peut se maintenir sans qu’ils ne sucent le sang des africains. Disons-nous bien que ces agressions ne cesseront que quand nous prendrons clairement conscience de ce que nous seuls avons le pouvoir et le devoir d’y mettre un terme. C’est pourquoi, je salue votre engagement et celui du collectif des NEGRES INSOUMIS.
Recevez, chère Madame, mes salutations de militante du réveil de la conscience noire.
Foyal Matinik Le 13 février de l’an de grâce (chrétien) 2015
Claudette DUHAMEL Avocate
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