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mercredi 13 janvier 2010
Haïti n'est pas le pire pays du monde
Haïti a un passé glorieux et un présent ravagé, mais son peuple a déjà surmonté l’adversité.
Certains pays n'ont juste pas de chance. Haïti est un de ces endroits où les catastrophes se succèdent. Le violent tremblement de terre qui a détruit une bonne partie de Port-au-Prince, la capitale vieille de 250 ans, n'est que le dernier coup dur en date pour un pays qui peut difficilement supporter de nouveaux désastres. Au cours des deux dernières décennies, Haïti a subi une série de coups d'Etat, des élections truquées, une forte criminalité et des gouvernements incompétents. L'année dernière, deux ouragans successifs ont dévasté les villes des plaines centrales du pays, sa région la plus riche et fertile.
Haïti a un passé glorieux, un présent brutal et un sombre futur. C'est également un pays profondément divisé en termes de classe et de culture. Vous allez entendre à l'envi dans les prochains jours que c'est le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental. Vous allez moins entendre que c'est également un pays avec une culture riche, une vie artistique de classe mondiale et une musique célébrée dans tout le monde francophone.
Pour ceux d'entre nous qui sont nés là bas, chaque revers est un coup dans l'estomac, un rappel de l'état précaire de notre pays natal. Chaque revers nous donne également un sentiment de culpabilité et nous fait prendre conscience de la chance que nous avons d'habiter dans des endroits où les choses marchent, où les digicodes fonctionnent et où il existe un système de réponse en cas de catastrophe.
La défiance
Haïti n'a jamais eu de chance avec ses dirigeants non plus. Le pays a été crée à la suite d'un acte de défi vis-à-vis de la France, à l'époque où ce pays était un des plus puissants au monde. Les anciens esclaves ont défié Napoléon quand celui-ci annula l'émancipation des noirs décidée en 1794 lors de la Révolution française et ont vaincu l'armée menée par son beau-frère pour restaurer l'ordre. Haïti a été un paria pendant un demi-siècle, un pays dirigé par de noirs alors que tous ses voisins pratiquaient l'esclavage sur la base du postulat que les noirs n'étaient pas humains. Les Etats-Unis, qu'Haïti avait aidés durant leur propre révolution, ont refusé de reconnaître le gouvernement noir et de faire du commerce avec lui jusqu'à la Guerre civile, quand les sénateurs du sud ne pouvaient plus bloquer la reconnaissance par Abraham Lincoln.
Mais les leaders en temps de conflit sont rarement de bons leaders en temps de paix, et Haïti a connu une longue histoire de dictatures militaires, de coups d'Etats, de révolutions et d'occupations. Les Etats-Unis ont occupé Haïti pendant 17 ans, quittant le pays en 1934, mais comme beaucoup de pays des Caraïbes et d'Amérique Centrale qui ont subi la domination militaire américaine, le principal héritage en fut un appareil militaire haïtien qui prit une place prépondérante dans la politique du pays. Le règne de 30 ans de la famille Duvalier a épuisé les maigres ressources du pays et crée une vaste diaspora de travailleurs talentueux.
Mes racines haïtiennes
Mes parents ont fait partie de cet exode massif, quittant le pays dans les années 50 pour travailler comme fonctionnaires internationaux en Europe et en Afrique de l'ouest. Je ne suis rentré au pays pour la première fois qu'après la mort de François (Papa Doc) Duvalier en 1971. Même après avoir vécu en Afrique, je fus choqué par le niveau de pauvreté d'Haïti et du gouffre qui y séparait les riches des pauvres, les classe moyennes des classes populaires.
J'ai redécouvert mes racines haïtiennes au cours de mes différents voyages, l'histoire passionnante du pays, le rôle de mes ancêtres, qui ont aidé à dirigé le pays dans ses premières années puis sont devenus des éducateurs, des docteurs, des musiciens et des avocats, dans la lutte d'indépendance. Et j'ai appris à respecter la force et la persévérance des Haïtiens les plus pauvres.
Une détresse évitable
Alors que les premiers reportages affirment déjà qu'Haïti n'est pas armé pour répondre à ce désastre, je sais que les Haïtiens sont un peuple robuste. Ils ont survécu à l'innommable cruauté de leurs maîtres puis adversaires coloniaux. Ils ont survécu à des siècles de pouvoir corrompu et, quand ils ont eu l'occasion d'émigrer aux Etats-Unis, au Canada et ailleurs, leur succès a montré que la détresse d'Haïti n'est pas inévitable, que l'acharnement du sort n'est pas inhérent à Haïti et aux Haïtiens.
Il y aura une opération de sauvetage de grande ampleur; les experts vont débattre comment remettre Haïti sur pieds. Des consultants vont toucher des sommes considérables. Bill Clinton, qui a été le «sauveur» du développement haïtien, fera un nouveau voyage accompagné d'investisseurs pour trouver des opportunités (et les entreprises du bâtiment vont sans doute se joindre à la délégation cette fois-ci). J'espère que tous les experts vont écouter attentivement le peuple haïtien et l'aider à reconstruire le nécessaire pour changer le futur du pays.
Joel Dreyfuss
Traduit par Grégoire Fleurot
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