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lundi 18 janvier 2010
Les Haïtiens tentent de donner du sens à la catastrophe
Une semaine après le séisme, Haïti ploie sous les urgences. La population n’a encore qu’un accès très limité aux secours qui se déploient et les signes de leur ferveur religieuse se sont multipliés.
« Je prendrai la vie, comme tu me l’as appris, un jour à la fois, doux Jésus. C’est tout ce que je peux donner, tu m’as donné la foi pour changer ma vie ». L’église Saint-Antoine de Padoue, dans le cœur de Port-au-Prince, n’a pas résisté au tremblement de terre : le joli bâtiment blanc s’est effondré sous la violence du séisme. Mais les fidèles se sont retrouvés malgré tout dimanche matin 17 janvier et chantent en chœur leur foi à quelques dizaines de mètres de leur église, dans une rue qui lui fait face.
Sur des gravats, une table bancale couverte d’un drap blanc fait office d’autel au pied d’un arbre épais. Posé sur cet autel de fortune, à droite, un cierge à moitié consumé est frappé de l’année qui – bien que toute neuve – est déjà rentrée dans l’histoire, mais par la mauvaise porte : « 2010 ».
Tout autour de la table, plusieurs centaines de survivants sont réunis pour écouter les sermons et tenter de donner un sens au drame du mardi 12 janvier. Ceux-là ont eu de la chance : si quelques-uns sont blessés et portent des pansements, ce n’est rien comparé au sort des disparus et des nombreuses victimes amputées. Tous habitent désormais dehors, dans des abris improvisés.
Remercier Dieu, «parce que nous sommes vivants»
« C’est important d’être ici, même si je ne suis pas catholique, explique Domini, un jeune étudiant. Moi, je ne vais plus à l’église depuis des années, alors je ne connais pas les chants. Mais après ce qui s’est passé, je me suis dit qu’il fallait que je vienne. Même si je ne sais pas bien pourquoi… »
L’endroit n’a pas été choisi au hasard : l’autel de fortune fait face, en contrebas, à un véritable camp de réfugiés, où plusieurs centaines des Haïtiens tentent de surmonter, ensemble, l’épreuve. Les plus chanceux ont pu planter des piquets et tendre des toiles pour retrouver un semblant de toit. Sur le sol, des vêtements, des serviettes. Alors que certains s’affairent, dos à la messe improvisée, pour débrouiller un quotidien impossible, et que des gamins jouent malgré tout, d’autres reprennent les chants.
Puis vient l’heure des sermons. Trois prêtres prennent la parole, pour des mots aux tonalités bien différentes. Pour le Père Joseph, l’important est de « remercier Dieu pour cette force qui nous anime après 5 jours d’épreuve, après 5 jours d’enfer ». Il s’agit aussi de le « remercier, parce que nous sommes vivants ».
Puiser en Dieu la force de la solidarité
Pour le Père Thalès, le séisme n’est pas seulement un séisme : c’est également un message. « Il y a quelques jours, cet événement nous a donné beaucoup de peine, beaucoup de douleur, commence-t-il. Mais le temps n’est pas seulement celui des pleurs, des larmes, des chants… Il est aussi celui de la réflexion, pour comprendre le message que le Bon Dieu a voulu nous faire passer à travers ce drame. Nous devons tous recevoir en bon chrétien cette épreuve. »
Pour beaucoup des Haïtiens, ce séisme est en effet une punition de Dieu, un châtiment. « Ceci correspond aux croyances des gens ici, à leur culture, explique le Père Michel, un Français vivant à Haïti depuis 25 ans, dont le sermon a conclu la messe. Ils y voient une sanction pour un peuple qui a mal agi par rapport à ses convictions religieuses. Mais dans un sens général, sans préciser de quel mal il s’agit ».
Lui avoue ne pas partager cette conception et préfère parler de solidarité. Ce dimanche, il a surtout évoqué « la force à puiser en Dieu pour relever ce défi, grâce à l’entraide et à la solidarité ».
«Le séisme est-il une punition ?»
Depuis le puissant tremblement de terre, les signes de la ferveur religieuse des Haïtiens se sont multipliés. Dès le soir même, comme se souvient Catherine, une Française installée dans le quartier de Tabare : « C’était très impressionnant : peu après la catastrophe, des gens se sont réunis, spontanément, pour prier, pour chanter. J’étais chez moi, mais je pouvais entendre dans tout le quartier des voix s’élever un peu partout. Une ambiance étonnante ».
Certaines scènes témoignent de l’importance de la question religieuse. Comme quand une discussion animée éclate parmi deux badauds réunis pour observer le travail de sauveteurs s’efforçant de retrouver une personne coincée sous des décombres. Le débat est vif : « le séisme est-il une punition ? ». Pour l’un des deux hommes, c’est le signe clair de la colère divine, et le ciel aurait même changé de couleur, signe avant-coureur, comme un mauvais présage…
Fransisco a à peine 16 ans, mais il écoute avec intérêt, et acquiesce : « la preuve, c’est que dans la même rue, certaines maisons sont tombées, alors que celles d’à-côté avaient tenu le coup, sans explication », lâche-t-il doucement. Pour l’autre, au contraire, il ne s’agit que d’un événement naturel, sans implication religieuse. Pendant ce temps, les sauveteurs tentent de sauver une vie.
Gilles BIASSETTE (à Port-au-Prince)
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