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vendredi 26 mars 2010
La banane antillaise risque de se faire manger par les deux bouts
Après une première baisse en 2009, un nouvel accord vient d’être signé entre l’Europe, la Colombie et le Pérou, qui prévoit une baisse de 60 % des tarifs douaniers pour la banane dollar.
En août 2007, le cyclone Dean a failli faire disparaître la principale filière agricole des Antilles françaises. Aujourd’hui, le danger vient d’un accord signé entre l’Europe, la Colombie et le Pérou, prévoyant une baisse de 60 % des tarifs douaniers sur la banane. Président de l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et de Martinique (Ugpban), Éric de Lucy s’insurge contre ce « mauvais accord, contre lequel nous nous battons depuis cinq ans ».
Conclu en décembre 2009, un précédent accord multilatéral de libre-échange instituait une réduction de 35 % des droits de douane sur la banane d’Amérique latine arrivant sur le Vieux Continent. Aujourd’hui, Bruxelles, qui avait promis « de ne pas descendre en dessous de 114 euros, n’a pas tenu ses promesses, déclare le président de l’Ugpban. Sous la pression des États-Unis, la commission fait la part belle à la banane dollar » ! Actuellement à 176 euros la tonne, les droits passeront, d’ici dix-sept ans, à 75 euros. Autant dire que la Commission européenne vient de légitimer, sur le marché français, la présence accrue de la banane péruvienne et colombienne. « Une porte par laquelle les autres pays d’Amérique centrale vont s’engouffrer pour s’aligner sur le prix le plus bas », craint Éric de Lucy. Les producteurs de banane antillaise détiennent 40 % du marché français, soit deux fois plus que ceux d’Amérique du Sud. « Un accord multilatéral existait déjà entre l’Europe et l’Amérique latine, pourquoi y déroger ? » demande un représentant de l’Ugpban. Selon lui, si baisse de prix il y a, « elle sera répartie entre les acheteurs et les différents intermédiaires, mais les consommateurs ne la verront pas ». Pour l’Ugpban, cette ouverture du marché induite par la baisse des tarifs douaniers est très dommageable pour la banane antillaise, comme pour tout le marché ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
D’après Éric de Lucy, « cette affaire orchestrée par les Américains est un mauvais coup de plus dans la guerre de la banane entre les pays d’Amérique latine et l’Europe ». Ce combat résulte d’un rapport de forces, débuté à l’origine entre Washington et Bruxelles, 60 % du marché étant contrôlé par des firmes états-uniennes implantées en Amérique latine. Le côté nocif de ce nouvel environnement commercial pour les fruits ACP est tel que la Commission européenne s’est foulée d’un ensemble de mesures de soutien, d’un montant de 190 millions d’euros, en faveur des exportateurs du triangle ACP. Selon le commissaire européen en charge du Développement, Andris Piebalgs, « ces mesures aideront les pays ACP à s’adapter aux nouvelles réalités du régime commercial de la banane ».
Fernand Nouvet
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