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jeudi 5 août 2010
CSLR : Senat - Le droit commun pour la Réunion et la Guadeloupe
Sénat de la République
Séance du 29 juin 2010
Intervention de M. Jean-Paul Virapoullé.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à entendre les différents orateurs, on comprend qu’aucune réforme n’est parfaite, ni définitive, d’ailleurs. Notre débat parlementaire servira donc à améliorer un texte qui est le fruit d’une longue réflexion et qui, sur le plan de la représentation territoriale ou de la cohérence dans la gestion de nos collectivités locales, comporte un certain nombre d’acquis importants.
Je voudrais appeler votre attention sur la Réunion, dont la situation par rapport aux trois autres départements d’outre-mer est particulière.
La Martinique et la Guyane ont choisi de consulter leurs populations. Celles-ci ont refusé d’évoluer vers une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, proposition notamment défendue alors par le président indépendantiste du conseil régional de la Martinique. Le Gouvernement présentera donc bientôt un projet de loi pour ces deux départements dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.
La Guadeloupe s’est accordé un temps de réflexion. Nous verrons bien à l’issue quelle est l’évolution souhaitée par la région et le département.
Mais j’en viens à la Réunion.
L’histoire nous donne aujourd’hui raison d’avoir combattu avec ténacité, parfois avec témérité, toute aventure institutionnelle.
Nous sommes résolus à inscrire l’évolution institutionnelle de la Réunion dans le même cadre que celle de la métropole. Nous l’avons exprimé clairement, et une très large majorité de la population nous a suivis. Nous attendons que le Gouvernement prenne en compte notre position.
Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que les institutions ne créent pas le développement. Reste que, quand vous êtes à dans milliers de kilomètres de Paris, le fait d’avoir des institutions stables crée ce climat de confiance sans lequel il n’y aurait pas d’investissement et donc pas de développement économique. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi l’égalité institutionnelle et la stabilité de nos institutions dans le cadre national.
Je voudrais d’ailleurs à ce titre rendre hommage à la Haute Assemblée. C’est en effet ici, en 1982, sous la présidence d’Alain Poher, que de nombreux sénateurs, dont mon frère, Louis Virapoullé, ont saisi le Conseil constitutionnel pour dénoncer l’aventure autonomiste. Ce recours a connu le succès que vous savez, puisque le projet de loi a été intégralement censuré.
C’est ici, monsieur le président Poncelet, que vous avez soutenu notre combat contre ce projet aberrant de bidépartementalisation qui aurait ruiné les collectivités locales réunionnaises.
C’est ici, en 2003, que, grâce au soutien du Président de la République, j’ai fait inscrire dans la Constitution le souhait du département et de la région de la Réunion de bénéficier de l’égalité institutionnelle.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de clarifier un point à l’origine des doutes exprimés à l’Assemblée nationale. J’ai appris que certains députés avaient soutenu, c’est leur droit, que la création d’une assemblée unique destinée à se substituer, dans les régions monodépartementales, aux conseils régionaux et généraux, imposait de consulter la population. Ils se fondaient sur le septième alinéa de l’article 73 de la constitution.
C’est faux !
Nous ne sommes pas en présence de la création d’une assemblée unique, à même de remplacer le conseil général et le conseil régional. Il ne s’agit pas plus d’un regroupement des deux assemblées, puisque l’une et l’autre demeurent séparément.
En revanche, nous sommes en présence de la création d’un conseiller territorial unique, qui siégera alternativement à la région et au département.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. Dans ce cas, le septième alinéa de l’article 73 de la Constitution ne s’applique pas.
Donc, monsieur le président de la commission des lois, la réforme que votera le Parlement concernera le département et la région de la Réunion dans leur intégralité. En effet, toutes les conditions sont réunies. Pourriez-vous le préciser à l’intention de ceux qui, à l’Assemblée nationale, soutiennent le contraire ?
Encore une fois, à la lecture du septième alinéa de l’article 73, chacun peut constater que nous ne sommes pas dans le cas prévu par la Constitution et que la situation est tout à fait différente.
Par ailleurs, je tiens à le souligner, le texte est en pleine évolution. Hier, lors de son examen par la commission des lois, nous avons adopté plusieurs amendements dont l’un proposé par le rapporteur. Ce dernier vise le maintien du nombre initial de cantons pour les régions monodépartementales comme la Réunion et la Guadeloupe. Ainsi, à la Réunion, les 49 cantons sont préservés. Cela nous satisfait également. Si cet amendement est présenté par notre collègue, comme cela sera certainement le cas, nous souhaitons que le Gouvernement l’appuie.
Cela étant dit, monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui avez aussi compétence sur les départements d’outre-mer, je souhaite vous signifier notre rejet de l’immobilisme : monsieur le ministre, nous sommes des partisans du mouvement. Lorsque vous êtes au milieu de l’océan Indien, à proximité de Madagascar, de l’Afrique, des Comores et du canal du Mozambique et de toute la misère qui y règne – la situation est comparable dans les Caraïbes – vous êtes obligé de rechercher l’innovation !
Avec Mme Penchard, vous avez donc la responsabilité de l’outre-mer. Je profite de votre présence pour évoquer deux chantiers qui, au-delà de la réforme institutionnelle, me semblent importants.
Premièrement, l’article 48 de la Constitution nous confère le droit de présenter chaque année, si nous le souhaitons, dans le cadre de notre groupe parlementaire, une proposition de loi. Je souhaite institutionnaliser cette pratique.
Voyez-vous, lorsque nous votons les lois ici, il est difficile de les adapter d’emblée aux réalités de l’outre-mer. Or, à l’occasion de leur application, remontent vers nous des constats d’inadaptation de ces lois, du fait du contexte géopolitique ultra-marin. Certains petits ajustements sont parfois nécessaires afin de débloquer les situations.
Pour cette raison, je souhaiterais que, sur le plan national, nous prenions l’habitude, en coordination avec vous, monsieur le ministre, de présenter une loi que je qualifierais de « recadrage » sur les points qui freinent le développement économique.
Je sollicite votre appui en tant que ministre de l’intérieur, également chargé de l’outre-mer. En effet, l’avenir de l’outre-mer passe par une nouvelle phase de développement et l’augmentation des exportations.
Deuxièmement, à la suite du comité interministériel de l’outre-mer, le Gouvernement a installé à Bruxelles un correspondant auprès de la représentation nationale. Nous aimerions travailler avec lui sur une directive-cadre déclinant les adaptations issues du traité de Lisbonne concernant les régions ultrapériphériques, les RUP.
En effet, monsieur le ministre, la situation dans laquelle nous nous trouvons est préoccupante. Nous appliquons aujourd’hui les accords de partenariats économiques qui mettent en péril notre économie. Si Bruxelles ne décide pas une fois pour toutes des adaptations avec lesquelles nous pouvons agir pour sauver des pans entiers de notre économie, lorsque nous nous réveillerons, nous serons morts !
Voilà les deux évolutions que j’appelle de mes vœux, outre cette réforme des collectivités locales que, bien évidemment, je voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
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Réponse Brice HORTEFEUX ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Je remercie Jean-Paul Virapoullé d’avoir soutenu le choix du Gouvernement de déposer un amendement rétablissant le scrutin majoritaire uninominal à deux tours.
Il a par ailleurs parfaitement rappelé le droit, en précisant que l’application du projet de loi ne revient pas, sur le plan juridique, à créer, à la Réunion et en Guadeloupe, une assemblée unique, au sens de l’article 73 de la Constitution, puisque les deux assemblées resteront juridiquement distinctes en tant qu’organes délibérants de deux personnes publiques différentes.
La réforme entraîne encore moins la création d’une collectivité unique, dans la mesure où le département et la région conserveront leurs compétences respectives.
Cette précision me permet également de répondre à Mme Gélita Hoarau.
Monsieur François Patriat, vous affirmez que ce projet de loi ne sera pas source de simplification et vous vous demandez comment fonctionnera le pôle département-région : précisément grâce à la création d’un nouvel élu local, le conseiller territorial, qui siégera à la fois au sein du conseil général et au sein du conseil régional !
Pourquoi refuser a priori de faire confiance à un élu qui sera proche du territoire, et qui, avec bon sens, cherchera en permanence la complémentarité entre ces deux collectivités territoriales : à la région la stratégie, au département la proximité ?
Ce mandat appartiendra aux femmes et aux hommes qui l’exerceront demain. Pourquoi refuser ce pari audacieux qui revient, finalement, à faire confiance aux élus locaux eux-mêmes pour clarifier, simplifier et mieux articuler les compétences des différentes collectivités ?
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