Le premier débat entre cinq prétendants n'a pas convaincu les militants de Caroline du Sud.
Ce jeudi soir, Greenville s'est mise sur son trente et un pour parler politique. Cette jolie ville située sur la «ceinture de la Bible», dans le comté le plus conservateur de Caroline du Sud, accueille le premier débat télévisé présidentiel républicain, censé donner le signal du départ des primaires de la droite pour la présidence de 2012. Mais ce départ s'annonce poussif.
Un grand buffet a été dressé dans une cour ouverte qui jouxte l'hôtel Westin, sur Main Street, pour les convives venus assister à l'événement télévisé organisé par la chaîne Fox News et le Parti conservateur (GOP) local. Les femmes ont sorti des robes élégantes. Une musique rock résonne dans le lointain. L'enjeu est de taille puisque Greenville a pour mission d'aider la droite dans sa quête désespérée d'un candidat présidentiel capable de faire concurrence à Barack Obama, qui a non seulement l'avantage d'être le président sortant mais aussi celui d'avoir éliminé l'ennemi numéro un de l'Amérique, Ben Laden. À dix-huit mois de la présidentielle, une certaine nervosité gagne le GOP.
«C'est un moment important», affirme Cathy Coats, une retraitée souriante en train de déguster des crevettes. Elle souligne que la Caroline du Sud joue traditionnellement un rôle déterminant dans la sélection du candidat républicain, puisqu'elle est parmi les premiers États à tenir sa primaire. «Nous donnons le ton», poursuit Cathy, rappelant que, depuis trente ans, tous les candidats ayant obtenu l'investiture du parti de l'Éléphant avaient auparavant gagné dans cet État du Sud profond.
Et pourtant, cette fois, malgré l'enthousiasme local et l'ambiance chaleureuse du Sud, cette règle d'or ne semble pas avoir joué, gâchant un peu la fête. Seuls cinq candidats ont répondu positivement à l'invitation de Fox News. Aucune des «grandes pointures» n'est là, à l'exception de l'ancien gouverneur du Minnesota Tim Pawlenty, qui suscite la curiosité. Ni la télégénique Sarah Palin, ni le milliardaire incendiaire Donald Trump, ni même l'homme d'affaire mormon Mitt Romney, candidat malheureux en 2008, qui mène actuellement dans les sondages de popularité républicains, n'ont fait le déplacement. Une relative indifférence qui en dit long sur la lenteur du GOP à se mettre en campagne.
L'économie et les valeurs
«Je suis choqué, dit Wesley Donahue, un consultant politique local. Aujourd'hui, tout ce que la Caroline du Sud compte de donateurs, d'activistes et de leaders d'opinion est présent dans la salle. Ils désespèrent de voir émerger un candidat susceptible de mener la bataille contre Barack Obama. Mais où est-il ?» Le jeune consultant estime que ce champ désert pourrait faire le jeu de Pawlenty ou de Rick Santorum, un ancien sénateur de Pennsylvanie, chantre de la famille et des libertés.
Deux représentants de l'idéologie libertarienne, le représentant Ron Paul et l'ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Gary Johnson, sont là aussi, soulignant l'importance croissante que joue la question du «trop d'État» dans la droite américaine. L'ancien propriétaire d'une chaîne de pizza, Herman Cain, un Afro-Américain qui se dit «capable de résoudre les problèmes», complète le tableau.
À 21 heures, les «compétiteurs» entrent en piste. Le plus applaudi est Ron Paul, représentant du Texas au visage creusé. Son credo est simpliste : restaurer les libertés en coupant dans le vif des dépenses colossales d'un «État fédéral en faillite». Ron Paul veut abolir le système de protection sociale et de retraite : trop cher. Il s'insurge, sous les applaudissements, contre le militarisme de l'Amérique et appelle à retirer les troupes américaines d'Afghanistan. Même ses propos, très provocateurs, sur la nécessité de légaliser l'héroïne au nom de la liberté, ne semblent pas choquer l'auditoire. C'est assez surprenant car, en Caroline du Sud, on ne plaisante pas avec les valeurs traditionnelles.
«L'économie prévaut. Celui qui sera capable d'apporter une réponse aux questions de la dette et de l'emploi sera le candidat idéal», explique Wesley Donahue. Le chômage s'élève à 9,6 % en Caroline du Sud. Après le débat, des jeunes femmes chrétiennes évangélistes confirment cette priorité à l'économie, et leur engouement pour Ron Paul. «C'est le meilleur.» Mais beaucoup restent sceptiques et s'inquiètent. «Le milliard de dollars qu'Obama s'apprête à rassembler pour la campagne, et son coup de maître pour attraper Ben Laden font de lui un candidat formidable», explique Greg Wade, un invité.
Comme la direction du GOP, l'ancien ambassadeur des États-Unis au Canada David Wilkins affiche sa sérénité. «N'oubliez pas qu'en 1992 Bush père a perdu la présidentielle à cause de l'économie malgré sa victoire de politique étrangère», dit-il. Personne n'imaginait qu'un jeune gouverneur inconnu nommé Bill Clinton se présenterait et le battrait. Il ne s'était déclaré qu'en octobre. Alors les conjectures vont bon train en attendant le «messie républicain». Cela pourrait-il être Jon Huntsman, ex-ambassadeur en Chine, qui a créé un comité de campagne ? Ou plutôt le gouverneur centriste de l'Indiana Mitch Daniel ? Nul ne le sait. Vendredi, les spectateurs de Fox se sont contentés de dire leur intérêt pour… Cain, le vendeur de pizza. Ils veulent en savoir plus, a dit une présentatrice.
Laure Mandeville
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