Selon des câbles diplomatiques confidentiels révélés par Wikileaks, les Etats-Unis et l’Onu auraient fait pression pendant des années pour empêcher l’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide de retourner dans son pays. Un retour qui menaçait les intérêts occidentaux en Haïti.
Des responsables américains et des membres de l’Onu ont mené une campagne de grande envergure à l’encontre de l’ancien président haïtien Jean-Bertrand Aristide pendant des années. C’est en tout cas ce qui ressort de plusieurs câbles diplomatiques divulgués par Wikileaks. Selon ces documents, plusieurs responsables de l’Onu et des Etats-Unis cherchaient par tous les moyens de maintenir virtuellement prisonnier Jean-Bertrand Aristide en Afrique du Sud.
Une opération qui mettrait en cause également la MINUSTAH, la mission onusienne dépêchée sur place depuis 2004. La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti ne serait en effet qu’une couverture pour protéger les intérêts occidentaux sur l'île.
Ce que semble confirmer Janet Sanderson, ambassadrice américaine dans un câble daté de 2008 : "Un départ prématuré de la MINUSTAH laisserait le gouvernement haïtien vulnérable à la résurgence des politiques populistes et anti-marchés, inversant les bénéfices réalisés ces deux dernières années".
Ce n’est pas la première fois que l’intégrité de l’Onu en Haïti est mise en cause. En 2004, des organisations indépendantes pour la protection des Droits de l'Homme, dont Amnesty, ont accusé la MINUSTAH et la Police Nationale d'Haïti de collaborer à de nombreuses atrocités contre les civils. Faits que l’Onu a fini par reconnaître, mais en ajoutant bien que "cela s'était produit comme une conséquence de la répression menée par la MINUSTAH à l'égard de ce qu’elle a appelé des « gangs »".
Pourtant, au début de l’année 2005, le lieutenant-général Augusto Heleno Ribeiro Pereira commandant des forces de la MINUSTAH témoignant devant une commission du Congrès du Brésil, avait déclaré: "Nous sommes sous une pression extrême de la communauté internationale de recourir à la violence". Il citait notamment les Etats-Unis, le Canada et la France.
En 2006, le chef de la MINUSTAH, Edmond Mulet, avait d’ailleurs "pressé les américains a intenté des actions légal contre Aristide pour empêcher l’ancien président de reconquérir le soutien de la population et de retourner à Haïti".
Suite à ces recommandations, le secrétaire général de l’époque, Kofi Annan avait fait pression sur le gouvernement sud-africain pour "s’assurer qu’Aristide reste en Afrique du Sud". Le successeur de Kofi Annan, Ban Ki-Moon, puis Barack Obama avaient d’ailleurs continué à faire pression sur Pretoria pour les même raisons.
Un retour qui aurait fragilisé le processus démocratique en Haïti selon les Etats-Unis. Argument étonnant lorsque l’on apprend qu’un ambassadeur américain avoue dans un câble de 2005 qu'"Aristide reste la seule figure politique majeure en Haïti qui obtient plus de 50% des sondages en sa faveur".
Argument toujours plus étonnant quand on sait que les Etats-Unis ont ouvertement soutenu la présidence d’Aristide dans les années nonante, allant jusqu’à menacer d’intervenir militairement dans un pays alors dirigé par une dictature militaire.
Mais en 1995, le soutien américain s’arrête net. Cette année-là Jean-Bertrand Aristide, de retour au pouvoir, finit par désavouer son Premier ministre sous la pression populaire. Le peuple haïtien réagissait alors massivement contre un plan de privatisations massives visant les principales entreprises publiques. Plan de privatisations mis en place par des créanciers basés à Washington tels que la Banque mondiale, le FMI et US Aid. Voyant leurs intérêts menacés, les Etats-Unis demandent à Aristide de ne pas briguer un deuxième mandat consécutif, comme le veut la constitution haïtienne. Ce qu’il accepte de faire.
En 2003, alors qu’il avait été réélu trois ans auparavant avec plus de 90% des voix, Jean-Bertrand Aristide est chassé par une rébellion armée. Il quitte le territoire dans un avion américain, accompagné par du personnel de sécurité américain. L’ancien président a toujours qualifié ce départ "d'enlèvement des temps modernes".
Il faut croire que la pression internationale est retombée après les dernières élections en Haïti en avril dernier. Son parti Lavalas exclu des listes électorales, Jean-Bertrand Aristide a pu rentrer chez lui quelques heures avant le second tour des présidentielles. Arrivé à l’aéroport, il a été accueilli par des milliers de partisans rassemblés derrière les barrières de sécurité.
S.D.
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