mercredi 28 septembre 2011

L’électorat afro-américain s’impatiente à l'égard de Barack Obama




Aux États-Unis, un récent sondage révèle la désaffection de l’électorat afro-américain vis-à-vis du premier président noir du pays. Le chômage galopant au sein de la communauté serait le premier responsable de cette baisse de popularité.

Si, lors de la présidentielle de 2008, Barack Obama pouvait se targuer d’avoir recueilli 96% des voix de l’électorat noir, trois ans plus tard les choses ont changé. Selon un sondage réalisé auprès des Afro-Américains, l’enthousiasme à l’égard du président américain est quelque peu retombé : il y a cinq mois, 83% d’entre eux avaient un avis "très favorable" de Barack Obama ; ils ne sont plus que 58%.

Si cette baisse de popularité à l'égard du président n’est pas du fait des seuls Afro-Américains, le chômage - estimé à 16,7% dans la communauté noire contre 9,1% au niveau national - a contribué à renforcer ce sentiment grandissant de désillusion envers leur président. A cela s’ajoute l'impression, parmi les députés afro-américains, qu’Obama ne s’est pas assez attaqué aux problèmes des minorités.


"L’électorat noir souhaite que le président se préoccupe de lui", explique Hilary Shelton, vice-président d’une association pour l’intégration des populations métisses (la NAACP). "Il se demande combien de temps ils devra encore patienter."


"Nous sommes fatigués"


Certes, les députés afro-américains ne sont pas tendres non plus avec les Républicains. En août dernier, après la publication des chiffres du chômage, Emanuel Cleaver, à la tête de "Black Caucus" - un groupe parlementaire représentant les Noirs au Congrès - n’a pas mâché ses mots envers les conservateurs : "Les Républicains contrecarrent les projets en faveur de l’éducation de nos enfants, s’opposent aux programmes visant à aider les plus démunis et s’en prennent au gagne-pain de toutes les familles."

Mais le député n’a pas non plus manqué d’épingler le Parti démocrate. La semaine dernière, il déclarait à un journal de Floride : "Si Bill Clinton était président et échouait à résoudre nos problèmes, nous aurions probablement marché sur la Maison Blanche."

Emanuel Cleaver reconnaît que l’électorat noir est tiraillé entre son envie de protéger Obama et son impatience face à ce qu’il estime être des réponses inadéquates à ces problèmes : "L’ambiance est assez instable au sein du Black Caucus... Personne ne veut encourager les gens à détester le président." Un point de vue partagé par Maxine Waters, autre membre du Black Caucus. "Nous aimons et soutenons Obama, mais nous sommes fatigués… Nous lui donnons autant de chances qu’il le mérite, mais nous sommes blessés. Le chômage est important et nous ne voyons aucune stratégie pour l’enrayer."


Problème politique ou erreur de communication ?



Selon Hilary Shelton, les réformes pour l’emploi annoncées par le président, le 9 septembre dernier devant le Congrès, ont au contraire rassuré la communauté afro-américaine. "Beaucoup pensent qu’en s’attaquant au chômage, Obama sera forcé de prendre en compte les problèmes de recherche d’emploi des différentes communautés", a estimé le vice-président de la NAACP, faisant référence à la proposition de loi incitant les entreprises à engager des demandeurs d’emploi de longue date, en échange d'avantages financiers.

La baisse de popularité d’Obama serait, de fait, davantage imputable à des erreurs de communication qu’à de mauvaises orientations politiques. "Nous sommes conscients que les projets de loi mettent en lumière les problèmes de la communauté noire, tout en avançant des solutions pour tenter de satisfaire l’ensemble de la population américaine. Mais la Maison Blanche n’a pas suffisamment communiqué pour faire valoir ces lois auprès des communautés", a-t-il ajouté.

Depuis son accession à la magistrature suprême, Obama n’a pas voulu mener de politique en faveur d'une seule communauté - un choix compréhensible au regard de sa campagne de 2008, qui misait sur l’unité et non sur les différences. "Obama ne peut pas suivre une politique spéciale pour chaque communauté", souligne Thomas Mann, politologue à la Brookings Institution : "Il serait en contradiction avec ses principes et ses convictions."

Certains responsables politiques afro-américains regrettent cette ligne de conduite. Lors d’un forum pour l’emploi, en août dernier, Maxine Waters estimait que les politiques de l’emploi devraient justement se concentrer "là où les besoins sont les plus importants". Le révérend Jesse Jackson a appelé, de son côté, à la tenue d’un sommet national pour résoudre le problème du chômage dans la communauté noire.

"Voilà Obama, voilà l’homme pour lequel j’ai voté !"

Malgré ces mécontentements, les Afro-américains resteront fidèles au président américain, estime une majorité d’experts. "Je m’attends à une forte mobilisation de la communauté noire en faveur d’Obama pour la présidentielle de 2012, à hauteur de celle de 2008", pronostique Thomas Mann.

Une large majorité d’Afro-Américains ne voit pas, en effet, de meilleure alternative. "Ils ont davantage confiance en ce président qu’en les autres pour prendre en compte leurs problèmes", analyse Hilary Shelton. Qui plus est, le récent discours de Barack Obama a prouvé sa détermination à s’imposer sur le plan économique. "Après son discours sur l’emploi, plusieurs personnes de notre communauté sont venues me voir... et elles m’ont dit : 'Voilà mon président, voilà l’homme pour lequel j’ai voté !'"

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