mercredi 9 novembre 2011

COULEUR DE PEAU : STIGMATES ! STÈRÈOTYPES ! CONGRÈS !


Dans le document remis pour le congrès du 7/11/2011 sur la violence et l'insécurité en Guadeloupe on peut lire en page 12 "…La seconde porte sur la dimension ethnique, ce qui est à l’opposé de la tradition républicaine mais s’avère à bien des égards éclairante : la majorité des crimes et des délits est commise par des guadeloupéens d’ascendance africaine, ce qui pose la question de la définition identitaire et communautaire de ce territoire…"

Cela ne servira à rien de s'élever ici contre ce propos, ni de porter un quelconque jugement sur ceux qui peuvent poser de telles phrases dans un document public sans avoir le moindre souci de les adosser à quelques éléments historiques, sociaux, économiques ou tout simplement de contexte …

Qu'implique une telle analyse dans un pays où la majorité de la population est d'ascendance africaine et où héritage de la société esclavagiste les dits noirs sont ceux à qui il a été et est encore allouée une identité sociale négative ? A une époque où justement les afrodescendants et plus largement les dits noirs sont encore en lutte pour réhabiliter leur image, l'image des personnes dites noires et où nombreux sont ceux qui portent encore de façon vivace "la couleur comme maléfice", ce simplisme une fois de plus est de nature à renforcer stigmatisations, stéréotypes et autostéréotypation. 

Si ce propos est validé par des élus et des intellectuels guadeloupéens d'ascendance africaine, qui pourra s'élever contre ceux qui se serviront d'eux pour discriminer et mépriser cette jeunesse et plus largement les dits noirs ? Qui pourra interdire que grâce à ces propos certains se sentent autorisés à la vue de la couleur de la peau à "tirer à vue" ou "à arrêter de façon intempestive", à suspecter immédiatement, à ne pas embaucher ? Si des élus et des intellectuels guadeloupéens d'ascendance africaine cautionnent ces propos, pourquoi un représentant de l'État "blanc" respecterait ces élus et respecterait ce peuple dont la majorité est d'ascendance africaine ?

A l'heure où l'identité sociale positive en Guadeloupe est encore associée au "blanc" ou à la couleur de peau claire ce propos est à placer dans le registre de l'utilisation une fois de plus de concepts exogènes et racistes non opératoires en Guadeloupe. Car en effet comment la composante ethnique majoritaire d'un territoire peut-elle être celle qui ferait se poser "la question de la définition identitaire et communautaire de ce territoire" sans que soient posés concomitamment la question de la répartition historique des richesses et de la place de cette composante ethnique dans l'économie et les postes de décision effectifs de ce pays ?

Et si la violence et la délinquance avaient à voir avec une répartition inéquitable des richesses, avec un taux de chômage qui en France aurait déjà imposé un couvre-feu et l'armée dans les rues depuis des années, avec une politique régionale laxiste et misérabiliste de la formation des jeunes abandonnés au RSMA la plus part du temps pour ce qui est des jeunes hommes ? C'est bien connu les jeunes, surtout ceux en échec scolaire aiment l'armée et les militaires !

Ceux qui posent et cautionnent ces analyses, qui autoriseront à ne pas manquer, ceux qui bénéficient d'une posture privilégiée dans cette société à porter des jugements contre les guadeloupéens d'ascendance africaine ne devront pas être choqués de récolter les fruits de tels écrits !

Faire un constat oral est une chose. L'écrire dans un document officiel sur la violence et y accoler l'identité du territoire en est une autre. Ces élus et ces intellectuels ne seront certainement pas surpris que les représentants de l'État ou autre les traitent "par-dessus la jambe" et avec le mépris qu'autorise ces écrits. Ils ne seront pas surpris que ceux-ci se sentent encore plus en terrain conquis et encore plus autorisés à mettre en place des formes variées et diverses d'actes discriminants et méprisants à l'égard des guadeloupéens d'ascendance africaine dont font partie ces élus et ces intellectuels. Petit rappel au cas où ayant finalement réussi la mutation de leur psychique ils auraient oublié la couleur de leur peau. Couleur de peau tout le monde le sait, qui quand elle n'est pas "blanche" est "noire".

Patricia Braflan-Trobo

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