Au lendemain de la démonstration de force des géants américains du Web qui a réussi à faire vaciller les promoteurs de la loi contre le piratage sur Internet, c’est au tour des autorités américaines de montrer leurs biceps en fermant l’un des principaux sites Internet (4% du trafic mondial) et en arrêtant ses dirigeants suite à une décision de la Cour de justice de la Virginie. Comme le dit le site Numerama ci-dessous, la cyberguerre est bel et bien lancée ! Mais ne nous y trompons pas. Les lois que le Congrès américain et la Commission européenne veulent faire passer actuellement permettraient de mettre en place un système de censure sur Internet sans avoir besoin d’une décision de justice, en rendant les FAI et les hébergeurs responsables des contenus qu’ils mettent en ligne. Comme l’explique le professeur de droit Yochai Benkler, "SOPA et PIPA reviendraient à légaliser le type de techniques de censure utilisées par les États-Unis contre WikiLeaks, en transposant dans le domaine civil des mesures jusque lors réservées à l’antiterrorisme." Le coup d’éclat du FBI et de la justice américaine de cette nuit contre le site MegaUpload, aussi spectaculaire soit-il, ne doit pas cacher le véritable enjeu de la cyberguerre qui se joue actuellement pour la sauvegarde des libertés numériques à l’échelle mondiale.
C’est sûr, il y aura un avant et un après MegaUpload. Non pas pour le piratage, qui trouvera refuge ailleurs comme il l’a toujours fait depuis la fermeture de Napster en 2001. Non pas pour l’offre légale, pour laquelle les ayants droit trouveront toujours des prétextes à ne pas en favoriser le développement. Mais pour la traduction des rapports de force sur Internet entre les pouvoirs publics et les internautes.
En s’attaquant à MegaUpload, ça n’est pas seulement un site utilisé par les internautes pour accéder à des contenus illicites qui est visé par une procédure judiciaire. C’est l’un des tout premiers sites les plus visités au monde qui est brutalement fermé pour l’ensemble du globe par les autorités américaines, alors-même que l’ensemble des protagonistes arrêtés et mis en examen n’ont aucun rapport avec les Etats-Unis et sa législation. Et alors-même que beaucoup d’utilisateurs, certes très certainement minoritaires, utilisaient les services de MegaUpload pour stocker des contenus personnels ou professionnels auxquels ils ne peuvent plus aujourd’hui accéder.
L’affaire MegaUpload fera prendre conscience du pouvoir immense qu’ont les autorités sur le moindre site internet dont ils peuvent provoquer la mort du jour au lendemain, en saisissant ses serveurs et ses noms de domaine. C’est aujourd’hui MegaUpload, mais chacun sent bien qu’un tabou est tombé et que d’autres sites pourront suivre et suivront.
Menée au lendemain du blackout contre la loi SOPA, l’opération ressemble déjà à la goutte d’eau qui provoquera une véritable cyberguerre civile mondiale entre internautes activistes qui se sentent de plus en plus censurés sur l’internet qu’ils ont fondé, et les pouvoirs publics qui veulent préserver une certaine conception de l’ordre public. Il n’est pas surprenant que dès l’annonce de la fermeture de MegaUpload par le FBI, les Anonymous se sont mis en action avec virulence pour attaquer et mettre à bas certains des sites les plus symboliques, devenus immédiatement inaccessibles :
Justice.gov
RIAA.org
MPAA.org
UniversalMusic.com
Hadopi.fr
Il est à parier que cette liste n’est qu’un début et que les attaques durent longtemps. Ca n’est pas seulement MegaUpload et ses dirigeants qui ont été visés, mais ses centaines de millions d’utilisateurs, parmi lesquels se trouvent nombre des plus actifs dans la protection de la liberté d’expression. Sur Facebook, la page du FBI est prise d’assaut par des internautes aux cris de "Free MegaUpload" ("libérez MegaUpload"), et les actions vont se multiplier.
Vouloir faire respecter l’ordre public sur Internet est on ne peut plus normal de la part des autorités légales. Mais nous sommes convaincus à Numerama que l’ordre public ne sera rétabli en matière de droits d’auteur que s’il y a enfin un retour de balancier qui permette de redonner sa légitimité au droit d’auteur.
Le droit d’auteur ne peut être respecté par l’oppression et la contrainte. Il doit l’être par l’acceptation. C’est tout l’enjeu des années qui viennent. Depuis 10 ans chaque "victoire" contre le piratage n’a fait que générer du piratage plus efficace encore. Rien ne dit ce soir que MegaUpload fera exception. Nous faisons même le pari du contraire.
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