L'Académie de médecine rend un rapport critique sur ces copies de médicaments moins chères que les produits de référence et dont l'utilisation est encouragée par l'Assurance-maladie depuis une décennie.
L'Académie de médecine vient de publier un rapport très circonspect sur la place des génériques dans la prescription. Le tout dans un contexte où, pour la première fois, les ventes de ces copies de médicaments, moins chères que les originaux, ont diminué de 3 % en 2011. Le nombre de boîtes délivrées est en effet passé de 630 millions en 2010 à 614 millions l'an passé.
S'ils ne rejettent pas la prescription et la délivrance des génériques dans leur ensemble, les académiciens alignent une série de règles de prudence. «Les génériques diminuent les coûts de la santé. Mais dans le contexte général actuel de méfiance autour du médicament nous devons être vigilants. Il est important de reconnaître les problèmes qui peuvent être liés aux génériques», explique l'auteur du rapport, le Pr Charles-Joël Menkès.
Le document souligne ainsi que le générique n'est pas la copie conforme du médicament de référence, ou princeps, même s'il est soumis aux mêmes degrés d'exigences et de qualité. Il contient la même molécule active, en quantité égale, que le princeps, mais il peut être fabriqué avec des substances, appelées excipients, différents et être conditionné sous des formes variées (gélules à la place de comprimés par exemple).
Prouver la bioéquivalence
Les génériques doivent en revanche prouver leur bioéquivalence, autrement dit garantir que le devenir de la molécule active dans l'organisme (absorption, distribution, métabolisme et élimination) est superposable au médicament de référence. Mais, insiste le rapport de l'Académie de médecine, la bioéquivalence entre le princeps et le générique ne signifie pas qu'il y a automatiquement une équivalence thérapeutique, en particulier lors de la substitution d'un générique par un autre.
«Si pour certains médicaments la substitution par un générique ne pose aucun problème, pour ceux à marge thérapeutique étroite, c'est plus difficile», martèle le Pr Menkes. C'est notamment le cas pour les antiépileptiques, les anticoagulants, les hypoglycémiants, la thyroxine ou certains médicaments à visée cardiologique, rappelle l'académicien. Selon nos informations, certaines pharmaciens ne délivrent même plus de génériques du Levothyrox (thyroxine) qu'ils jugent insuffisamment fiables.
Polémique autour des antiépileptiques
L'auteur du rapport insiste sur l'anticoagulant Plavix qui n'est pas fabriqué avec le même sel que ses génériques. «Ce changement de la nature du sel augmente la fluctuation de biodisponibilité et peut compliquer la substitution», écrit-il. Autre exemple cité, celui de la polémique autour des génériques des antiépileptiques. Dans une étude menée en 2007 chez 300 neurologues français, la délivrance d'un générique entraînait, au mieux, des signes d'inquiétude de la part des patients et au pire, des récidives de crise.
Après enquête de pharmacovigilance, le lien entre la prise de médicaments génériques et l'apparition de crise épileptique n'a pas été établi. L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a cependant recommandé une grande prudence en cas de substitution. «Si le malade est parfaitement équilibré avec son antiépileptique, de marque ou générique, il n' y a aucune raison d'en changer… Mais il appartient au pharmacien en toute intelligence de gérer ça avec le patient», estime Jean Luc Aud'hui, membre de l'Académie de pharmacie.
Eviter les confusions
Le pharmacien, acteur principal dans la distribution du générique doit pouvoir, selon l'Académie, procurer toujours la même marque de génériques aux patients dans le cas des traitements chroniques, et des associations thérapeutiques. «Ma clientèle est assez âgée et pour éviter les confusions, je reste stable sur la marque du générique», raconte Jean Luc Aud'hui. Une pratique qui n'est pas systématique.
L'Assurance-maladie a ainsi réalisée une étude sur trois médicaments: un antihypertenseur, un antidiabétique et un anticholestérol. Pour ces trois médicaments, 2 à 7 % des personnes de plus de 75 ans se voyaient délivrer plus de trois marques de génériques sur un an, alors que 80 % d'entre elles ne changeaient pas de pharmacie. Pour les situations particulièrement à risques, l'Académie insiste sur le nécessaire maintien et respect de la mention non substituable (NS). Une mention dont les médecins abuseraient, selon les pharmaciens et les fabricants de génériques. «Il nous semble fondamental, de pouvoir disposer de cette espace de liberté. Il ne s'agit pas de «NS» systématique, mais du NS qui intervient dans la relation médecin-malade», insiste Charles-Joël Menkès. Parallèlement l'Académie prône la prescription en dénomination commune internationale (DCI), mesure particulièrement incitative pour développer le médicament générique.
Anne Prigent
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