Sarkozy avait un mérite. Il était de droite, et il l'assumait.
Par conséquent, sa politique économique était clairement une politique de l'offre, c'est à dire une politique visant à venir encore et toujours au secours des bénéfices de l'entreprise. Le moyen toujours le même. Prétexter un besoin de compétitivité des entreprises pour "alléger le coût du travail". En clair cela veut toujours dire exonérer les entreprises des cotisations sociales et transférer le "poids" de ces cotisations vers le travail, c'est à dire les salariés. Ainsi sa dernière invention avait été la TVA qui n'avait de sociale que le nom et qui avait pour principe d'abaisser significativement la contribution patronale au financement de la sécurité sociale. Le manque à gagner aurait alors été compensé par une augmentation générale des prix de 2%. En clair, les consommateurs salariés, y compris, les plus précaires, seraient devenus les principaux contributeurs du financement de notre système de protection sociale. Les entreprises, comme toujours avec un gouvernement de droite, auraient été dispensées encore un peu plus de leurs obligations de solidarité.
Durant la campagne des présidentielles les socialistes semblaient clairs. Ils repoussaient comme un seul homme incarné par François Hollande ce principe de transfert des cotisations patronales vers les salariés. Aussi refusaient-ils la TVA anti-sociale. En ce sens, ils semblaient être de gauche. Mais sans doute n'était-ce qu'une posture, une fois de plus, pour gagner les élections. Car depuis une conférence sociale est passée par là et les réelles intentions de François Hollande, ainsi que sa pensée profonde, en matière économique, éclatent aux yeux de tous.
Acte I : Louis Gallois nommé commissaire général à l'investissement
Jean Marc Ayrault annonce, le 7 juillet, la nomination de Louis Gallois comme commissaire général à l'investissement. Le Premier ministre explique, clairement, les raisons de ce choix de personne : "J'ai décidé, dans la continuité des discussions engagées aujourd'hui, de confier à Louis Gallois une mission sur la compétitivité de nos entreprises, afin de préparer la mise en oeuvre d'actions concrètes, d'ici la fin de l'année". Surtout il ajoute : "Nous devons veiller à ce que leur environnement (des entreprises) réglementaire, administratif et fiscal soit propice à leur développement et les freins qui existent encore, aujourd'hui, doivent être levés". On croirait entendre un Fillon ou pire, un Madelin, se plaignant d'un code du travail contraignant, se plaignant de toujours trop d'impôts sur les sociétés...
De fait, le choix de Gallois est plus qu'explicite. Il est connu pour ses positions libérales en matière économique. De concert avec la pensée macro-économique de droite il estime qu'il faut encore et toujours mettre la compétitivité des entreprises au coeur de tout validant ainsi la politique de l'offre plutôt que celle de la demande. C'est ainsi qu'il déclare "je crois qu'il faut un choc de compétitivité". Et il poursuit "il faut que ce choc soit massif et qu'il porte sur les cotisations sociales... Il s'agît de transférer 30 à 50 milliards, pour avoir un effet significatif".
Acte II : l'entrée en scène d'un Hollande plus libéral que social
Loin de rappeler à son commissaire ses obligations de réserve suite à ses déclarations, François Hollande valide en tous points l'approche libérale de la politique de l'offre. C'est ainsi qu'il déclare lors de son discours d'ouverture de la conférence sociale : "le second défi auquel nous faisons face est la détérioration de notre compétitivité". Et de conclure ses propos par une circonvolution habituelle chez lui : "voilà pourquoi je considère nécessaire une réforme du mode de financement de la protection sociale". De quelle réforme parle-t-il vraiment ? De faire contribuer significativement les revenus du capital comme il s'y était engagé au Bourget le 17 janvier en déclarant la guerre à la finance ? Non, définitivement, non ! Il entend, le président "socialiste" accroitre le montant de la CSG. Or il faut savoir que sur les 89 milliards d'euros de recette de cette contribution, 62 milliards proviennent du travail et 10 milliards seulement du capital, donc à peine plus de 10% du montant total de l'assiète de la CSG. C'est donc bien le travail et les salariés qui paieront demain l'essentiel de la facture de la diminution des cotisations sociales des entreprises. La TVA s'est donc transformée en CSG au grand bonheur de Laurence Parisot, la patronne des patronnes qui s'est félicitée de voir le gouvernement tant à l'écoute de la compétitivité des entreprises.
Acte III : le SMIC, comme outil de la compétitivité
Le SMIC, à l'image des cotisations sociales d'entreprises, est, sans conteste, l'autre cible à abattre du patronat français. Aussi, lorsque Jean-Marc Ayrault annonce le souhait du gouvernement de réformer les modalités d'indexation du salaire minimum interprofessionnel de croissance afin de le corréler à la croissance du PIB il répond à un vieux souhait des libéraux. Car avec ce type d'indexation que se passe-t-il en cas de faible croissance ou de croissance quasi nulle comme aujourd'hui ? En théorie, le SMIC n'augmentera pas alors que c'est dans ces périodes de crises que les salariés les plus en situation de précarité ont besoin d'un "coup de pouce". Surtout le SMIC ne jouera plus son rôle de "voiture-balai de toutes les inégalités générées par le capitalisme français" comme l'écrit aujourd'hui même Laurent Mauduit dans Médiapart. De fait, les intérêts du patronat français l'emporte finalement sur l'autel de la désormais célèbre notion de compétitivité que l'on nous sert depuis 30 ans. Aussi, le coup de pouce du SMIC de seulement 0,6% accordé au mois de juin prend-il tout son sens.
Epilogue : Hollande, dans les pas de Sarkozy
Finalement, cette conférence sociale a eu le mérite de nous indiquer ce que sera la politique économique et salariale de François Hollande durant les 5 années à venir. Une politique certes sociale dans la forme qui permet un retour au dialogue entre les partenaires sociaux qui avait disparu sous Sarkozy. Mais une politique définitivement libérale sera à l'oeuvre en faveur des entreprises et de leur éternelle revendication d'allègements des charges et des contraintes. Aussi, c'est bien la politique économique de l'offre et non celle de la demande que François Hollande met en mouvement. Ainsi, un gouvernement socialiste parle même aujourd'hui de rendre le marché du travail plus flexible derrière l'artifice du concept de flexisécurité. Les salariés, quant à eux, paieront toutes les factures. Celle de la CSG tout d'abord. Puis celle de la réforme du SMIC qu'ils ont déjà expérimenté pas plus tard que le mois dernier. Enfin, ils découvriront bientôt ce que la flexibilité du marché du travail veut dire réellement derrière les beaux écrans de fumée de la "flexisécurité" : le droit d'être licencié plus rapidement avec moins de protections ! Enfin, ils s'appercevront que la fameuse justice fiscale tant promise durant la campagne ne verra jamais le jour, puisqu'en accroissant le rôle de la CSG dans le financement de la protection sociale Hollande enterre le projet de fusion de l'impôt sur le revenu et de cette CSG.
Finalement, avec Hollande, le rééquilibrage entre revenu du travail et revenu du capital n'aura pas lieu.
Finalement, avec Hollande, la fiscalité sera, d'abord, élaborée, pour l'entreprise.
Finalement, avec Hollande, le droit du travail se délitera, au grand bonheur du MEDEF.
Finalement, avec Hollande, le SMIC ne sera jamais un outil de relance qui viendrait soulager les salariés les plus en difficulté.
Finalement, avec Hollande, nous n'aurons pas une politique de la demande.
Finalement, avec Hollande, nous aurons la même politique de l'offre, si cher à Nicolas Sarkozy.
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