jeudi 29 novembre 2012

OUTRE-MER: SA TELEVISION PUBLIQUE EN QUESTION?



Le Nouvel Obs l’a annoncé dans ses brèves : " On réfléchit du côté de chez Aurélie FILIPETTI au repositionnement de la chaîne France Ô vers l’outremer français avec l’appui du Ministère des Outremer… Le ministère de la Culture s’aperçoit que l’Outremer français et ses cultures peuvent s’afficher en métropole sur une chaîne de télévision. C’est la Loi qui l’avait demandé. Une Loi que France Télévisions s’était empressée d’oublier pour faire de France Ô un instrument, un Labô-ratoire télévisuel à la recherche d'audience.

Sous la houlette de Claude Esclatine, la chasse aux Marrons a bien eu lieu depuis sa prise de fonction : exit les programmes valorisant les Outre-mer, exil forcé en stations du dernier carré des cadres ultramarins à Malakoff, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement "déchoukés" et placardisés. Après avoir fait place nette, le directeur général de France Ô s’est répandu dans toute la presse pour célébrer sa nouvelle chaîne aux accents soit disant métisses : » Etre la chaîne de la diversité, au-delà du côté tarte à la crème et teintée de repentance de cette notion, c’était un peu être une chaîne alibi. France Ô l’a été trop longtemps. » Le changement de slogan signifie surtout que France Ô ne serait plus la chaîne des Outre-mer. Ce qui a suscité les vifs mécontentements des ultramarins. Et Claude Esclatine de claironner: « Les résistances viennent de lobbys qui tiennent dans une cabine téléphonique, nous avons changé les équipes, il fallait évoluer, sortir d’une vision étriquée ». Comprendre, une vision limitée à l’Outremer français, à ses onze territoires, ses neuf stations de l’Atlantique Nord au Pacifique Sud …Etriqué comme le monde !!

A la question de Libération du 15 janvier dernier : "Quant à savoir ce qu’est France Ô, c’est coton. Ce « Ô », c’est sûr, c’est une vitrine de l’outre-mer?: ». « Non!! », assène Claude Esclatine, directeur de la chaîne publique, dernière née de France Télévisions. De la diversité, alors ? « Non », répète Esclatine. (…) Baptisée RFO Sat à sa naissance en 1998, la chaîne issue du réseau RFO était destinée aux ultramarins de métropole. « On ne savait pas à qui on s’adressait », indique Esclatine. En 2005, RFO Sat devient France Ô et décroche un canal sur la TNT en Ile-de-France : la voilà axée sur la diversité. Son passage à la TNT nationale en juillet 2010 l’oblige à se repeindre encore ; désormais, affirme Esclatine, ce sera « ouverture sur le monde, métissage des cultures et cultures urbaines ». Le directeur de l’antenne, Gilles Camouilly, parle "d'une mission militante" : il s’agit de montrer l’enrichissement de la France par l’étranger ».Et voilà l'ultramarin devenu l'inquiétant étranger de la République. Exit donc ce sang impur !

Voilà pour la pensée profonde et déterminée du directeur qui croit ce qu’il dit et dit ce qu’il croit…Enfin, pas tout à fait ! Car, tout récemment avec l'arrivée du nouveau pourvoir politique aux affaires, après ses nombreuses visites dans les cabinets ministériels et présidentiels, voici en substance le nouveau prêche de Claude Esclatine : "France Ô doit- être la chaîne de l’Outremer français !!''. Le voici devenu le sauveur de l'Outre-mer à la tête de la même équipe qui ne voulait même pas en entendre parler: "L'Outre-mer ne fait pas d'audience…ça ne concerne pas plus de 80 personnes en Métropole et ça n'intéresse pas le grand public…ce n'est pas people". La meilleure illustration de son mépris pour l'Outre-mer: l'interdiction faite aux équipes de France Ô de faire une émission spéciale en hommage à Edouard Glissant le jour de son décès. Une claque pour les collaborateurs ultramarins, une insulte à la mémoire d'un des plus grands écrivains français et la démonstration flagrante de son inculture !

Comment cela ? Les mêmes personnes en six mois auraient-elles tourné casaque ? Mais oui ! Et elles se dédouanent en clamant haut et fort, que ce sont les technocrates de France Télévisions qui les ont obligé à changer l'ADN de la chaîne pour en faire un machin sans corps, ni âme que personne ne regarde. Mais où est donc passé le public ultramarin? Il a très logiquement déserté une chaîne qui lui était dédiée et qui ne lui ressemble plus. Les audiences que personne ne communique stagnent à O,1 %. Comment les personnels de France Ô peuvent-ils se retrouver dans ce galimatias?…Comment cette chaîne peut-elle se sortir de cette spirale infernale dans un contexte de crise?

Comment sauver cette chaîne qui n'est plus protégée par sa vocation "ultramarine"? Devenue "urbaine et sans âme, elle est aujourd'hui menacée de devenir une chaîne de dessins animés la journée et le soir une réserve indienne aux programmes ultramarins. Il faut surtout garder à l'esprit qu'en deux ans de fonctionnement, les émissions "phares" de France Ô n'ont jamais accueilli d'artistes ultramarins. Même le grand Jacob Desvarieux a été déclaré personna non grata dans le Labô de Sébastien Folin. On comprend mieux pourquoi l'animateur vedette de France Ô a déclaré dans son émission, il y a quelques jours, qu'il détestait le zouk.

Pas un seul évènement ultramarin sportif retransmis dans son intégralité alors que les sportifs ultramarins prouvent régulièrement qu'ils représentent l'excellence du sport français et du sport mondial.On leur préfère la sortie des bateaux du Vendée Globe diffusée en direct sur toutes les chaînes d'infos et quasiment proposée à toutes les chaînes de la TNT .

Disparition également de toutes les émissions produites en Outre-mer, remplacées par des télénovélas Do Brazil de mauvaise qualités, mal doublées, aux accents érotiques, affichant vestales affriolantes et éphèbes aux cheveux luisants.

Résultat: France Ô a non seulement perdu son public ultramarin mais aussi tous les téléspectateurs curieux et passionnés qui appréciaient ces images venues de tous les océans, ces cultures et sociétés françaises du bout du monde.

Le bilan de cette direction est sans appel! Faute d'avoir compris la dimension culturelle, sociale, patrimoniale et stratégique de France Ô et des chaînes d'Outre-mer 1ère, elle a détruit l'existant au lieu de l'améliorer et de l'enrichir. Elle a cassé le fragile lien qui existait avec les publics d'Outre-mer et a trahi la confiance des politiques. Elle nous a mis en danger.

Echec sur toute la ligne: éditorial, ressources humaines et industriel. Les stations se sont appauvries professionnellement, laissées pour compte, à l'abandon avec des baisses d'audiences de 12 % dans certaines. Elles s'inquiètent de l'avenir, d'autant qu'il se murmure au plus haut sommet que certaines d'entre elles pourraient, d'ici quelques mois, mettre la clef sous la porte pour éponger en partie la dette de France Télévisions. 

Des professionnels ultramarins indignés.


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