lundi 7 octobre 2019

Doha day 8 : Les mondiaux prennent de la hauteur


Ce vendredi, jour de week-end à Doha, il fallait venir très tôt pour ne pas se faire prendre dans les embouteillages qui vous amènent au stade. Les stations de métro du stade,- elles sont luxueuses- ne sont pas encore mises en service. La voiture, le taxi, le bus restent les seuls moyens d’accès pour ceux qui se déplacent.



La foule était là, d’un autre type, plus nombreuse, le Khalifa stadium était comble et on s’en, rendait bien compte en se rapprochant progressivement du stade.

En prenant le chemin, de manière intuitive, on savait que quelque chose d'important attendait les aficionados ce soir. C'est sur ces attentes, ces espoirs que se mobilisent les "vrais supporters" , les fans qui veulent vivre le rendez-vous, participer à la fête en tant qu'acteur.


Ce rapport à l’événement sportif est tout autre que celui qui regarde à la télévision, plus en tant que consommateur. C'est ce en quoi le sport moderne - aujourd'hui l'athlétisme - à bien compris dans les nouveaux modèles marketing mis en œuvre à Doha : la cible des consommateurs fait plus de profit. 


Hier soir, les énergies positives étaient au rendez-vous, contredisant de jour en jour dans les faits des constats alarmistes non re-contextualisés dans une société dont ils n’en n’ont rien à faire.

Nombreux se sont donnés rendez-vous pour célébrer l’athlétisme mondial, pour tout dire qu’ils se sont pris au jeu progressivement, mais surtout pour encourager leurs champions, leur héros. 


Cette journée fut de loin la plus belle; la plus réussie dans la dramaturgie – nous vivons tous les soirs en direct des actes nouveaux – dans les émotions partagées entrecoupées de passions exprimées, d’angoisses, de soulagements, mais surtout de hautes performances. Les athlètes offrent au public un spectacle sans égal avec de nouveaux acteurs repoussant les limites humaines, défiant ainsi des théories fondées sur le déterminisme génétique, la fatalité et/ou le mauvais sort. Ce vendredi soir, le Qatar s’en souviendra longtemps.

Le tour de chauffe a commencé par les demi-finales du 1500 m, avec pour surprise, l’élimination d’un favori, l’Ougandais Musagala, pourtant le deuxième meilleur performer de la saison. Cet écumeur de meeting paye le prix d’une saison qui éprouve les organismes ; il arrive à Doha lessivé sans ressort incapable de reproduire ce qu'il sait faire confortablement derrière des lièvres. 

Le kenya aura du mal à s’imposer tant la concurrence s’est accrue en provenance de nouveaux contestataires, l’Europe et du Maghreb.


Les relais de qualification des 4x100 m hommes et femmes ont affichés des séries très lourdes dans le nouveau mode de qualifications de l’IAAF qui restreint les places à 16 – pour des raisons marketing et la création d'un nouvel événement mondial de relais- et ne permet pas ainsi aux nations de présenter leurs équipes comme dans le passé. 

Chez les femmes, les américaines dans une série plus facile ont dominé leur sujet, tout en faisant perdre à la France - qualifiée dernière minute- la possibilité d’exprimer leur potentialités collectives d'un sprint moribond. On a vu de grosses erreurs de transmissions pourtant répétées dans des stages notamment au Japon.

Dans l’ autre série, digne d’une finale les jamaïcaines ont marqué les esprits des anglaises. La finale aura du suspens.



Les relais masculins ont eu un verdict sévère. Les américains sont passés à deux doigts de la correctionnelle ; deux grosses cylindrées ont été sorties, le Canada de Degrasse et la Jamaïque détentrice du record du monde. Cette absence - une première depuis plus de 10 ans - confirme le net recul du sprint jamaïcain depuis le retrait d’Usain Bolt qui laisse une nation orpheline. Elle peine à se reconstruire. Le travail risque d’être long si l’on en croit les ambitions affichées des nouveaux prétendants, la Grande Bretagne, l’Afrique du sud et les deux puissances asiatiques le Japon et la Chine. La France quant à elle réalise son meilleur temps de la saison avec des sprinters pour la plupart n'ayant pas participé à une course individuelle. 


Ce choix, une option discutable - au détriment de la vitesse intrinsèque et la compétitivité des athlètes - compte sur un collectif et surtout une « bonne technique » de transmission qui à mon avis s'appuie sur des répétitions collectives plus nombreuses de collectifs alors que les modes de sélection des autres nations passent par des trials. 


Ces épreuves moins arbitraire livrent au dernier moment leurs sélectionnés d'abord sur des épreuves individuelles "Et " des relais. D'autres choix son faits en France,dans beaucoup d'opacité, les effets se font attendre espérons que Doha rendra pertinente cette option dans un contexte international rajeuni hyper-compétitif. 

Demain, le verdict. 

Force est de constater la régression du sprint français (hommes et femme) qui reste incapable de créer de larges dynamiques au profit de "groupes parisiens", d’entraîner de nouvelles générations sous les 10 et les 20 seconde, des standards minimum pour entrer dans les grandes finales.


Les cinq finales de la soirée ont données à l’athlétisme de très belles images et surtout une compétition totale de bout en bout. Au disque féminin, Cuba retourne sur la scène des victoires avec un doublé de Perez (69,17 m) en or et de Cabelero (68,44 m) en Argent, Perkovic (66,72 m)en Bronze laissant loin la française ROBERT-MICHON (59, 99 m) en manque de repères qui a vu ses ambitions à la baisse.


Les 400 m ont permis au quater miler d’offrir des courses d’anthologie. Ils ont pu se départager après une saison plein de rebondissements en se bagarrant jusqu’au bout de leur course. Chez les hommes, la forte coloration caribéenne a influencé le verdict. Le Bahaméen de 23 ans Gardiner (43.18) triomphe. Il signe un temps de référence le 6 ème temps de tous les temps et le record national. La barrière des 43 seconde risque de passer de vie à trépas l’année prochaine. Le surprenant Colombien Zambrano (44.15) suite à très grand finish remporte l’argent et le record d’Amérique du Sud, laissant le bronze au rescapé américain Kerley (44.17). Il est bon de rappeler que nos voisins de la Caraïbe ont montré – une fois de plus- la force de leur école de 400 m. Les Guadeloupéens ont beaucoup à apprendre de ses proximités sur une épreuve redoutable que nous ignorons au détriment d'adoption de modèles inappropriés (surtout inefficaces), situés très loin de nos latitudes.


Les filles, elles ont écrit au Qatar une page de l’histoire de la discipline 400 m haies en offrant au public un record du monde. Dalilah MUHAMMAD ( 52.16) déjà détentrice du record, après une course âpre sans se désunir en résistant à sa poursuivante a fait reculer la marque entraînant derrière elle une jeune de 20 ans Sydney MCLAUGHLIN (52.23) et la jamaïcaine Rushell CLAYTON (53.74). Ces trois filles signent respectivement les deux meilleures et la 5 ème performances mondiales de tous les temps.


Le 3000 m steeple a eu un dénouement qui permet au Kenya de se refaire. Kipruto (8.01.35) en emmène l’Ethiopien Girma vers l’argent et le record national, le marocain Bakkali prend le bronze (8.03.76).

Le clou de la soirée a été le magistral concours de saut en hauteur qui opposait le Qatari Mutaz Essa BARSHIM (2,37m) aux Russes Mikhail AKIMENKO (2,35m) et Ilya IVANYUK (2,35m). Plus de 7 concurrents ont effacés des barres à plus de 2,30m. Le Qatari a failli se faire éliminer à 2,33m passant à côté de sa mission du leadership mondial, mais surtout emblème d’une nation. Il a su compter sur son public qui lui a bien rendu ce moment difficile. Il triomphe dans une atmosphère de transe et d’effervescence collective au moment où le public Kényan célébrait dans la ferveur l’arrivée du 3000 m steeple. Le public et surtout l’aréopage des notables, plénipotentiaires locaux sont venus rendre un hommage et surtout les honneurs à ce héros national.



Cette soirée de vendredi, les mondiaux d’athlétisme ont pris de la hauteur à deux jours de la fin. On peut déjà dire que le Qatar a réussi ses championnats en laissant des images puissantes aux générations futures, mais surtout une trace dans le sport international.

Plus tard, dans la chaleur de la nuit dans les rues de Doha au 2O km marche le Japonais remporte au sprint l’or Tosikazu YAMANISHI (1h 26.34) devant le Russe Vasiliy MIZINOV (1H26.49) en argent et le Suédois Perseus KARLSTRÖM (1H 27.00) en bronze.


Harry Méphon
Doha, 05/10/19

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