samedi 30 juillet 2011

"Case départ : un film raté, mais…


Un film fait par des "Noirs" sur le thème de l’esclavage des africains dans les colonies françaises méritait qu’on allât voir comment ceux qui sont directement intéressés traitaient le sujet. De plus vouloir traiter un sujet aussi grave, celui d’un crime contre l’Humanité, sur le mode comique était audacieux et méritait qu’on aille se faire sa propre opinion.
En même temps, que pouvais-je attendre d’un sujet que ma génération a réussi à mettre dans le débat public aux Antilles. Mais ne voilà-t-il pas que dans un JT de Guadeloupe la 1ère, j’entends :"J’irai voir le film, mais les martiniquais ne sont pas prêts", réflexion si souvent faite sur le peuple qui n’est jamais prêt et qui continue de se faire presser comme un citron. Ceux d’en haut ou qui s’y croient méprisants toujours envers ceux d’en-bas.
Ce même jour, je reçois une critique signée "Rafik Chekkat, membre du PIR[2]". A l’évidence, ce Monsieur s’est rendu dans une salle avec l’intention manifeste de descendre le film : il avait pris "papier et stylo" pour aller voir cette production "de la bougnoulerie intégrationniste", excusez du peu !
Pour ma part, j’y suis allé comme un simple spectateur. Eh bien oui "Case départ" est un film comique raté, mais qui réussit à poser dans le passé le problème, ou plutôt les conséquences de cet esclavage aujourd’hui.
Un film comique raté, parce qu’on n’y rit très peu, des sourires amusés parfois quand la tension ou l’émotion est trop grande et qu’une réflexion ou situation vient détendre l’atmosphère.
Comme tout le monde au vue de la bande-annonce, j’imagine, je m’attendais à "Les visiteurs", version black. Cela commence par deux individus stupides et cupides qui, même plongés dans la réalité du passé, ne se rendront vraiment compte de leur situation qu’une fois retournés dans le présent.
Stupides, Tanya Saint-Val chantait "J’ai vu la haine et l’oubli dans les yeux de ceux qui croient qu’aujourd’hui, sans mémoire, tout va bien mieux” : la haine, il l’a Joël alias Gédéon, pour lui tous les "blancs" sont d’affreux méchants. L’oubli, Régis alias Gaspard, il a tellement oublié qu’il est plus blanc que blanc, plus raciste que raciste.
Cupides, donc bien intégrés tous les deux dans notre société du 21ème siècle qui n’a qu’un seul critère l’argent : ils sont venus assister aux derniers instants de leur père à reculons et en trainant des pieds, mais lui sautent dessus, yeux écarquillés quand il leur annonce qu’il les a fait venir pour leur remettre un trésor.
Stupidité, fruit de leur inconscience qui leur fait transformer en confettis l’acte écrit qui les a fait libres.
Ce n’est qu’au retour de leur "bad trip" que Régis se rendra compte qu’il est marqué dans sa chair, aujourd’hui, par ce passé qui lui a donné naissance : il enverra ad-patres le maire de sa ville, en lui exhibant son cul marqué d’une fleur de lys.
Allez donc voir ce film sans penser aux donneurs de leçons qui méprisent votre intelligence, faites-vous votre opinion sur cette réalisation qui me semble attester d’une réelle prise de conscience de la part de leurs auteurs et acteurs.
Reconnaissons tout de même que la scène de la coupe de la canne est vraiment ratée, avec ces esclaves qui se baladent avec trois cannes sur l’épaule. Mais reconnaissons aussi qu’après tant de scènes d’amour au cinéma du torride "A l’ombre de la haine", où se déversent toutes les pulsions refoulées aux grands sentiments de "Plus belle la vie", la scène d’amour est originale et paradoxalement vraie, coït sans amour dans une totale inconscience, mais qui n’a de sens que parce qu’elle donne naissance à un peuple particulier. Peuple qui doit faire avec son Histoire et agir de concert, comme nos deux héros qui mettent en scène cette rencontre.

Jean Élisabeth LARGITTE – 28/07/2011 
[1] Un film réalisé par Thomas Ngijol, Fabrice Éboué et Lionel Steketee, sortie cinéma le 06/07/2011 – durée 1h43
[2] Avocat et membre du Parti des Indigènes de la République, si ma recherche internet a été pertinente.

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