samedi 4 octobre 2008

Jann HALEXANDER - Le marginal (cd) - "Rendez-vous secret" (spectacle)

Par Norbert Gabriel, revue le Doigt dans l’œil, édition juin 2008

1 - L'album

L extrême marginal... qui va dans des territoires d'ombres souvent inquiétantes ? Evoquer «un salaud lumineux» comme Brasillach, même si c'est une chanson née d'un cauchemar, c'est s'exposer d'emblée au feu roulant de ceux qui écoutent un album comme on feuillette les gros titres d'un magazine.

L'album «le marginal» s'ouvre sur un intro de piano aux échos de Keith Jarrett, un piano aérien, puis les tableaux exposent une suite de scènes de vies gravées à l eau forte, ici ce n'est pas l'eau de rose tiède qui sert de liant, Jann Halexander travaille parfois au fer rouge pour soigner ses maux. Ou les maux qu'il voit autour de lui... C'est autant un homme d'images que de musique, il met en scène ses textes , et ceux qu'on lui donne, compositeur qu'on peut relier à William Sheller, artiste qu'on peut relier à Jean Guidoni, s'il faut citer des références possibles..

Les choix qu'il fait tant sur le plan artistique que sur le plan relations publiques, montrent une volonté déterminée de rester ce marginal, quelqu'un d'unique, pour qui la musique est un des moyens d'expression parmi d'autres, le cinéma est là, tout artiste de ce nom a forcément une part d originalité, encore que certains succès ressemblent beaucoup à des produits de série..

Cet album est une sorte d'antichambre, une présentation des différents spectacles qui mettent en scène un monde plus inspiré «par Pasolini et Catherine Breillat que par la chanson française», il montre que de Brown man à Statross le magnifique ou aux confessions d'un vampire sud africain, les créations de Jann Halexander vont entre onirisme fantastique et tableaux de sentiments exacerbés vers une quête d absolu, d inaccessible étoile ?
Et c'est musicalement une très belle réussite.
«... le métissage est un outil de travail extraordinaire pour creuser en profondeurs les contradictions de l'âme humaine. Le Mulâtre de la chanson du même nom, c'est moi. Je ne suis pas une victime. Et je chante aussi les autres…» (Jann Halexander)



2 – le spectacleMais il m'a semblé qu'il manquait une dimension à cet album, qui m'apparaît comme une invitation à découvrir un spectacle... Ca tombait bien, Jann Halexander était invité à «La Reine Blanche» une belle salle du 18 ème. Une soirée où il partage la scène, dans son spectacle, avec Maïk Darah, chanteuse, comédienne, pour une création «Rendez-vous secret» et dans ce contexte, l'album prend tout son sens.

Jann Halexander est un homme d'image autant que de musique, c'est un spectacle de chansons, françaises, parce qu'il s'exprime en français, toutefois, on est plus près d'une dramaturgie de théâtre musical que d'un simple déroulement de chansons plus ou moins autobiographiques. Ces scènes de vie gravées à l'eau forte qui transparaissent dans l'album sont un patchwork de choses vues, de souvenirs d'enfance, de jeunesse, d un hier tout proche, et toujours présent. Ce qu'on peut entr'apercevoir dans l'album s'expose avec plus d'évidence sur la scène.

Et la chanson «Brasillach 1945», qui peut être mal perçue quand on écoute l'album, s'inscrit avec cohérence dans les envols oniriques de la scène. Ou les cauchemars... L'ambiguïté de la chanson peut aussi être induite par l'environnement musical, somptueux. Comme si une belle musique devait forcément être un hommage... Pour mémoire, et pour vous éviter une recherche d'informations, Brasillach était un antisémite virulent, d'autant plus dangereux qu'il était un bon écrivain. Cela dit, il est aussi bêta de prendre cette chanson au premier degré que la déclaration d'amour à un vampire...

Cette chanson ayant été source de polémique, il ne s'agit pas qu'elle occulte un ensemble dans lequel elle n'est qu'un élément parmi d'autres, parmi les tableaux doux amers d'un angevin pas très couleur locale... On est toujours l’étrange étranger de quelqu'un... Pour qui la musique est le cri de toutes les douleurs.
(Cette création musicale devrait être disponible en DVD un de ces jours.)

Norbert Gabriel

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