Ce qui se passe avec la Grèce est à tout point de vue extraordinaire de violence et d’irresponsabilité. Tout le système « d’aide proposée à la Grèce » consiste à lui prêter 15 milliards au compte-goutte mensuel pour qu’elle rembourse…. ceux qui lui ont prêté les sommes précédentes ! En échange de ce jeu d’écriture, le peuple grec serait soumis à une série de mesures cruelles dans un pays déjà dévasté et en état de catastrophe humanitaire : augmentation de la TVA, baisse des retraites, « déréglementation du marché du travail ».
Tsipras convoque le peuple grec pour qu’il décide s’il doit ou non accepter ce plan. Ça, c’est la démocratie. Aussitôt, l’Eurogroupe a décidé d’exclure le ministre grec Varoufakis de sa réunion, alors même qu’aucun règlement ne prévoit une telle possibilité et que la Grèce est toujours membre de la zone euro ! Là-dessus, la banque centrale européenne décide de couper les liquidités du pays, ce qui est en train de provoquer immanquablement l’effondrement du système bancaire de la Grèce. Je ne sais pas qui a trouvé cette idée au gouvernement allemand, puisque c’est lui qui mène la danse dans ce registre de violence. C’est sans doute le précédent impuni du sort réservé à Chypre qui lui fait penser que les peuples cèdent sous les coups.
De fait, le référendum va avoir lieu dans un pays en état de choc à cause de l’effondrement du système bancaire. Mais ce ne sera pas le seul. Si la Grece est mise en banqueroute, le mécanisme européen de stabilité financière se retournera vers ses bailleurs de fonds : la France devra payer 40 milliards et l’Allemagne 60 ! Comme c’est intelligent ! Ce n’est pas tout. Tous ceux qui ont des avoirs en Grèce perdent tout. C’est le cas d’un certain nombre de banques en Europe...
On ne peut exclure donc un effet domino sur tout le système bancaire européen. Quelle habileté ! Quant au reste du monde, tous ceux qui détiennent des avoirs en euros vont sans doute vouloir se réfugier sur une monnaie moins exposée. On peut donc là aussi envisager un effet de contagion des paniques, car si on est certains qu’il y aura de vendeurs d’euros lundi, il est moins sûr qu’il y ait des acheteurs. Et parmi les vendeurs, on peut penser qu’il doit déjà y avoir un certain nombre d’entités qui n’allaient pas si bien avant cette aventure qui dégrade leur bilan.
Bref, le « modèle allemand » de décision égoïste est en train de démontrer sa stupidité et son irresponsabilité. Et le modèle du suivisme des Français derrière les gouvernements allemands inauguré par Sarkozy et prolongé par Hollande montre sa dangerosité totale : quand la France et ses intérêts sont absents, l’Europe va très mal. Lundi, la planète financière pourrait bien recevoir un très gros coup de grisou. Les finances de la France aussi. Les dirigeants allemands espèrent-ils que les gros détenteurs d’euros se précipiteront pour acheter des euros dans le but d’empêcher son effondrement ? Les Chinois et la planche à billet des USA viendraient à la rescousse ? Encore faudrait-il que le monde marche sans panique ni autre chose que des calculs rationnels. Encore faudrait-il que les USA soient réellement embarrassés des difficultés de l’Europe.
Naïfs, alors, ces gouvernants allemands ? Ou juste des cyniques qui ont trouvé le moyen de recomposer l’ordre des choses à leur main avec la Grèce? Tous ceux qui ont brocardé la prétendue germanophobie de mon livre sur le « poison allemand » se regardent-ils tranquillement dans leur glace désormais ?
En toute hypothèse, une chose meurt cette semaine : l’idéal européen. Cette chose qui dévaste la Grèce, met le monde en péril après avoir provoqué autant de catastrophes humanitaires par ses politiques commerciales qui remplissent la Méditerranée de cadavres, cette chose est à l’évidence une chose nuisible. De toute façon ce n’est plus la même que celle du début. Depuis le traité budgétaire, l’ordolibéralisme allemand est la nouvelle constitution européenne, aggravant le pourtant déjà très libéral traité de Lisbonne. Mais une nouvelle Union européenne, sous la direction de la CDU-CSU allemande, est officiellement née de la guerre financière actuelle contre le peuple grec. Elle n’est pas davantage viable qu’aucune autre formule d’Europe de la violence tentée dans le passé.
Jean-Luc Mélenchon
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