mercredi 30 novembre 2011

Faits sanglants de société



Chronique hebdomadaire de Philippe Randa


Punir un enfant en l’enfermant dans un lave-linge  ne se fait pas. Et encore moins de lancer ensuite le programme d’essorage… Le petit Bastien de trois ans n’y a pas survécu et ses géniteurs – le mot “parents” n’est guère approprié – répondront donc de sa mort devant la Justice. Pour l’heure, ils sont écroués l’un et l’autre. La moindre des évidences. Le géniteur mâle pour les faits eux-mêmes, la génitrice femelle pour ne pas l’en avoir empêché. Et des articles et commentaires à foison dans la presse et pas seulement à sensation : les faits-divers, d’autant plus s’ils sont particulièrement inhabituels comme celui-ci, fleurissent désormais à la une de tous les médias d’informations. Dans le passé, ils n’étaient cantonnés qu’en pages intérieures et relatés sous forme de brèves. Quand ils l’étaient… Mais on aime à les présenter aujourd’hui en “faits de société”, à en chercher obsessionnellement des causes profondes et à en tirer tout aussi obsessionnellement d’obscures conclusions.
Le plus effarant sont sans doute les titres de presse donnés à cette monstruosité familiale, tel celui de France Soir : “Mort d’un enfant dans un lave-linge : On en sait plus”. Savoir quoi ? Que pourrait-on bien savoir “de plus” qui permettrait d’expliquer une telle inexplicable perversité ?
Le rire est le propre de l’homme”, a écrit Rabelais, reprenant Aristote “lequel dit aussi que l’homme est un animal social et raisonnable” : en l’occurrence, force est de constater que les géniteurs de Bastien se sont montrés fort peu raisonnables. Mais sociables, oui, si l’on en croit Christine Boubet, directrice générale adjointe au conseil général de Seine-et-Marne qui a assuré “qu’une relation de confiance entre les parents et les services sociaux existait”. C’est dire !
Et de l’effroi au rire, il n’y a pas loin quand on lit la suite de ses déclarations dans Le Républicain lorrain d’hier : “C’est un passage à l’acte qu’aucun des professionnels qui intervenaient n’imaginait possible (…) Reste que, depuis la Toussaint, Bastien était “turbulent, se mettait en danger et mettait en difficulté ses parents”. Ainsi, le matin du drame, les parents “ont appelé la puéricultrice et l’assistante sociale afin de savoir comment il fallait ajuster leur comportement éducatif vis-à-vis de Bastien qui avait fait une bêtise à l’école” (…) “La puéricultrice a proposé un rendez-vous le jour-même, qui a été repoussé à la demande des parents qui ne le jugeaient pas urgent.
C’est que “cette famille en grande difficulté sociale, psychologique, était suivie depuis 2006 par les services sociaux par rapport aux difficultés de vie qu’elle pouvait rencontrer”… mais pas pour maltraitance sur enfants ! Pas de chance ! La vérité, tout comme l’urgence, était ailleurs, semble-t-il…
L’explication est pourtant l’évidence même, n’en déplaise aux amateurs de sensationnels et aux psy-choses professionnels : que sont d’autres les géniteurs de Bastien sinon des tarés qu’il était légalement impossible de mettre hors d’état de nuire avant qu’ils ne commettent, l’un et/ou l’autre – sinon l’un avec l’autre – l’irréparable.
Semblables à Anders Behring Breivik, auteur des attaques du 22 juillet en Norvège qui a tué 77 personnes, pour lequel les psychiatres viennent de rendre leur conclusion : le tueur n’est pas pénalement responsable. Et le procureur Inga Bejer Engh d’indiquer aussitôt que “si la conclusion finale est que Behring Breivik était irresponsable, nous demanderons au tribunal à l’issue du procès qu’il soit soumis à un traitement obligatoire”. Soit, pour faire court, un internement à vie dans un établissement psychiatrique… Sort que va connaître, selon toute vraisemblance, le géniteur mâle du petit Bastien, tandis que sa génitrice femelle croupira en prison quelques années avant de tenter, espère-t-on, de se faire oublier. À moins qu’elle ne publie un livre ou répande ses regrets dans une émission de télé-réalité. L’un et l’autre se font.
Sauf rebondissement “abracadabrantesque”, mais cela arrive ! on sait désormais tout sur l’avenir du “chevalier le plus parfait depuis la Seconde Guerre mondiale” (comme ce monsieur modeste se définit lui-même) et du géniteur aux méthodes punitives expéditives…
On sait aussi, en ce qui concerne le Norvégien, et comme l’écrit Libération, qu’“un juge devra se prononcer tous les trois ans sur son maintien dans un tel établissement. S’il devait être soigné de sa psychose, Behring Breivik pourrait en théorie être transféré dans une prison s’il reste considéré comme une menace pour la société et remis en liberté dans le cas contraire.”
Hypothèse identique pour son homologue français, même si on évite de trop y penser…
Aussi, à l’instar du personnage interprété par Jean Gabin dans le film La Horse, à qui l’on affirmait “Faut bien que tout le monde vive” et qui répondait, impassible, “J’en vois pas l’utilité”, est-il bien utile que les tarés aient droit à la même justice que les autres humains ?
En Norvège tout autant qu’en France.

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