samedi 21 avril 2018

DE LA CRIMEE A LA SYRIE L’AFFRONTEMENT DES IMPERIALISMES ET LE CREPUSCULE DES PEUPLES 3ème PARTIE



Ceci est la troisième partie d’un article dont les deux parties précédentes, qu’il convient bien-sûr de lire d’abord, ont été publiées ici même…

Rappel.

Nous avons vu que l’obsession des tsars était de parvenir à prolonger leur déjà vaste empire, jusqu’à la Méditerranée. Ceci, pour obtenir à la fois un accès direct à cette mer, et le contrôle sur les détroits qui relient celle-ci à la mer noire où se trouvait une partie importante de la flotte russe. Ceci aurait conféré, tant par le débouché commercial, que par leur influence culturelle déjà acquise sur ces régions dont ils partageaient la religion et l’écriture, et surtout, par la faveur militaire qu’aurait constitué pour eux une grande capacité de “projection” vers le sud, une puissance presque inégalable à l’empire Russe…

C’est donc à partir de l’impératrice Catherine II de Russie, qu’à l’aide de son favori le maréchal Grigori Potemkine, sera entrepris de réaliser ce projet déjà ancien. Ceci sera le début d’une série de 9 guerres opposant l’empire Russe à l’empire Ottoman, que les Russes emporteront dans la plupart des fois, ce qui leur permettra, après la conquête de l’Ukraine, de la Crimée, et des régions du Caucase, de subtiliser aux Ottomans toutes les terres situées au nord de la mer noire qui étaient jusqu’alors sous leur autorité, en en chassant les populations musulmanes.

Vers 1850, il ne restait plus à la Russie qu’à conquérir les régions situées à l’ouest de la mer noire, et la Thrace, afin d’accéder à la fois à la Méditerranée et aux détroits, pour que l’affaire soit bouclée. C’est ce que va entreprendre le tsar Nicolas 1er en 1853, au prétexte de protéger les chrétiens orthodoxes de l’empire Ottoman qui représentaient 75% des populations des possessions européennes de cet empire, et ceci, à la tête d’une armée de 1 200 000 hommes, réputée invincible…

C’est alors que Français et Britanniques, rivaux depuis toujours dans la quête de la suprématie mondiale, et qui intriguaient déjà pour hâter à leur profit le démantèlement d’un empire ottoman devenu instable du fait de tensions internes irréductibles, vont cette fois se liguer pour empêcher que ne se constitue à leur dépends cette superpuissance russe, du fait d’une vassalisation par la Russie de l’empire ottoman qui aurait permis à celle-ci d’étendre son autorité, de l’immense Sibérie jusqu’à l’Afrique du nord.

Alors qu’une nouvelle guerre se trouve déjà engagée entre les Russes et les Ottomans, Français et Britanniques vont exiger du tsar qu’il rétrocède les régions roumaines de Valachie et de Moldavie qu’il venait d’annexer, ce que, craignant que les Autrichiens qui désirent contrer l’influence de la Russie dans les Balkans, ne s’allient opportunément aux Français et aux Britanniques, celui-ci acceptera.

Cependant, Napoléon III qui, après son coup d’état, rêvait d’un exploit militaire pour s’acquérir le soutien d’une partie des Français, va vouloir malgré cela cette guerre qu’il va mener avec les Britanniques, et rappelant au tsar que depuis le traité des capitulations signé en 1536 entre le sultan Soliman le magnifique et le roi de France François 1er, c’est à la France et non à la Russie, qu’il incombe de protéger les chrétiens de l’empire ottoman, il va décider d’aller détruire la flotte russe stationnée à Sébastopol en Crimée, pour empêcher les Russes de se projeter vers le sud. C’est le début de la guerre de Crimée en 1853.

Malgré une très nette supériorité numérique sur les alliés, les Russes subiront une terrible défaite, à cause des méthodes et des matériels modernes que l’armée française mettra en œuvre à l’occasion de cette guerre qui constitue ainsi, la première des guerres modernes.

Le traité de Paris qui mettra fin au conflit aura comme conséquence désastreuse pour la Russie, de rendre la mer noire neutre avec l’accord de 52 nations, de sorte qu’il ne devra s’y trouver aucun navire de guerre, le rêve des tsars semble anéanti.

Mais voila qu’un nouvel arrivant, constitué par plusieurs guerres d’expansion à partir d’une ancienne colonie Britannique, et ayant entrepris à son tour des conquêtes coloniales, les Etats-Unis d’Amérique, désireux de contrer la suprématie Française et Britannique, selon ce qui dès cette affaire, sera sa politique constante, sera le premier à violer le traité signé sous l’autorité de ceux-là, en envoyant un navire de guerre croiser en mer noire. Quelques années plus tard, s’engouffrant dans la brèche ainsi créée, et à l’heure où les Français engagés dans une guerre difficile contre l’Allemagne, ne risquaient pas d’intervenir pour que soit respecté ce traité dont ils étaient les garants, la Russie proclama qu’elle n’était plus liée par celui-ci et procéda au réarmement de sa flotte en mer noire…

Nous sommes donc dès cette époque, en présence des cinq puissances impérialistes, la France, la Grande Bretagne, la Russie, la Turquie, et les Etats-Unis, qui ne vont pas cesser de s’affronter dans une lutte furieuse pour la suprématie, qui les conduira toujours les-mêmes, jusque par-delà les deux guerres mondiales, à leur actuel affrontement en Syrie. Et il est remarquable à ce sujet que quatre de ces cinq puissances impérialistes font partie à la fois, des cinq premières puissances militaires et des cinq premières puissances nucléaires, du monde, et des cinq membres permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, ce qui montre la permanence de la logique historique des faits…

Après avoir contraint, du fait de menées incessantes contre son intégrité et son droit, l’empire ottoman à pactiser avec l’empire allemand, deux des vainqueurs de la première guerre mondiale, les Français, et les Britanniques, vont se partager les dépouilles de leurs empires avec concernant l’empire ottoman, un plan de partage secret connu aujourd’hui comme étant les accords “Sykes-Picot”, de 1916.

La révélation accidentelle de ces accords aux nationalistes arabes dont on avait fait des alliés dans la lutte contre les Ottomans, en leur promettant la création après la victoire, d’un empire arabe, leur montrera qu’ils ont été trompés et que leur espérance ne se réalisera pas…


Ceci, d’autant qu’un descendant de la famille des Seoud qui fut chassée du pouvoir en Arabie par les Ottomans, se moquant des accords conclus entre les Britanniques et le Sheriff Hussein de la Mecque auquel ceux-là lui avaient promis la couronne, se sera taillé par le sabre et par lui-même, un nouveau royaume en Arabie auquel il va donner son nom. Et tout ceci, dans le même temps où les Britanniques désireux de préempter la Palestine face au Français qui demeuraient encore selon le traité des capitulations, en charge des lieux saints, vont proclamer leur intention de créer un foyer national juif en Palestine…

Il faudra donc trouver à dédommager d’une autre façon Hussein, ce à quoi vont s’attacher les Britanniques qui vont tailler à coup de serpe dans les zones qui selon les accords secrets, devaient être placées sous le contrôle de la France et de la Grande Bretagne, un royaume pour chacun de ses deux fils, et c’est là que nous reprenons le cours de notre récit…

On découpera ainsi pour Fayçal, une Syrie totalement dépouillée à l’ouest, de son littoral que les Français se réservent, et les Britanniques étant les premiers parvenus à Damas, le feront roi sous le nom de Fayçal 1er. On découpera également pour Abdallah, un royaume de Jordanie, en coupant la Palestine historique selon le Jourdain et en y adjoignant des territoires quasi désertiques, peuplés seulement de quelques bédouins, l’autre partie étant voué à devenir la Palestine mandataire, et on le fera roi sous le nom de Abdallah 1er.

Cela se terminera mal pour ces deux rois, imposés aux populations par des étrangers, sans qu’elles soient consultées, le premier devra abdiquer au bout de seulement quelques mois, du fait de son impopularité, mais également du fait que les Français auxquels il revenait d’après les accords, de contrôler cette zone, ne voulaient pas d’un roi, mais une république. Ainsi, quand ils viendront récupérer en quelque sorte “leur du”, ils chasseront Fayçal 1er et proclameront une république de Syrie. Quant au second, il se fera tout simplement assassiner par les Palestiniens qui ne voulaient pas d’un étranger comme roi.

Ceci va inaugurer un cycle de violences incessantes opposant les Palestiniens à la dynastie Hachémite ainsi créée par les Britanniques contre leur avis, qui va atteindre son paroxysme au mois de septembre 1970, lequel va rester dans la mémoire des Palestiniens comme étant “septembre noir”. Car, le roi Hussein de Jordanie va décider d’en finir une bonne fois avec la résistance palestinienne en massacrant un grand nombre de ceux qui avaient fui la Palestine lors des guerres de 1948 et de 1967, et chez lesquels l’Organisation de Libération de la Palestine (l’OLP), qui a d’ailleurs tenté de le renverser, recrutait…

Les Français ayant chassé Fayçal 1er de Syrie, C’est alors que les Britanniques qui sont toujours redevables auprès du sheriff Hussein de la Mecque, vont récupérer son fils dépossédé pour le doter à nouveau en le nommant cette fois, roi d’Irak…

Il s’agit là encore quant à ce royaume d’Irak, dont le nom vient de la contraction d’une expression signifiant “Iran du sud”, d’un pays ancien mais qui va être totalement remodelé par les Britanniques à partir de l’antique Mésopotamie, telle que les Ottomans l’administraient comme une unique province de leur empire, et ceci, même si au sein de cette province, la sous-région de Koweït, bénéficiait d’une assez large autonomie.

Car s’il est vrai qu’à la fondation de celle-ci par la famille Al Sabah en 1715, il s’agissait bien d’une entité souveraine, elle n’a pas tardé à se retrouver sous la domination des Ottomans et en 1871, ceux-ci vont en faire une sous-préfecture de la région de Bassorah, en désignant alors le cheik Abdallah al Sabah, “caïmacan”, autrement dit sous préfet.

Il se trouve que les Britanniques qui pour s’implanter dans la région, intriguaient depuis longtemps pour détacher cette partie de territoire de l’empire ottomans, vont parvenir au bout de longs efforts à convaincre le cheik d’accepter un protectorat britannique en 1891, en incitant ainsi les Koweïtiens à engager une lutte contre les Ottomans, qui n’aboutira pas.

Ceci, de sorte qu’à l’heure où ces Britanniques construisent leur nouvel Irak, le Koweït fait bel et bien encore partie de la province de Bassorah, mais ils refuseront de l’intégrer à la future Irak, d’une part pour affaiblir le nationalisme arabe qui conteste leur présence et leur rôle dans cette région, et d’autre part pour préserver les dispositions par lesquelles ils entendent en exploiter le pétrole.

Cependant, dès l’indépendance de leur pays obtenue en 1950, les Irakiens vont contester cette séparation, et cette contestation reprise plus tard pas Saddam Hussein qui envahira le pays suite à un différent pétrolier, sera à l’origine du déclenchement 70 ans après, de la guerre du Golf.

Un autre élément résultant des impérialismes Français et Britannique, qui participera pour plus d’un siècle et jusqu’à nos jours, à la déstabilisation totale de la région, réside dans le fait qu’alors même que le plan de partage concernait trois des quatre pays, Turquie, Syrie, Irak, Iran, sur lesquels se trouve réparti le peuple Kurde, il n’avait pas été prévu de fonder un état pour eux, de même qu’il n’a pas été envisagé de fonder une nation pour les Arméniens. Ceci, de sorte que ce qui constitue aujourd’hui le Kurdistan irakien se trouvait selon le plan, rattaché au Kurdistan syrien et donc à la Syrie française.


Cependant, ce sont les Britanniques qui sont arrivés à Mossoul en luttant contre les Ottomans. Il aurait donc fallu que les Français exigent leur départ selon les accords et il aurait surtout fallu qu’ils soient en mesure d’y envoyer des troupes, ce qu’ils ne pouvaient justement pas faire parce qu’à l’Ouest, dans leur zone de contrôle, les choses se passaient mal pour eux.

Les Français vont donc abandonner aux Britanniques la région de Mossoul, peuplée de Kurdes, que ceux-ci vont annexer à la Mésopotamie peuplée d’Arabes, pour constituer la nouvelle Irak sur laquelle ils entendent exercer le contrôle véritable, malgré leur installation de Fayçal sur le trône, et ce, d’autant que furent découvertes d’énormes réserves de pétrole dans ce qui deviendra alors le Kurdistan irakien.

Cependant, cette grave erreur qu’aura constituée l’association en un même état, de ces deux catégories de population qui ne s’appréciaient guère, sera la cause de troubles incessants qui vont justifier après le départ des Britanniques, l’installation à Bagdad d’un régime fort, et tel sera plus tard le cas de celui de Saddam Hussein, pour éviter la partition du pays dont une grande partie des ressources dès lors, provenait de cette région.

Si les Français ne peuvent pas envoyer de troupe au Kurdistan irakien afin de pouvoir prendre possession de cette région tel que cela était prévu selon les accords, c’est parce qu’à l’Ouest, ils ont à faire à une forte opposition qui s’en viendra contrecarrer leurs plans…

Tout au long de l’histoire tourmentée de l’empire turc, il y aura eu pour des raisons confessionnelles, des rapports très conflictuels entre les Turcs musulmans, et les Arméniens chrétiens, qui vont aller en s’aggravant jusqu’à l’aube de la première guerre mondiale. Or, tout au long du 19ème siècle, les nationalistes des minorités de cet empire vont mener des luttes qui aboutirons à l’indépendance de leurs nations telles que la Grèce, la Serbie, la Roumanie…

Ainsi, après une nouvelle guerre russo-turque en 1877-78, que les Ottomans vont perdre, ceux-ci vont devoir céder selon le traité de San Stefano, une partie de l’Arménie à la Russie, de sorte que cette nation sera coupée en deux, cause future de nombreux problèmes, et les Ottomans perdront également l’essentiel de leurs possessions européennes. Cependant Britanniques et Allemands, soucieux de ne par voir se constituer une Russie trop puissante qui revendiquerait à nouveau le contrôle sur les détroits, vont la contraindre à rectifier le tir par la conférence de Berlin de 1878, qui aboutira à un nouveau traité ne conférant qu’une large autonomie à ces contrées.

La France qui durant cette période, tente de se remette de sa terrible défaite de 1871 contre l’Allemagne, par des conquêtes coloniales, se trouve écartée des affaires européennes par l’habileté manœuvrière du chancelier Bismarck…

Cependant, tous ces arrangements entre puissances impériales ne conviennent, ni aux nationalistes des minorités de l’empire qui tel les Arméniens, réclament leur autonomie, ni aux nationalistes turcs qui quant à eux, se désolent de voir ainsi l’empire se réduire comme peau de chagrin. C’est ainsi qu’en 1908, un parti nationaliste nommé Comité Union et Progrès (CPU), plus connu sous l’appellation de “Jeunes Turcs”, et à la tête duquel se trouve trois généraux dont le tristement célèbre Enver Pacha qui sera un des génocidaires des Arméniens, contraignent le sultan Abdulhamid II à abdiquer en faveur de son frère Resat, lequel devient sultan sous le nom de Mehmet V. Ce sera le dernier…

Car, va s’ouvrir avec ce gouvernement de nationalistes turcs exaltés, dans cet empire qui jusque là était multiconfessionnel et regroupait non sans difficultés, une grande diversité de peuples, une période de persécution des minorités dont les conséquences ne laisseront justement aucune chance à cet empire de se maintenir face à l’épreuve qui s’annonce…

C’est en effet l’heure où, après l’attentat malheureux de Sarajevo, éclate la première guerre mondiale, et après l’échec du plan Schlieffen qui aurait du conduire les troupes allemandes à Paris en six semaines, et la contre offensive victorieuse de la Marne, Français et Britanniques se rencontrent à Londres fin de l’année 2015, pour mettre au point le partage entre eux de l’empire ottoman qui fera partie des vaincus…

Or, la Russie qui se trouve alliée à la France et à la Grande Bretagne, attaque les Ottomans dans le Caucase et une fois de plus, leur inflige une terrible défaite. C’est alors que pour ne pas assumer cette défaite les nationalistes accusent sans fondement les Arméniens de Turquie, d’avoir pactisé avec ceux de Russie, ce qui aurait causé la défaite, en désignant ainsi aux populations turques un “ennemi intérieur” à combattre et contre lequel tous les coups sont permis, c’est le début du génocide des arméniens…

Il prendra une ampleur apocalyptique car en plus de la déportation, de la torture, et des massacre d’Arméniens perpétrés par certaines troupes régulières, il y a surtout qu’il fut laissé aux groupes nationalises extrémistes, et à ceux qui dans les populations civiles, détestaient les Arméniens, la liberté de les persécuter et de les exterminer impunément. Jusqu’à ce jour le bilan de ces massacres demeure controversé, et la notion de volonté génocidaire se trouve contestée par les autorités turques, mais selon les auteurs, la fourchette s’établirait entre 1,5 à 2,5 millions de morts…!

A l’heure où les négociateurs s’activent à Londres pour le partage, ces événements qui se poursuivront jusqu’en 1916, leur sont connus, et les Français envisagent donc d’administrer directement la province turque de Cilicie dans laquelle réside une forte minorité d’Arméniens, et ils profiteront de la rancœur de ceux-ci pour fonder une légion arménienne qui s’en ira combattre contre les Ottomans. Ils ajouteront à cette région d’administration directe, qui ne serait finalement rien d’autre qu’une nouvelle colonie, toute la zone côtière en abandonnant le reste, c’est-à-dire le désert, aux Arabes pour fonder un état qui demeurera sous leur influence.

Il ne faut pas perdre de vue à cet instant, qu’il existe depuis toujours une véritable “obsession” atavique des Français et des Britanniques, auxquels viennent de se joindre les Américains, pour conserver le contrôle de cette région, une obsession totalement irrationnelle, difficilement explicable, qui nous ramènerait au plus loin dans l’histoire, à la croisade menée conjointement par le roi de France Philippe Auguste et le roi d’Angleterre Richard cœur de lion. C’est donc sans surprise, si on se réfère aux antécédents historiques, que juste un siècle après la fin de la première guerre mondiale à l’occasion de laquelle ils pensaient être établis durablement dans cette région, ces trois mêmes nations se sont employées le samedi 14 avril 2018, à bombarder la Syrie pour tenter de soumettre un chef irréductible qui visiblement contrecarre leurs projets…

Pour se maintenir dans la région, les Français envisageaient donc de créer à partir de la Syrie historique dite Grande Syrie, à laquelle appartenait d’ailleurs la Palestine, trois états sur la zone côtière de celle-ci, un qui deviendra le grand Liban, celui d’aujourd’hui, un autre qui aurait du être le “pays des Alaouites”, un peuple dont est issu l’actuel président de la Syrie, et un autre qui aurait été le Sandjak d’Alexandrette, correspondant à peu près à l’antique principauté d’Antioche, zone peuplée d’Arabes. Quant à la partie est, faisant aussi partie de la grande Syrie, elle sera abandonnée aux Britanniques et deviendra le Kurdistan irakien, avec tous les problèmes que nous avons déjà évoqué…

Car, l’autre chose à laquelle il nous faut bien être attentifs ici, c’est que ces manigances impérialistes vont se trouver à l’origine de tous les conflits qui vont dévaster le Proche-Orient jusqu’à nos jours, c’est-à-dire, sur plus d’un siècle…

Au sortir de la guerre mondiale en effet, une conférence se tient à San Remo en avril 1920, pour entamer des discussions concernant un traité qui définira les frontières héritées du démantèlement de l’empire Ottoman, selon les accords Sykes-Picot, et qui devra être signé à Sevres au mois d’aout. Elle réunira des représentants de la France, de la Grande Bretagne, de l’Italie, de la Grèce, et du Japon.

Seront évoqués seulement à cet instant, la création d’un état arménien, dans le nord-est de la Turquie, et la création d’un état kurde, dans le sud-est de la Turquie, mais ni l’un ni l’autre malheureusement ne verront le jour. Ceci, à cause de la réticence et de divergences qui vont apparaitre entre les puissances impérialistes, et à cause de la farouche opposition des nationalistes trucs, et cela entrainera jusqu’à aujourd’hui, des conflits incessants tels que ceux qui opposent encore en ce moment même, les Turcs aux Kurdes…

C’est également à cette occasion que sera évoquée pour la première fois, dans le prolongement de la déclaration de lord Balfour, le droit pour les juifs de s’établir en Palestine, alors que selon les accords, celle-ci devait être internationalisée, de sorte qu’elle fera l’objet d’un mandat britannique, avec la longue suite de guerres et de cruautés qui perdure jusqu’à aujourd’hui…

Cependant, une guerre civile éclate chez les Ottomans. Elle oppose le sultan qui entend céder aux puissances victorieuses, et les nationalistes qui ne veulent rien entendre. Or, le traité de Versailles qui met fin à la grande guerre, prévoit dans ses dispositions la création de la “Société Des Nations”, la fameuse SDN, dont l’objectif déclaré est d’éradiquer une bonne fois la guerre de l’Europe. Elle reprendra à son compte les propositions de la conférence de San Remo, et offrira son parrainage à la rédaction du traité de Sèvres en 1920, qui était censé régler une fois pour toutes l’épineuse question des frontières des nouveaux états indépendants, et de la Turquie dépouillée. Lorsqu’ils en apprennent les dispositions, les nationalistes turcs voient rouge, et alors que les Français ont fait prendre position en Cilicie à “l’armée du Levant”, composée pour une large part de supplétifs arméniens, ces nationalistes engageront contre elle une guerre qui sera dite, de la guerre de libération de la Turquie.

Cette guerre sera l’occasion de la révélation d’un chef implacable, un grand leader charismatique, Moustapha Kemal dit “Ataturk”, autrement dit le “père des Turcs”, qui sera le fondateur de la république de Turquie et posera bien des problèmes au corps expéditionnaire d’une France qui sort épuisée de la grande guerre, et qui n’a pas le cœur d’en entamer une autre. Dès les premiers revers, elle changera de politique et de stratégie, dans un revirement qui sera lourd de conséquences compte tenu du partage maladroit de la grande Syrie auquel elle avait procédé, qui à la limite n’était viable, que si elle supervisait de son autorité toute la région pour éviter des affrontements entre minorités rivales et insatisfaites des lignes de partage.

Ce sera le début d’un désordre qui fera que la plupart des nations ne ratifieront pas le traité de Sèvres, traité prétendument de paix mais qui dès le départ, entrainera directement une guerre entre la Turquie qui ne veut rien en savoir, et la Grèce qui en était largement bénéficiaire, et qui constituera le début d’un enchainement de conflits sans fin, même lorsqu’il sera rectifié par un nouveau traité, celui de Lausanne…

La suite nous conduira selon une logique événementielle implacable et sur près d’un siècle de conflits, jusqu’à l’actuelle guerre de Syrie, et c’est ce que je vous propose de voir dans une prochaine partie de cet article…

A bientôt donc…

Paris le, 17 avril 2018
Richard Pulvar

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