mercredi 14 décembre 2011

Parachutes dorés pour chèvre et bourricot politiques





Qui aurait imaginé que le si bourgeois VIIe arrondissement de Paris deviendrait un jour le théâtre d’un crêpage de chignon politique entre ténors de droite, et plus précisément de la Sarkozie ? Cette circonscription parisienne n’était en effet jusqu’alors connue par tous que pour son calme si ennuyeux de la droite parlementaire. Jusqu’à l’âge de 92 ans, Édouard Frédéric-Dupont y mena “la plus longue carrière de conseiller de Paris de l’histoire récente de la capitale” : député (avec de rares interruptions) de 1936 à 1993, il en fut le premier Maire d’arrondissement en 1983, puis réélu sans difficulté jusqu’en 1995, ayant porté les couleurs d’une dizaine de partis politiques dont celles du Front National lors de l’éphémère scrutin à la proportionnel en 1986, ce qui ne l’empêcha pas de se représenter à la demande personnelle de Jacques Chirac sous celles du RPR ensuite.
C’est dire, selon la rumeur parisienne, si, fort de cet exemple, un candidat n’a guère de difficultés pour y être élu, pourvu qu’il ne soit pas de cette gauche tant honnie des électeurs locaux.
N’importe quelle beurette également, si tant est qu’elle soit adoubée de nos jours par l’UMP. Tel fut le cas de Rachida Dati, propulsée Garde des Sceaux en 2007 pour symboliser la volonté du nouveau Président de montrer aux Français la réalité de l’intégration par la droite républicaine, puis dégagée du gouvernement ensuite.
Les meilleures choses ont toutefois une fin, en politique locale comme ailleurs, et la circonscription n’est désormais plus ce long fleuve tranquille pour la droite parisienne : le fameux siège de député de Frédéric-Dupont aux prochaines élections législatives de 2012 est non seulement convoité par “la chèvre de monsieur Sarkozy”, mais aussi par le “bourricot” de celui-ci : François Fillon n’ayant guère d’espoir de conserver sa sinécure de Matignon, quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, c’est la Mairie de Paris que l’actuelle Premier Ministre a, à l’évidence, en ligne de mire, au-delà de ce simple mandat de député…
Rachida Dati n’entendant pas faire fi de sa propre ambition au profit de celle de l’ancien de la Sarthe, a déclenché depuis plusieurs mois un feu nourri de protestations auquel répond nombre de caciques de l’UMP, à défaut de François Fillon lui-même dont la morgue naturelle n’entend pas s’abaisser si vulgairement.
Dame Dati en appelle désormais à ses origines et à l’antienne de la représentativité des minorités en publiant dans Le Monde, une “lettre ouverte” à son rival(1) : “Vous allez casser ce que Nicolas Sarkozy a fait de mieux, de plus symbolique au cours de son quinquennat, montrer que la réussite de l’intégration, c’est de pouvoir convaincre notre électorat le plus traditionnel qu’il peut être représenté par quelqu’un qui n’a ni les mêmes origines sociales ni les mêmes origines culturelles. Le courage chez Nicolas Sarkozy c’est quand “Rachida” a succédé à Edouard Frédéric-Dupont. Cela, la gauche ne l’a fait nulle part. Cela devrait être la fierté de la droite républicaine”. Rien de moins…
Ce à quoi les partisans de François Fillon rétorque qu’elle n’est “qu’une petite fille gâtée par la politique”, à l’instar d’Alain Juppé qui déclarait auparavant à son propos : “On lui apporte sur un plateau le poste de garde des Sceaux, l’un des plus beaux de la République. On lui donne ensuite le mandat de maire du VIIe, puis celui de députée européenne pour compenser son départ du gouvernement. Et la seule chose qu’elle trouve à faire, c’est cracher encore dans la soupe. Ces bisbilles parisiennes sont mortelles.”(2)
L’Affaire, que d’aucun pourrait trouver pitoyable si ce n’était la notoriété des intéressés, prend alors dans les propos échangés de part et d’autres, une tout autre tournure… Elle devient, par leur âpreté pour s’emparer de ce mandat, désormais au vu et au su de tous, significative du vrai visage du personnel politique : l’une en vient à brandir ses origines pour seules justifications de son action politique, les autres à reconnaître cyniquement – et fort inconsciemment – que la plupart des mandats électoraux ne sont finalement que des “parachutes dorés”… Ô combien dorés !
Il serait temps qu’après les avoir si tardivement dénoncés pour les dirigeants d’entreprise, on les dénonce désormais en politique. Ils sont tout aussi scandaleux et sûrement guère moins sonnants et trébuchants.

Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

Notes
(1) Le Monde, 12 décembre 2011.
(2) Le Jdd. Fr, 13 novembre 2011

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