dimanche 8 décembre 2013

AFRIQUE DU SUD, LA QUESTION QU’ON EVITE D’EVOQUER...



L’Afrique du sud est un pays de 51 millions d’habitants sur un territoire grand comme deux fois la France, et qui ne représente donc que 5% du milliard d’Africains...

Mais l’Afrique du sud c’est surtout à elle seule :
20% des échanges économiques de toute l’Afrique avec la Chine.
25% à elle seule de toute la richesse produite sur le continent, soit près de deux fois plus que le Nigeria qui est pourtant trois fois plus peuplé, et dont les revenus proviennent principalement, non pas d’une logistique de production aussi complète que celle de l’Afrique du sud, mais de ses ressources pétrolières...
40% à elle seule, chiffre absolument ahurissant, de toute la production industrielle du continent, dont les produits manufacturés vont de l’automobile à l’aéronautique et l’espace.
45% de la production de minéraux du continent
50% du parc automobile de toute l’Afrique.
50% du transport ferroviaire du continent.
65% de l’acier produit sur tout le continent.
70% de toute l’électricité produite sur le continent.

Elle est en plus avec 14 milliards de dollars d’investissement, le premier investisseur dans le reste du continent, devant les Etats Unis avec 10 milliards, et la France avec 6 milliards.

Elle sera d’ailleurs avec la Chine, un des principaux partenaires financiers et aussi industriels, pour la réalisation du projet pharaonique du barrage de “grand Inga” sur le fleuve Congo, qui sera le plus grand du monde, deux fois plus grand que le plus grand actuel, c’est-à-dire le nouveau barrage des trois gorges en Chine, et qui avec sa puissance inimaginable de 45 000 Mégawatts, suffira à l’alimentation en électricité de tout le continent.

Elle est également le premier partenaire économique de l’Afrique, avec la France.

Ses universités et ses centres de recherche sont désormais de notoriété mondiale et attirent des chercheurs du monde entier. Elle entreprend des recherches dans de nombreux domaines dont le spatial et les télécommunications, et le plus grand radiotélescope du monde y sera prochainement installé.

Trois millions de travailleurs immigrés y séjournent, sans compter bien sûr les clandestins...

Son armée, modeste pour un pays de ce niveau, atteindra bientôt 80 000 hommes, mais parfaitement entrainés et équipés, et 1200 de ses soldats se trouvent déjà en opération dans des missions de maintien de la paix, dans d’autres pays africains. Elle possède toute une industrie autonome d’armement, depuis les armes légères jusqu’aux avions et aux missiles, en passant par les véhicules blindés. Sa fière marine possède à la fois des bâtiments de surface et plusieurs sous-marins, et si le grand Mandela n’avait pas mis un coup d’arrêt à ce programme (officiellement du moins), elle serait aujourd’hui une puissance militaire nucléaire...

Enfin, grâce à ses puissants et modernes moyens logistiques, elle a été à même d’organiser deux des plus importantes manifestations planétaires, la coupe du monde de Rugby qu’elle a d’ailleurs remporté chez elle, avec une équipe qui, à la demande du grand Mandela, était pour la première fois multiraciale, et la coupe du monde de football...

La question qui mérite alors d’être posée aujourd’hui est de savoir clairement à quoi tient cette singularité sud africaine, d’où vient la suprématie de cette nation qui constitue une “superpuissance” face la modestie des autres nations africaines rendues insignifiantes auprès d’elle, et dont certaines ne manquent d’ailleurs pas d’en prendre ombrage...?

Hé bien on pourra faire toutes les cabrioles et toutes les circonvolutions qu’on voudra, on pourra remonter le cours des événements historiques et leur donner l’explication que l’on voudra, on pourra regretter et à juste titre, la façon dont cette puissance s’est constituée, ce qui ne changera d’ailleurs rien à son origine. Mais en tout étant de cause, par delà des événements historiques d’une abominable cruauté et d’une profonde injustice l’ayant rendue ce qu’elle est, c’est bel et bien au caractère “arc en ciel” de cette nation, c’est-à-dire au fait qu’il s’agit d’une nation composite multiraciale, rassemblant principalement des noirs, mais avec des minorités blanche et indienne, que l’Afrique du sud doit d’être ce qu’elle est...

Ceci pour dire que même si on ne peut manquer d’avoir à faire à celle-ci d’énormes reproches, face à un bilan historique accablant, et même s’il est pénible philosophiquement d’avoir à constater que comme cela s’est passé partout ailleurs, c’est des épreuves redoutables de son histoire que cette nation aura tiré toute sa puissance, il demeure que s’il ne s’était trouvé dans cette histoire la minorité blanche d’Afrique du sud qui l’aura tant tourmenté, ce pays ne serait en rien devenu ce qu’il est. Partant de là, on peut prétendre qu’il serait peut-être mieux ou moins bien que ce qu’il est, mais il ne serait tout simplement pas ce qu’il est, et ceci doit être bien clair...

Dès lors, si la majorité qui fut jusqu’ici tant opprimée de ce pays d’Afrique qui est de très loin le plus développé, le plus riche, le plus puissant, et à l’avenir le plus prometteur, mais qui, même libéré de l’apartheid souffre encore d’une profonde injustice sociale, si donc cette majorité espère et entend légitimement profiter maintenant elle aussi de son prodigieux développement, il lui faut procéder de manière à conserver absolument l’essentiel de ce qui n’est finalement que le produit de son propre travail, tel qu’il fut accompli sous la contrainte des années durant. Ceci signifie clairement qu’il lui faut éviter tout cataclysme qui viendrait durablement ruiner cet espoir, et saccager le produit de son effort si chèrement payé.

Partant de là, il apparait clairement qu’après qu’il y eut les temps vaillants de la lutte, ce n’est que par la recherche dans une “paix des braves”, du meilleur arrangement possible entre les parties qui se sont jusque là si furieusement opposées, et par rien d’autre, qu’il peut-être possible de préserver cet essentiel, auquel les deux parties qui l’on constitué sont immanquables. Car rien de cette Afrique du sud ne serait, ni sans les blancs, ni sans les noirs.

C’est bien ce qu’avait compris le grand Mandela et qui, animé surtout par la préoccupation d’éviter aux siens, les malheurs qui auraient été sans fin d’une épouvantable guerre civile, les a engagés dans une politique de conciliation et de réconciliation nationale. Et, il se trouve que les citoyens de ce pays se sont montrés d’accord avec cette option, puisque après le mandat de leur illustre chef, ils ont par deux fois reconduit le même parti politique aux affaires, avec des successeurs ayant épousé la même doctrine, et qui ont fait que, contre toute attente, c’est sous la conduite de ces “natives”, que cette nation aura obtenu sa plus forte croissance économique.

Mais cette stratégie pourtant librement choisie par les citoyens sud africains, les seuls à devoir et à pouvoir faire ce choix, dérange certains qui du fond de leur racisme viscéral, de leur humiliation, de leurs rancœurs et leurs rancunes, de leur haine de l’autre, de leur soif inextinguible de vengeance, et alors même qu’ils ne peuvent déjà rien pour eux-mêmes, espéraient sournoisement que tout cela se terminerait dans un bain de sang, dont ils se seraient abreuvés pour se consoler de leur fatalité. Ceux là qui proclament que blancs et noirs ne sont pas faits pour vivre ensemble, ne cessent de prêcher la rupture et le règlement de compte, et bien sûr ils enragent face à la perspective de grande réussite à venir d’une société multiraciale.

Pour ces mabouls, l’illustre combattant a trahi parce qu’il n’a pas livré son peuple et sa nation au bain de sang qu’ils espéraient, et qu’il a montré à tous la voie de la “rédemption”. Pour ces gens désespérants autant que désespérés, il serait donc inconcevable pour un noir en ayant souffert, de s’entendre avec un blanc, et pire encore selon eux, de lui pardonner ses fautes et ses crimes avoués, pour qu’on en reste enfin là, et mettre fin au cycle infernal de la “représentation du mal”, par lequel des rancœurs alimentent les vengeances et les nouveaux crimes...

Mais tout ceux qui se sont battus, ceux-là surtout et cet illustre en fut, savent qu’il existe un temps des luttes, et il n’a pas manqué d’en prendre plus que largement sa part. Mais ils savent que ce premier temps n’a aucun sens ni intérêt, s’il n’intervient pas après cela un temps pour la “paix des braves”, pour mettre enfin un terme aux rancœurs permanentes.

C’est alors que les sectaires n'ont de cesse de salir la mémoire de l’illustre combattant de la liberté, en le traitant de traitre, et en argumentant que tous les autres leaders anti impérialistes se sont fait exécutés. Ils posent alors comme suspect le fait que celui-ci soit demeuré vivant, et soit de plus devenu un interlocuteur reconnu par les adversaires.

En réalité si tous les autres combattants de la liberté se sont fait exécuter, c’est bien sûr parce qu’ils constituaient des obstacles au projet impérialiste, mais si le grand Mandela fut épargné quant à cela, mais pas quant au reste, puisqu’il passa de nombreuses années dans les geôles sud africaines, c’est parce que les racistes sud africains ont eut tôt fait de prendre conscience qu’ils n’avaient à terme aucune chance de s’en tirer sans son aide.

En ce sens, il leur a sauvé la mise, ce qui fait enrager les célébrants du talion, mais il a surtout sauvé la mise, et il faut bien en prendre conscience pour prendre la mesure de ce grand homme, aux centaines de milliers de noirs sud africains qui n’auraient pas manqué de trouver la mort dans un affrontement dévastateur, qui de plus aurait plongé l’Afrique du sud dans des situations telles que celles que l’on constate en Afghanistan, en Irak et en Libye, où certains ont exploité des antagonismes existants, si une guerre civile s’était par malheur déclenchée.

Et ceci, d’autant que contrairement à ce que certains s’imaginent, cette guerre n’aurait pas simplement opposé les blancs aux noirs, mais les blancs alliés à une partie des noirs, contre les autres noirs, et nous avons vu à ce sujet, que la première amorce de guerre civile suite à le chute de l’apartheid, n’a pas opposé les noirs et les blancs, mais les Zoulous du chef Buthelezi, aux Xhosas de Nelson Mandela, et il est facile d’imaginer ce qu’il en aurait été, si un cette guerre s’était développée en engageant de plus les blancs...

Reprocher à un homme de ne pas avoir permis qu’une guerre civile dévastatrice soit l’occasion d’en finir une bonne fois avec les blancs d’Afrique du sud, autrement dit de carrément les exterminer, comme cela constitue le rêve secret mais bien sûr inavouable de ces monstres racistes et haineux, serait-ce au prix du massacre de centaines de milliers de noirs, voici où en sont certains, et il est clair qu’avec ceux-là, la sortie du continent de ses cruautés guerrières ne semble pas être pour bientôt...

Mais quant à nous autres, qui nous voulons des êtres civilisés, humains, et “aimants” de notre planète, de toutes les races et de toutes les contrées, nous communions en disant en cœur à cet illustre, à l’occasion de son départ, “merci grand Madiba”.


Paris, le 8 décembre 2013
Richard Pulvar

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