dimanche 2 mars 2014

A PARIS LE RASSEMBLEMENT ANTICOLONIAL DU 1ER MARS 2014 PLACÉ SOUS SÉQUESTRE DES FORCES DE LA RÉPUBLIQUE COLONIALE.


Une marche devait avoir lieu ce samedi 1er mars 2014 en clôture de la semaine anticoloniale qui depuis 6 ans se déroule à la même période chaque année.

Cette marche était régulièrement autorisée et rassemblait des milliers de manifestants engagés sur les thématiques anticoloniales et de décolonisations.

La semaine anticoloniale est née en 2005 de la colère du projet de loi faisant la part belle aux bienfaits du colonialisme, comme un cri de non acceptation d’une coupe largement pleine de l’inacceptable, l’association Sortir du Colonialisme porteuse de l’initiative s’est créé.

Depuis pour la tenue de cette semaine qui se structure d’un salon anticolonial, d’événementiels avec projection de documentaires, de conférences débats, de tables rondes, d’une assemblée des peuples colonisées par la France, ce n’est pas moins d’une cinquantaine d’associations, de syndicats, d’organisations politiques, d’ONG, d’organisations paysannes et de mouvements citoyens qui adhèrent à la démarche et co-organisent cet événement.

La semaine est clôturée traditionnellement par une marche anticoloniale qui se déroule toujours de manière non violente.

Les marcheurs cette année devaient marcher pèle mêle contre :
« - L’impérialisme sous ses différentes formes, telles que les occupations illégales de territoires (notamment en Palestine et au Sahara Occidental mais aussi en Haïti), 

- Toutes les interventions militaires néocoloniales, la perpétuation de la Françafrique et pour le retrait des troupes françaises d’Afrique et la fin de la présence des bases militaires sur des territoires étrangers, dont les bases américaines, 

-La situation à caractère colonial qui prévaut dans les Territoires ou départements d’Outre-mer en Kanaky, Polynésie, Martinique, Guyane, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, 

- Le racisme sous toutes ses formes dont l’islamophobie et la négrophobie, la xénophobie d’Etat, la ségrégation et la stigmatisation des populations issues de l’immigration ou des territoires et des départements d’outre-mer, 

-L’impunité pour les assassinats politiques en plein Paris dont les plus récents, il y a un an des trois militants kurdes et d’un militant tamoul, 

-Toutes et tous dans la rue pour le droit des peuples, contre la guerre, l’exploitation et toutes les formes de recolonisation, le racisme et la xénophobie. »

Des revendications assorties à des aspirations de sortie concrète du colonialisme prédateur, contre les projets mortifères des transnationales qui saccagent et polluent durablement les territoires de peuples autochtones.

Cette année si la semaine anticoloniale s’est déroulée du 14 février au 3 mars 2014 sans encombres et a drainé lors du salon anticolonial des foules enthousiastes, la marche prévue depuis des semaines qui devait partir de la place de la République pour aller à Ménilmontant en passant par Belleville a été purement et simplement interdite par la préfecture la veille de la date de son déroulement.

Le prétexte fallacieux invoqué était que la manifestation aurait pu créer des troubles à l’ordre public.
Cette décision préfectorale inique et arbitraire était dans la continuité des ignobles manipulations médiatiques consécutives à la manifestation à Nantes du 22 février pour la défense de la zone naturelle de Notre-Dame-des-Landes.

Les organisateurs pour ne pas rester sur cette déconvenue, ont tenté de trouver une solution en proposant aux autorités préfectorales un autre parcours, celui-ci aurait pris la direction de Barbès pour arriver devant l'église St Bernard.

Ce second trajet à lui aussi été refusé.

Face à ce second refus les organisateurs en signe de protestation ont maintenu le rassemblement avec le point de rendez-vous initial sur la place de la République à 14 heures, une option prise qui n’a pas donné lieu à aucune objection de la part des autorités.

Répondant ainsi à l’appel à se rassembler, en arrivant à une des nombreuses sorties de la station de métro République, avant d’emprunter les escaliers de la sortie conduisant sur la place, en guise de comité d’accueil il y avait des groupes de CRS effectuant une opération de filtrage stricte.

Sur la place se tenaient ceux qui avaient anticipé et qui étaient arrivés en avance. Etaient présentes, pas toutes mais quelques-unes des organisations ayant participé à la semaine anticoloniale, tel que bien évidement l’association organisatrice Sortir du Colonialisme, des associations palestiniennes en lutte contre l’apartheid dans les colonies, le mouvement du Boycott Désinvestissement Sanction à l’égard d’Israël, le CNT, le Mrap, le PC, quelques membres du NPA, une délégation de sans-papiers, une délégation kanake, des membres de l'Alternative Libertaire, des membres du SLB (des indépendantistes bretons) ...ainsi que notre venue en soutien en tant que coordinateurs d'IDLE NO MORE France.

Les messages étaient résolument anticapitalistes chez certains participants et le concept de BDS qui est à préciser a pour objet le boycott des produits de consommation, le désinvestissement de l'économie et les sanctions à l’égard de l'Etat d'Israël qui pratique actuellement l'apartheid vis à vis des populations noires et des populations palestiniennes. 

Les avis d’interdiction ferme et la peur propagée ont démotivé certains des marcheurs habituels mais il faut dire aussi que les différents sas de filtrage des CRS ont dû empêcher à de nombreux militants d’être présents.
Une poignée de 300 irréductibles ont bravés les embûches et ont pu accéder au point de rassemblement.




Il faut ajouter que, la marche interdite aurait selon les craintes de la préfecture pu rejoindre une autre manifestation sur les violences policières et ainsi former une seule grande manifestation contestataire avec la marche anticoloniale, cette autre manifestation devait partir de Belleville.

En arrivant sur la place de la République nous avons pu observer d’autres CRS en faction qui faisaient des rondes, puis au fur et à mesure nous avons des cars entiers de CRS garés le long d’une rue adjacente à la place.
Les prises de paroles ont alors commencé pour fustiger et dénoncer les mesures d’interdiction de la marche, le colonialisme encore actif et notamment le colonialisme français, tant sur le sol français que sur le continent africain. Une détermination de ton, déclamée dans un climat non violent, l’hystérie belliqueuse n’était pas de mise.

Quand des intervenants ont commencé à parler de la colonisation actuelle en Palestine, à ce moment précis les CRS ont quitté les rues et sont venus sur la place, avec un rang des troupes venue directement se poster en arrière des intervenants. Ne se laissant pas intimider outre mesure les prises de paroles se sont poursuivies.

Une délégation de Kanaky, arborant fièrement ses drapeaux kanaks, a pris la parole pour rappeler l’exploitation coloniale qui sévit dans leur pays et rappeler également qu’un processus d’autodétermination les concernant est en cours cette année. Cette délégation a aussi clamé haut et fort que la « Kanaky est la Kanaky » et que c’est ainsi que l’on doit nommer leur terre et non pas l’appeler, comme malheureusement les colons le font : « La Nouvelle Calédonie ».

N’ayant le droit qu’à un rassemblement sur la place les organisateurs ont pris l’option en résistance de manifester de façon mobile, à savoir de marcher tout de même autour de la place. Dès les premiers pas effectués dans une rue longeant la place, le petit cortège a été immédiatement bloqué par les CRS, avec l’ordre donné armes en bandoulières de regagner la place où un sit-in pacifique c’est improvisé. A cet instant nous avons vu des fourgons entiers de CRS garés tout autour de la place de la République, soit sur son périmètre entier ! 

Pour se représenter cette aberration et ce nombre de forces de l’ordre démesuré, il faut savoir que la place de la République est une très grande place. En ces instants les forces de l’ordre étaient en nombre exagérément supérieur à celui des manifestants qui manifestaient dans le calme et sans le moindre débordement, ni acte hostile et de trouble à l’ordre public. Rien ne justifiait un tel coûteux dispositif.

C'est alors que c’est produit l’impensable et l’inimaginable, des rangées de CRS ont encerclés les manifestants sur la place, personne n’avait le droit d’aller où il voulait, ni de franchir les lignes d’escadrons casqués, boucliers sortis, les armes à la main.

La manifestation et les manifestants ont été circonscrits non pas sur la place, mais sur une partie de la place. Ils ont été pris purement et simplement en otages par les forces de l'ordre, alors que l’ordre de dispersion de la manifestation venait d'être donné par les organisateurs au mégaphone.

Pendant de longues minutes, sous la pluie qui a commencé à tomber, les CRS ont empêché les manifestants de quitter la manifestation, les retenant de fait prisonniers !

Une mise en captivité physique arbitraire, effectuée de manière illégale.

Les cris des manifestants de « police coloniale !» n’ont bien sûr rien changé à cet état d'urgence de fait.
Comme si cela ne suffisait pas un petit groupe de musiciens qui jouait joyeusement c’est lui aussi retrouvé pris dans la nasse de l’encerclement policier, et les CRS sont allés les voir pour leur intimé l'ordre d’arrêter de jouer de leurs instruments.

Tout du long de la manifestation quand les organisateurs ont demandé à parler avec le responsable des forces de l’ordre, cela leur a été refusé, tout comme la prise des numéros de matricules, qui de façon non réglementaire n’étaient pas affichés sur les tenues des CRS.

Car depuis le passage en force de Manuel Valls sur ce point, les crs depuis le 2 janvier de cette année ont l’obligation d’afficher sur leur tenue leur numéro d’identification.

Tout au plus a-t-on dit aux organisateurs que pour libérer les manifestants du lieu de rétention à ciel ouvert où ils se trouvaient, ils devaient attendre que la manifestation de Belleville se disperse.

Une manifestation qui nous l’avons appris par la suite a subi la même séquestration que celle où nous étions.

Quand enfin les CRS ont décidé de nous laisser partir, ils ont établi une zone de passage à l’instar des check-points de Ramallah et ont procédé à des libérations de manifestants au compte-goutte par groupe de dix personnes conduites sous une escorte entre deux files de CRS jusqu’à la bouche du métro.

Ainsi au pied de la statue de la République sur laquelle se trouvent gravées les mots « liberté, égalité, fraternité », ces trois principes ont été bafoué par l’arbitraire des forces de police.

Les bras armés de la République coloniale française ont piétinés ses fondements constitutionnels. Les libertés fondamentales de circulation et de manifestation sont bafouées par le pouvoir exécutif. 

Notre liberté d’expression devient conditionnelle quand le colonialisme est dénoncé !

Ce samedi 1er mars 2014 en ce lieu hautement symbolique de Paris, place de la République, la République a montré à tous son vrai visage.

Emmanuelle Bramban, coordinatrice d’IDLE NO MORE France, 
Paris le 2 mars 2014












































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