samedi 1 août 2020

QUAND L’IGNORANCE ET LA MAUVAISE FOI TRIOMPHENT, LA VIOLENCE NE TARDE PAS A LEUR EMPRUNTER LE PAS...


Le 15 juin 1502, jour de la saint Martin, c’est le jour ou Christophe Colomb aborda une île jusqu’alors inconnue de lui dans les Caraïbes, et lui donna pour cette raison le nom de “Martinique”. La légende qui prétend faire décliner celui-ci d’un nom caraïbe qui aurait été “Matinina”, tente de faire oublier que d’une façon bien plus prosaïque, le nom de cette île lui aura été donné par un aventurier colonialiste et esclavagiste s’il en fut, et finalement selon une ironie qui comme on le sait, est la spécialité de l’histoire, le nom même du peuple qui prendra naissance en ce lieu, les “Martiniquais”, dont la douleur est d’être issus d’hommes esclavagés, selon ce qui fut une des tristes entreprises de Colomb.


Cependant, malgré tout de que l’on pourra contester de celui qui en fut l’auteur, ce nom demeure la toute première attribution de ce peuple et par le fait sa première “possession”, le tout premier élément de son identité dont d’évidence, il pourrait aujourd’hui difficilement se défaire et ne l’envisage heureusement pas, alors que cependant il prétend se défaire d’autres éléments de son identité acquis pourtant selon les mêmes circonstances difficiles.

Le 15 septembre 1635, encouragé qu’il l’était par le cardinal de Richelieu qui ne voulait pas laisser les nations européennes concurrentes, priver la France de possession dans le nouveau monde, Belain d’Esnambuc, aventurier muni de lettres de course lui permettant de courir sus à l’ennemi, en ayant ainsi la qualité de “corsaire”, débarqua sur cette île avec 150 colons, dans une baie qui allait devenir celle de Saint Pierre, du nom d’un fort qu’il éleva en cet endroit, et prit possession de l’île au nom du roi de France Louis XIII...

Il insistera, aidé en cela par Richelieu, pour y importer des captifs africains, auprès du roi qui, fidèle à l’édit de 1315 selon lequel le roi de France Louis X dit “le hutin”, avait aboli l’esclavage en ce pays en déclarant, “...Le sol de France affranchi l’esclave qui le touche...”, s’y opposait fermement. Selon certaines sources, il y aurait pourtant installé clandestinement les premiers captifs, une quarantaine, qu’il avait ravis aux Espagnols en arraisonnant un de leurs navires, afin de mettre en exploitation cette île par une société aux intérêts du cardinal...


Il décédera en 1637, avant que gagné par l’argument selon lequel accepter des esclaves sur cette terre, c’était leur offrir par le baptême l’occasion d’accéder à la vraie foi et ainsi, assurer leur salut pour l’éternité, Louis XIII, roi très pieux, accepta par une ordonnance prise en 1640, l’installation de captifs africains aux Antilles, à la condition expresse que ceux-ci soient baptisés, et que dès lors, ils devenait des “naturels français”. Ceci, de sorte qu’il n’y eut jamais d’Antillais, peuple qui n’existait pas avant ces actes, que français...

En ne perdant pas de vue maintenant le rapport fondamental de la notion de “nation”, avec celle de “natif” (natus) d’un lieu, il vient que la fondation d’une nation réside dans la rencontre d’un peuple avec un territoire sur lequel tous les natifs de ce lieu formeront ainsi la nation de ce lieu. Dans cette signification des choses, d’Esnambuc qui a fait l’acquisition de ce territoire, et qui aura permis l’installation de ceux qui donneront naissance à sa nation, est, même si ce fut par le fait d’actions contestables, bel et bien le fondateur au sens stricte, de ce qui s’appelle aujourd’hui la Martinique...

Ce qu’il convient d’admettre une bonne fois ici, mais que se refusent de faire jusqu’ici certains irréductibles à l’esprit borné, c’est que s’il n’avait été d’Esnambuc et ses entreprises, aussi contestables que furent celles-ci, ce que nous connaissons aujourd’hui selon tous ses aspects comme étant la Martinique, n’existerait tout simplement pas. D’autres se seraient emparés de cette île et sa destinée aurait été tout autre. Quant à ceux qui se disent aujourd’hui Martiniquais, ils n’existeraient pas d’avantage, d’autres seraient établis selon une toute autre nation sur cette île, de sorte que les Martiniquais tels qu’ils se reconnaissent, doivent tout simplement le fait de leur existence comme tels, bel et bien à d’Esnambuc, quoi qu’il fut...

C’est dans cette compréhension sage et apaisée des choses, que le conseil général de la Martinique, élus martiniquais représentant le peuple martiniquais, a décidé en 1935, pour le tricentenaire de la fondation de la Martinique et de sa nation, d’ériger une statue sur la place de la Savane à Fort-de-France, à la gloire de l’homme qui leur a donné naissance...

Ainsi en va-t-il de l’histoire tourmentée des hommes, insignifiants qu’ils sont face aux desseins du temps, lequel ne se remonte pas pour que puissent s’effacer ses douleurs. Ceci, contrairement à ce que tentent de faire ceux qui voudrait chasser le souvenir des rudesses dont ils ont été faits, alors même que c’est d’elles et de rien d’autre dont ils ont été faits, et qui ne mesurent pas qu’en poursuivant dans la voie de cette folle obstination, il ne vont logiquement parvenir qu’à se défaire...


Etre en mesure de faire la part de l’histoire et comprendre qu’on ne peut en aucune façon lui faire un procès, ni espérer qu’elle pourrait s’écrire à l’envers en brulant les livres d’histoire, en démolissant des statues, dont celle de d’Esnambuc, ou en renommant les rues, est la marque des peuples matures, responsables et fiers, qui “font” avec ce qu’ils “sont”, c’est-à-dire ce que l’histoire tourmentée à fait d’eux, sans rien y enlever, en comprenant bien qu’ils se porteraient atteinte à eux-mêmes dans leur fondation, s’ils prétendaient le faire.

Ceci, face aux peuples qui demeurent infantiles, éternellement vaincus, qui se vivent dans la complainte et ne sont animés que par la vindicte, et qui se montrent incapables de faire quoi que ce soit de positif pour eux-mêmes, et tel est hélas souvent le lot de bien des peules anciennement esclavagés ou colonisés. Ceci, parce qu’ils n’ont jamais été alertés quant au fait que leur incapacité endémique découle précisément du fait que s’enivrant d’une identité fantasmée, ils nient qu’il y a pour eux une positivité incontestable des événements même les plus graves, dont ils sont issus, qui est justement celle de leur avoir donné naissance, et parce qu’ils n’ont de cesse de contester cette fondation, alors que celle-ci constitue la seule capacité d’exercer qui se trouve disponible pour eux, leur seule source “énergétique”. Des lors, ils participent ainsi sans jamais en prendre conscience, à leur “auto-mutilation”...

Tout ceci signifie qu’aussi tourmentée fut-elle, il ne faut pas insulter l’histoire dont on est issu, ni tenter de se défaire des caractères dont on en a hérité, sous peine de s’auto détruire.

Qu’on comprenne ici que fondamentalement, les peuples ne peuvent être “déterminés”, avec l’implication opérationnelle de ce terme, que de ce qu’ils “sont”, à ce qu’ils “font”, étant bien entendu qu’il ne sauraient s’engager dans des entreprises qui échappent à leur capacités tels qu’ils sont, et qu’il leur faut bien faire avec ce qu’ils sont, et tout ce qu’ils sont...

Disons encore différemment, que les peuples ne peuvent être efficacement déterminés, qu’entre une “fondation” bien établie et acceptée, et une “vocation” relative à cette fondation, dont le grand Frantz Fanon qui était un enfant même du pays, tentait de faire comprendre à ses compatriotes martiniquais qu’il leur appartenait “dans une relative obscurité”, selon son expression, de découvrir celle-ci et dès lors, de l’accomplir ou de la trahir...

Hélas, les Martiniquais ne peuvent que trahir aujourd’hui leur vocation. Tout d’abord parce qu’ils ne sont en rien préoccupés de tenter de savoir quelle est celle-ci, puisqu’ils contestent déjà leur propre fondation en en faisant un malheur pour lequel ils demandent même des réparations, sans prendre conscience des implications “dévastatrices” au niveau de la dynamique nécessaire à un peuple pour qu’il puisse exercer, dans le fait que celui-ci se proclame lui-même mal né, mal fabriqué, et implore qu’on s’en vienne le réparer. Ce peuple dénonce alors le viol dont il est issu et se refuse à se reconnaitre comme en en étant pourtant le produit, comme si par un combat quelconque qu’il mènerait, il pourrait se faire naitre autrement...

Dans une telle situation, n’étant précisément pas déterminé, il demeure parfaitement incapable de régler le moindre de ses problèmes dont il décline d’ailleurs sa responsabilité, en faisant que ceux-ci s’accumulent dans une situation sociale désespérée dont la traduction la plus cruelle, est un niveau dramatique de la délinquance, dans un département où 45% de la classe d’âge de 15 à 29 ans se trouve au chômage, que les jeunes les plus talentueux et les plus déterminés fuient en masse, en faisant que depuis quelques années, la population de celui-ci diminue dans le même temps qu’elle vieilli...

C’est l’impasse la plus totale, due à l’ignorance pour le plus grand nombre, et à la pire mauvaise foi pour certains racistes qui en prétendant au malheur une couleur, se font une carrière de leader en surfant sur le mécontentement. Ils laissent croire que la solution aux problèmes d’un peuple rendu totalement impuissant face à eux du fait même de son auto mutilation, se trouverait dans des affrontements, sans jamais qu’il ne s’offre de faire un travail salvateur sur lui-même.

Certains irresponsables lui laissent même croire qu’une solution à ses problèmes ne le mettant surtout pas en cause quant à son inaction, se trouverait dans un accès à l’indépendance, dans un pays où le taux de couverture des importations par les exportations, n’est que de 18%, et qui accuse un déficit commercial humiliant de 3,5 milliards d’euros, une paille donc, que la métropole comble par une fonction publique pléthorique et par des transferts sociaux divers...

Nous sommes dans un univers, un ensemble d’objets régis par le “cosmos”, selon un mot grec signifiant “ordre”. Ne rien vouloir savoir des fondamentaux de la construction sociale selon cet ordre, et ses rapports obligés à l’histoire, est l’aveuglement des Martiniquais qui risquent de le payer au prix fort. Car dans l’impasse totale dans laquelle ils se trouvent, la violence toujours mauvaise conseillère, se proposera à eux comme étant une sortie, pour établir son règne...

Paris, le 1er août 2020
Richard Pulvar


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