jeudi 26 novembre 2009

Diversité au petit écran: le carnet de notes du Club Averroes

Bon et mauvais points : le Club Averroes vient de rendre public son rapport annuel sur la diversité à la télévision. Si TF1 et France Télévisions se font sermonner, Canal+ et M6 sont encouragés. Extraits.



«TF1, chaîne leader, et un temps exemplaire en matière de diversité dans le paysage audiovisuel français, semble avoir malheureusement abandonné toute ambition en ce domaine depuis quelques années. La chaîne privée a permis autrefois à quelques présentateurs issus des « minorités visibles » de faire leurs premières armes … depuis, plus rien ou presque. Comment la diversité de la société française est-elle représentée surTF1 en 2009 ? Quelles sont les causes de sa mal-représentation ? Pourquoi cette maladresse et cette frilosité à représenter notre société dans toute sa richesse et sa diversité sur une chaîne si emblématique?

Le Club Averroes se félicite de la visibilité accrue que la chaîne octroie à Harry Roselmack. Une exposition et des perspectives grandissantes d’autant plus logiques qu’un récent sondage place Harry Roselmack à la 1ère place des journalistes préférés des téléspectateurs français !
Cependant, nous devons déplorer le départ de journalistes de talents issus des minorités qui ont quitté la rédaction du groupe et qui n’ont pas été remplacés depuis. TF1 semble aujourd’hui se reposer sur ses lauriers et n’initie plus aucune démarche d’envergure.
Fictions: selon TF1, après plusieurs réunions et incitations à la sensibilisation auprès des producteurs et des directeurs de casting, les efforts semblent payer : désormais, il devient quasi-naturel pour les producteurs de proposer des rôles de première importance à des comédiens issus de la diversité, sans qu'il soit nécessaire à la chaîne de le réclamer. Cette modification des réflexes du comportement devrait porter ses fruits à l'antenne dès l'hiver 2009/2010 afin d'accélérer un peu plus le phénomène de visibilité dans les fictions de TF1.

Au sujet des "auteurs français", c'est un autre problème. TF1 connaît un mal, celui d'être cloisonnée. La chaîne refuse de travailler avec des auteurs qu'elle ne connaît pas.
Problème, qui sont les fréquentations de TF1 ? Les créateurs de « Julie Lescaut » ou de « Joséphine, Ange Gardien »... TF1 doit donc impérativement tisser de nouveaux liens, avec de nouvelles sociétés de productions et de nouveaux auteurs. En pleine crise d’audience et d’identité, la plupart des chaînes dont TF1 demandent aux auteurs français de reprendre les recettes de leurs confrères américains, sans bien les connaître et surtout sans que personne ne sache si ces règles constituent un gage de succès (voir les catastrophes industrielles « L’Hôpital » et « Seconde chance »…). Le recours à des auteurs, des producteurs, des réalisateurs et des comédiens talentueux, issus notamment des minorités, contribuerait évidemment à renouer avec le succès

Parmi les autres éléments du programme : en 2009, les émissions de jeux, de divertissements et de téléréalité ont, comme les années précédentes, été d'excellents vecteurs de promotion de la diversité de la société française (« Koh Lanta », « Secret Story », …). D’autre part, TF1 annonce que « la préparation et la diffusion de la Coupe du Monde de football en 2010, organisée en Afrique du Sud, sera l'occasion pour la chaîne de faire appel aux services de journalistes et d'anciens footballeurs d'origine africaine afin de faire émerger de nouveaux talents aux commentaires ou sur le terrain. »

Coup de projecteur sur La Fondation TF1 : cette fondation présente la particularité de mettre en oeuvre toute une panoplie d'outils de détection de nouveaux talents non repérés par le système éducatif classique. TF1 peut ainsi puiser dans le vivier de la fondation en remédiant aux carences de fonctionnement du recrutement des établissements d'enseignement pour embaucher.

Cette fondation favorise :
- L'intégration de jeunes talents issus de quartiers défavorisés : 8 jeunes intégrés en 2008, 9 jeunes intégrés en 2009, dans tous les métiers du groupe (journaliste, technicien vidéo, commerciaux TF1 Publicité, comptabilité, …). Ils sont dès leur arrivée, intégrés dans une école réputée (CFJ ou CFPJ pour les journalistes) dans le cadre d'une formation en alternance.
La communication « corporate » du groupe TF1 semble cependant traduire une certaine prise de conscience de l’évolution de son public, et d’une nécessité de faire évoluer ses programmes, et ceux qui les font, vers une meilleure prise en compte de la diversité culturelle de notre pays.
Ainsi, sous la houlette de Frédéric Ivernel, nouveau Directeur de la Communication, TF1 a lancé en mai 2009 un spot4 en hommage à ses téléspectateurs signé «Merci. On se retrouve sur TF1». Cette communication était une première pour TF1, la chaîne affichant ainsi son ambition : non seulement être la chaîne numéro un, mais surtout être la préférée des Français. Le spot consistait en une suite de scènes censées représenter tous les publics de TF1, dans la vie quotidienne.

La représentation de personnages issus des minorités y était présente, à l’image du visuel ci-contre, véritable ode à la mixité culturelle.

La diversité à France Télévisions, une politique à rebours
La diversité semble toujours loin des préoccupations de France Télévisions. Ce n’est plus le Club Averroes qui l’affirme, c’est le service public audiovisuel lui-même dans une note confidentielle adressée au Comité exécutif du Groupe. Ainsi, dès les premières lignes de ce rapport on découvre ce constat édifiant : « Immobilisme, ralentissement, voire dans certains domaines régression, malgré les recommandations renouvelées du Président du Comité exécutif et l'engagement volontariste des syndicats, la période hiver 2007 – 2008 et Hiver 2008 – 2009, sur fond de tension avec l’Etat et modification législative a été une période compliquée, de la part des décideurs de la holding, pour la prise en compte, la représentation et la promotion de la diversité ethno-culturelle et ethno-sociale au sein du groupe France Télévisions dans le cadre quinquennal, du Plan d’Action Positive pour l’Intégration ( PAPI) lancé depuis janvier 2004».

L’année dernière, le rapport Averroès avait signalé un ralentissement de France Télévisions sur la prise en compte de la diversité. Cette année, avec la mise en place de l’entreprise unique, on voit non seulement cette tendance se confirmer, mais surtout se dessiner une nouvelle façon d’appréhender la diversité. Celle-ci n’est en effet plus l’affaire de chacune des chaînes du groupe, elle est à présent traitée à l’échelle de France Télévisions.



Une diversité peu représentée à l’écran
Plus les sujets sont sérieux, plus les présentateurs sont « pâles », comme à l’information qui, depuis le départ de l’Antillaise Audrey Pulvar, est exclusivement blanche. A l’inverse, plus on va vers le divertissement et les jeux, plus on trouve de présentateurs issus de la diversité.
Sur les deux principales chaînes du groupe, France 2 et France 3, le casting des présentateurs est endogène. D’une année sur l’autre, on retrouve les mêmes têtes, qu’elles soient d’ailleurs issues ou non de la diversité (Guillaume Durand, Christophe Hondelatte, Michel Drucker ou Nagui). Pas grand-chose de neuf donc, à part l’arrivée à la rentrée 2009 sur France 2 de Sébastien Folin, (photo), originaire de l’Ile de la Réunion. En dehors de cette initiative, il n’y a rien de nouveau sous le soleil de France 2, et encore moins de France 3.

Les contenus : une évolution contrastée
- Infos et magazines, le règne du cliché
D’une manière générale, les stéréotypes perdurent pour cette année 2008-2009. Les clichés sont toujours aussi présents avec, d’un côté, les peoples de la diversité présentés comme des symboles ou des exemples de réussite, de l’autre les classes populaires appréhendées de façon anxiogène. Surtout si ces personnes sont issues des minorités ou, pire encore, présentées comme musulmanes! L’information cantonne bien trop souvent ces derniers aux faits divers, aux questions de difficultés sociales, aux problématiques religieuses ou au terrorisme. Or, pour le chercheur au CNRS Guy Lochard, il est désormais avéré que le traitement médiatique des « jeunes des cités » contribue à « l’altérisation » d’une frange de la population7. Les médias participeraient donc à la stigmatisation et à l’isolement des « jeunes des cités ».
On constate à l’inverse un changement notable concernant la représentation des Antillais, des Guyanais et des Réunionnais. La crise dans les départements d’outremer entre décembre 2008 et mars 2009 a eu le mérite d’introduire les ultramarins et leurs territoires sur les écrans de l’Hexagone

C’est dans la fiction que les progrès sont les plus significatifs. Le personnage principal n’est plus nécessairement blanc. L’acteur de couleur n’est plus systématiquement cantonné à des seconds rôles clichés, comme le prouve la série Un flic avec l’Antillais Alex Descas ou encore le téléfilm Aïcha sur France 2. C’est par la fiction que l’on peut faire évoluer et changer les imaginaires, les phantasmes, d’où l’importance de redoubler d’efforts. Plus belle la vie diffusée sur France 3 est l’un des plus importants succès d’audience du groupe, une série qui se veut à l’image de la population française. Cette production a été soutenue par la commission Image et Diversité du Centre national du cinéma.

Revendiquer la diversité est une chose. Agir concrètement en faveur de la diversité en est une autre. Canal + est la seule chaîne dont l’ensemble des programmes se fondent sur l’idée force d’une présence naturelle des minorités visibles. Ce volontarisme concrétise un processus initié à ses débuts et relayé avec puissance aujourd’hui par Rodolphe Belmer.
Résultat, cette année encore, la chaîne privée est le meilleur élève du classement 2009 avec les félicitations du jury. Et la crise ? Elle a agit comme facteur accélérateur au profit de plus de diversité encore, là ou d’autres chaînes moins volontaristes objectaient de leurs difficultés présentes… passées et à venir. Facile !

Canal + a entrepris l’exposition depuis ses débuts, même s’il y a eu comme cette année des phases d’accélération assez nettement visibles… et toujours de manière tout a fait naturelle avec l’addition de compétences issues de la diversité.
« La Matinale », « la Grande Edition » et le « Grand Journal » sont les émissions vitrines destinées à attirer de nouveaux abonnés , donc de futurs clients. Elles se doivent d’accompagner l’abonné dans ses souhaits, d’être en phases avec les mutations de la société française à tout point de vue et d’être d’une qualité irréprochable.


Chacune de ses émissions a placé la diversité au centre de son dispositif. Les présences d’Elé Asu et de Sylvère-Henry Cissé dans « la Matinale » – d’Abdel Alaoui dans « l’Edition Spéciale »(photo) – de Mouloud Achour, d’Ali Baddou et d’Omar Sy dans « le Grand Journal » prolongent et renforcent une vision de normalité, un principe égalitaire. Canal + répond ainsi à un double objectif : elle incarne une télévision forte de talents aux différents phénotypes et elle propose le modèle d’une communauté nationale aux visages multiples dont tous ses membres sont issus du même creuset. Cette politique pénètre en profondeur les rédactions d’émissions. L’arrivée de Karim Rissouli, qui quitte Europe 1 pour la rédaction de « Dimanche + » l’atteste.



En 2009, le groupe M6 nous déclare considérer que « les médias, en tant qu'entreprises, ont
une responsabilité sociale particulière. Et à ce titre, la question de la représentation de la diversité est extrêmement importante pour l’ensemble du groupe. »
Le Club Averroes ne peut que se réjouir de cette profession de foi. Dans les faits, il est en effet notable que depuis sa création en 1986, où la programmation était à dominante musicale, la représentation de la diversité de la société française est une politique toujours aussi naturelle dans le groupe M6, qui considère cet engagement comme « un défi de tous les jours ». Il s’agit de la logique d’une entreprise qui se veut proche de son public. C’est vrai pour la fiction (Léa Parker avec Sonia Rolland, Les Tricheurs, Les Bleus, Scènes de ménage, etc.), pour le divertissement en première partie de soirée, pour les membres des jurys (Mya Fry pour « Popstars », Moïse pour « Nouvelle Star », Aziz Senni et Smaïn, (photo) pour « Incroyables Talents », etc.), les animateurs (Charlie et Lulu), les journalistes (Aïda Touihri), le rôle d’exemplarité des reportages au sein des magazines (Capital). M6 essaie également de trouver des experts issus de la diversité, mais considère que cette tâche est beaucoup plus difficile compte tenu des processus de cooptation qui joueraient en l’espèce.

Par contre, le lancement de la sitcom quotidienne « Scènes de ménage » est, lui, un succès. Avec 2,2 millions de téléspectateurs en moyenne pour sa première semaine de diffusion, cette série a attiré700 000 téléspectateurs supplémentaires sur cette case par rapport à la série US qu’elle a remplacée. La bonne idée : mettre en scène trois couples de trois générations différentes, dont le plus jeune est composé d’un couple mixte. Les téléspectateurs peuvent facilement s’identifier aux personnages de cette série, reflets de notre société. Succès assuré."

source

Aucun commentaire: