samedi 15 octobre 2011

Haïti: des duvaliéristes dans l'équipe de Martelly



PORT-AU-PRINCE, Haïti - Rentré d'exil, l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier habite un manoir dans les collines qui surplombent la capitale haïtienne. Son fils agit comme conseiller auprès du nouveau président, Michel Martelly, pendant que d'autres individus associés au régime Duvalier travaillent pour le gouvernement.

Duvalier lui-même serait trop malade pour reprendre le pouvoir. Mais pour plusieurs Haïtiens qui se souviennent de son règne dictatorial brutal, la présence de ses fidèles au sein de la garde rapprochée du nouveau président constitue un motif suffisant pour remettre en question les allégeances de M. Martelly.

Un ancien ministre et ambassadeur duvaliériste est aujourd'hui un proche conseiller du président. Au moins cinq autres membres importants de son administration, dont le nouveau premier ministre, sont les fils de membres de l'ancienne dictature.

Le sénateur Moïse Jean-Charles affirme que lui et d'autres qui ont connu cette époque s'inquiètent de la présence de duvaliéristes dans l'entourage immédiat d'un président sans expérience politique et connu pour son penchant à droite.

«Ils sont plongés dans la nostalgie depuis 25 ans, a dit M. Jean-Charles au sujet des partisans de Duvalier. Et maintenant, ils sont de retour au pays et au pouvoir.»

Des militants pour les droits de la personne ont émis des préoccupations similaires, surtout depuis que des partisans de Duvalier ont interrompu le mois dernier une conférence de presse pendant laquelle on demandait que des accusations soient portées contre l'ancien dictateur.

«Il y a beaucoup d'inquiétude, a dit l'économiste et sociologue haïtien Camille Chalmers. Le cercle politique est composé de duvaliéristes.»

Le porte-parole de M. Martelly, Lucien Jura, a affirmé à l'Associated Press que les nominations ont été faites sur la base de qualifications personnelles, et non en raison d'allégeances politiques.

«Comme le président Martelly l'a déjà déclaré, il n'exclut personne, a dit M. Jura. Si le citoyen est compétent, honnête et de bonne foi (...) peu importe son affiliation politique, il est le bienvenu.»

Même l'ancien président Aristide comptait quelques duvaliéristes dans son équipe. Mais M. Martelly a recruté plus d'anciens membres du régime Duvalier que ses deux prédécesseurs.

Si M. Martelly n'a jamais ouvertement exprimé son appui à Duvalier, il s'est attaqué à certaines des principales préoccupations des partisans de l'ancien dictateur depuis qu'il a pris le pouvoir en mai. Par exemple, le mois dernier, il a proposé de rétablir l'armée haïtienne et de verser le salaire qui leur est dû aux soldats remerciés par l'ancien président Jean-Bertrand Aristide en 1995. Duvalier se fiait sur l'armée pour écraser toute dissidence interne.

Il souhaite aussi relancer le Service national d'information, une agence créée par les services américains de renseignement pour lutter contre le trafic de cocaïne après le départ de Duvalier. Cette agence combattrait maintenant le terrorisme, le crime organisé et les organisations «extrémistes».

M. Martelly déclarait aux journalistes jeudi qu'il est déterminé à recréer l'armée, même s'il doit le faire envers et contre tous. Il s'agira d'une armée moderne qui ne fomentera pas de coups d'État, a-t-il promis.

«Je ne veux pas que les gens pensent que je vais commencer sans eux, a déclaré M. Martelly à l'extérieur du Palais national. Mais je vais commencer sans eux s'ils ne se mettent pas à avancer.»

Ses détracteurs croient qu'il serait plus sage d'améliorer la police, qui est plus susceptible de conserver son indépendance. «Il ne peut pas contrôler la police, donc il veut créer sa propre force», a estimé le sénateur Jean-Charles.

D'autres s'inquiètent que M. Martelly n'ait pas demandé la poursuite en justice de Duvalier, qui est accusé d'avoir pillé les coffres de l'État, tout comme d'avoir torturé et assassiné de nombreux opposants politiques pendant son règne de 15 ans. M. Martelly affirme qu'il revient à l'appareil judiciaire de s'occuper de Duvalier.



TRENTON DANIEL, THE ASSOCIATED PRESS

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