jeudi 8 janvier 2015

QUAND IL SE MET A PLEUVOIR DES LARMES DE CROCODILES...!



L'ampleur absolument exceptionnelle et inattendue dans ce pays de France, des manifestations de "communion dans la douleur" et d'engagement exalté dans la "lutte pour la liberté d'expression", a tout d'abord quelque chose de très "suspect", quant au sentiment réel et profond qui les ont motivées. Elle a de plus quelque chose de très inquiétant quant à la redoutable efficacité de la manipulation médiatique qui à permis de faire soudainement sortir de leur léthargie, telle qu'elle se constate en ce pays où par ailleurs jamais rien ne bouge malgré les montagnes de problèmes, et pour les jeter dans la rue, des hordes d'individualistes habituellement dénués de toute forme d'empathie...
Suspecte oui, parce que nous observons dans ce pays et à longueur d'année, des cas de misère extrême qui laissent pourtant tout le monde dans une quasi indifférence, parce qu'il ne s'agit que de la douleur de pauvres gens, ce qui est beaucoup moins gratifiant pour les "pleureurs" et la manifestation de leur standing social et intellectuel, que de partager la douleur de personnalités, en conformité avec les appels médiatiques.

D'autre part, en admettant que la lutte contre l'oppression commence tout d'abord par la lutte contre la manipulation et pour la responsabilisation des citoyens, il y a quelque chose d'absolument terrifiant dans le spectacle de cette course effrénée à cet ultra-conformisme comportemental sur lequel les puissants assoient désormais leur autorité. Car, celui-ci marque à quel point, dans l'espérance d'une démocratie avancée, nous sommes encore éloignés du libre arbitre de chacun, et ce comportement manifeste surtout la désespérante fragilité psychique des citoyens, dont la préoccupation essentielle est de faire preuve de leur extrême normalité, qui constituerait selon eux, et tel est le message qui leur est sans cesse délivré, une marque de "qualité".
Dans cette affaire, il s'agit donc pour chacun de montrer qu'il est encore plus comme tout le monde, que tout le monde, et que si tout le monde pleure, il devient dans le devoir de l'homme convenable de pleurer comme tout le monde, sous peine d'être rejeté dans une marge déshonorante, et même pleurer plus que tout le monde, pour s'établir selon un standing supérieur de normalité...

Il est clair que l'ostentation bruyante ne relève pas de la sincérité du sentiment, et il apparait que ce n'est pas la douleur ressentie pour l'être disparu, qui constitue la motivation de ces manifestations, ni la lutte pour la liberté d'expression dont tout le monde se torche dans ce pays, en étant parfaitement conscient que celle-ci n'existe que pour ceux qui n'ont rien à dire ou rien l'intention de dire. Ces manifestations prennent alors la forme, non pas d'un hommage à ceux de Charlie, mais d'un hommage au "message" de ceux de Charlie, et c'est là tout le problème...

Qu'il y a-t-il, bien sûr pas pour tous, mais pour beaucoup, derrière le message "je suis Charlie" sinon, "je pense comme Charlie", et je n'admets pas, au nom du respect de la vie et de la liberté, que ceux-là aient été exécutés, et je suis surtout accablé, parce que c'est eux qui diffusaient ma pensée...
Car soyons clairs, dans le flot de crimes qui ont offensés notre planète depuis quelques années, bien d'autres événements, infiniment plus dramatiques, plus injustes, et plus inhumains, auraient mérité des rassemblements encore plus grands. Mais, ils furent accomplis dans le silence assourdissant de pleureurs de haut standing, auxquels les médias n'avaient pas signifié que c'était l'heure de pleurer, et qui n'ont pas eu depuis longtemps une "Lady Di" à se mettre sous la dent...

Face aux silences d'alors, les manifestations bruyantes d'aujourd'hui ont forcément, malgré la justesse de leur cause, quelque chose d'indécent, surtout lorsqu'on prend bien conscience, après toute l'amplification médiatique qui fut donnée à un problème extrêmement délicat et périlleux de société, à travers les prises de positions détestables d'un essayiste et d'un écrivain, tout ce que ces hommages cachent comme sourde détestation...

Richard Pulvar

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