dimanche 24 juin 2012

Il flotte sur le monde comme un parfum de guerre froide!, par Jacques Hubert Rodier



IRIB- Le «G-2», l'illusoire directoire sino-américain, est mort.

Et le monde ne peut que constater les signes de tension qui se multiplient entre, d'un côté, les Etats-Unis et, de l'autre, la Chine, ainsi que dans une moindre mesure la Russie. Une sorte de guerre froide «en miniature» qui, de la mer de Chine à l'Amérique latine et à l'Afrique en passant par la Géorgie, la Syrie et l'Iran, mine les relations internationales.

En arrivant, en janvier 2009, à la Maison-Blanche, Barack Obama avait, pourtant, voulu clore l'ère de George Bush et des néoconservateurs. Le nouveau président avait même proposé à Moscou d'enclencher le «reset button» pour remettre à zéro le compteur de leurs relations. Une main tendue vers l'ennemi d'hier qui s'adressait aussi à la Chine. Car, comme le note Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), Barack Obama voulait aussi mettre l'accent sur l'interdépendance entre l'Amérique et la Chine, pays détenteur de 1.200 milliards de dollars de bons du Trésor américain et deuxième marché commercial.

Mais cette politique de réchauffement des relations a tourné court aussi bien avec la Russie qu'avec la Chine. L'approche de l'élection présidentielle de novembre oblige en outre Barack Obama à durcir le ton pour apparaître comme un président plus ferme en politique étrangère que son rival républicain, Mitt Romney. Finies «ces trois dernières années qui furent vraisemblablement les meilleures depuis longtemps» dans les relations avec l'Amérique, comme le soulignait récemment Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie. Aujourd'hui, la ligne de fracture est patente aux Nations unies, sur la Syrie d'abord, où la Russie est peu encline à lâcher son allié Bachar al-Assad, quelle que soit la violence sanguinaire du régime, et où la Chine, inquiète de voir une nouvelle fois des puissances occidentales se mêler de ce qu'elle considère comme une «affaire intérieure», comme au Tibet ou au Xinjiang, s'aligne sur Moscou. Sur l'Iran également, Russes et Chinois ont du mal à accepter la détermination des Etats-Unis et de leurs alliés européens à empêcher Téhéran de poursuivre l'enrichissement de l'uranium, quitte à voir s'installer une nouvelle puissance dotée de l'arme nucléaire.

De même, le projet de Washington de déployer un bouclier anti-missile en Europe est perçu à Moscou comme un acte typique de guerre froide, même s'il s'agit de protéger aussi les alliés de l'Otan d'une éventuelle attaque d'un «Etat voyou», comme l'Iran. «Le monde entier est une provocation pour la Russie», souligne d'ailleurs Thornike Gordadze, vice-ministre des Affaires étrangères de Géorgie. Un pays amputé de deux de ses provinces, Ossétie du Sud et Abkhazie, autoproclamées indépendantes mais sous le contrôle russe.
La relation russo-américaine n'est néanmoins pas aussi centrale que celle entre les Etats-Unis et la Chine. Depuis quelques années, les sujets de tensions entre les deux premières puissances ne cessent de se multiplier, notamment en mer de Chine. Comme au bon vieux temps de la guerre froide, les différends s'expriment par «procuration», grâce à des Etats alliés des Etats-Unis comme le Japon, la Corée du Sud ou Taiwan, qui bénéficient toujours du parapluie militaire américain. Car, comme le souligne encore Valérie Niquet, Pékin cherche à préserver ses voies de communication commerciales. La mer de Chine méridionale est en effet stratégique, aussi bien pour Pékin que pour Tokyo et Séoul, pour les échanges avec les pays du Golfe, d'Afrique et d'Europe.

Mais, côté américain, la tendance n'est pas plus non plus à la détente. Vu de Pékin, les Américains sont les responsables des nouvelles tensions, aux dépens de leurs intérêts et de ceux des pays riverains de la mer de Chine. De même, la rivalité entre Etats-Unis et Chine s'est accrue en Afrique pour les ressources naturelles.

Début juin, Leon Panetta, secrétaire américain à la Défense, a d'ailleurs confirmé la volonté de «rééquilibrer» les ressources militaires des Etats-Unis vers l'Asie-Pacifque avec le déploiement de 60 % des navires de guerre des Etats-Unis dans cette région. De quoi assurer les «besoins de sécurité» des Etats-Unis et d'irriter encore davantage Pékin.

Pourtant, s'il est vrai que la détente ne fonctionne pas totalement vingt ans après la fin de la guerre froide, les rivalités et les tensions ne sont pas de la même nature qu'après l'érection du mur de Berlin. Le monde n'est plus divisé en deux camps dirigés par deux puissances d'égale force. Le budget militaire américain - et l'avance technologique du Pentagone -permet toujours aux Etats-Unis d'être une puissance militaire inégalée.

De plus, la rivalité entre grandes puissances n'est pas d'ordre idéologique, mais commerciale et économique. Même si on retrouve de forts éléments de nationalisme d'une Chine qui retrouve une place perdue et d'une Russie qui s'est sentie humiliée par sa perte de puissance sous Boris Eltsine. Ce qui différencie fondamentalement les deux périodes, c'est cette interdépendance extrême des économies. Sans nier les tensions, un diplomate japonais rappelait que la limite était bien celle de l'importance des échanges et des investissements entre le Japon et la Chine. Un propos qui vaut aussi pour les Etats-Unis. C'est, d'ailleurs, cette interdépendance qui oblige les grandes puissances du XXI e siècle à améliorer l'état de leurs relations. Si, du côté chinois et russe, cela passe par la fin de la méfiance, du côté américain, cette amélioration passe par la remise en ordre économique du pays et par le retour de son endettement à un niveau supportable. C'est en tout cas ce que Pékin attend.

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