mardi 3 mai 2011

Haïti: le prix des aliments explose


PORT-AU-PRINCE, Haïti - La flambée du prix des aliments en Haïti précipite de nombreuses personnes dans une misère extrême, alors que le petit État vient de porter au pouvoir l'ancien chanteur populaire Michel Martelly et tente toujours de se remettre du séisme de janvier 2010.

Marie Bolivar, une mère de famille de quatre enfants âgée de 60 ans, peine à survivre avec la vente de sandwich aux cacahouètes qu'elle offre, à 12 cents chacun, aux passants. La pâte d'arachides qu'elle étend sur le pain est plus mince ces jours-ci, en raison de l'explosion de 80 pour cent du prix de la noix.

La fluctuation des prix n'est pas un phénomène nouveau en Haïti, le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental et reposant fortement sur les importations. La conjoncture mondiale se répercute une fois de plus sur le prix des aliments sur l'île, sans compter le coût de l'essence qui a doublé, atteignant désormais 5$ le galon. Les Haïtiens déboursent davantage que les habitants de l'Amérique latine et des Caraïbes, selon une étude menée par l'Associated Press.

Plus de la moitié des 10 millions d'Haïtiens ont moins de 2$ par jour pour subvenir à leurs besoins et des centaines de milliers dépendent de la charité pour survivre. Les enfants sous-alimentés sont facilement identifiables en raison de la teinte orangée de leurs cheveux.

La directrice du Programme alimentaire mondial de l'ONU pour Haïti (PAM), Myrta Kaulard, a souligné que le budget des Haïtiens était si serré qu'ils pouvaient difficilement augmenter leurs dépenses pour la nourriture.
Mme Bolivar partage la route avec de nombreux autres vendeurs ambulants, qui sont confrontés à ce manque de fonds de toutes parts. Non seulement le prix des aliments augmente, mais les clients ont par la même occasion moins d'argent à allouer à ce type de dépenses.

La femme avance toutefois que la «situation était plus facile l'an dernier», en dépit du tremblement de terre qui a décimé Haïti. C'est que les provisions alimentaires d'urgence affluaient, réduisant du même coup le prix de la nourriture.

Alors que les missions d'aide humanitaire se font de moins en moins présentes et que la loi du marché s'impose à nouveau, le coût déboursé pour les aliments explose. Le mois dernier, les chauffeurs de taxi avaient été appelés à faire la grève pour protester contre la flambée du prix du brut, mais la manifestation n'a pas tenu le coup. Trop de chauffeurs cherchaient désespérément à gagner leur pain quotidien.

Le prix de la nourriture de base des Haïtiens, le riz, est toutefois demeuré stable. Entraîné par l'arrivée de denrées gratuites, le prix du kilo a chuté à 92 cents en septembre, grimpé à 1,38$ en janvier avant de redescendre à nouveau, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

Le prix du maïs, qui se chiffrait à 68 cents le kilo avant le séisme, a pratiquement doublé en mars.

Quant aux revenus des Haïtiens, ils n'ont pas augmenté. Le salaire minimum est de 5$ par jour au pays, mais la plupart des citoyens ne reçoivent pas une telle somme. Les Haïtiens doivent donc user de débrouillardise pour améliorer leur sort.

Le lieu de l'achat des aliments peut toutefois être décisif. Dans un supermarché, le prix du kilo de riz blanc peut atteindre 3,03$ mais les marchés extérieurs offriront un prix nettement moins élevé. Ces endroits ferment à la brunante, ne laissant aux consommateurs que l'option du magasin à grande surface.

Les aléas de la nature ont également leur rôle à jouer dans cette montée des prix. L'érosion, la déforestation, les inondations et les tempêtes tropicales font la vie dure aux agriculteurs. Les importations des États-Unis représentent par ailleurs une compétition féroce pour les producteurs locaux. Haïti importe la quasi-totalité de la nourriture consommée, dont plus de 80 pour cent du riz - connu sous le nom de «riz de Miami». Un poulet entier coûte 8$ sur l'île, le double de ce que les Péruviens déboursent pour le même produit. Les Argentins, dont le revenu est de loin supérieur à celui des Haïtiens, paient moins pour un kilo de riz.

La prolifération des usines à vêtements, dans les années 1970, a également contribué à l'exode rurale des agriculteurs. Mme Bolivar, qui habite désormais en banlieue de Piétonville, en fait partie.

«La campagne n'avait rien à m'offrir», a déploré Mme Bolivar.

Le ralentissement de l'aide internationale vise notamment à encourager les survivants du désastre à quitter les camps de réfugiés pour stabiliser les cours du marché. Des groupes d'aide, dont le PAM, ont lancé des programmes «argent contre travail», de repas offerts à l'école pour maintenir l'assiduité des élèves et de promotion de l'achat des produits locaux.

Mme Bolivar a toutefois affirmé que c'est le coût de la vie qui lui met des bâtons dans les roues. Elle souligne ne manger qu'un seul repas par jour. L'un de ses fils a dû quitter les bancs de l'école parce qu'elle était incapable de payer les 69$ requis pour deux mois de frais de scolarité.

Quant à une de ses filles, elle peut lui donner un coup de pouce en travaillant comme serveuse dans un restaurant libanais fréquenté par la classe moyenne haïtienne et les travailleurs étrangers.

Mme Bolivar a indiqué qu'elle fonde ses espoirs d'une vie meilleure sur le nouveau président, Michel Martelly, élu le 20 mars. «Nous attendons la réalisation de toutes les promesses qu'il a faites. Les gens veulent une activité commerciale, des emplois. Les gens veulent manger», a conclut Mme Bolivar.

TRENTON DANIEL, THE ASSOCIATED PRESS

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