jeudi 26 mai 2011

Une femme noire face à la secte



L'affaire Staruss-Kahn a révélé que les hommes ne devraient pas être égaux devant la loi. 



Ceux de la secte doivent rester au-dessus. Choquée. La France est choquée. Et toute l'Europe avec elle. L'affaire DSK a dépassé les limites de l'entendement. Comment peut-on traîner dans la boue un homme de si bonne famille, si bien éduqué, à la tête d'une si prestigieuse institution, marié à une si belle femme, disposant de tels réseaux, avec de si belles fréquentations, et, de plus, promis à un si bel avenir ? L'homme était si brillant, si intelligent, si efficace, que l'humanité ne pouvait s'en passer. 


C'était un mokh, un vrai. A entendre les commentateurs européens, et en premier lieu français, l'humanité ne se relèvera pas de la chute de Dominique Staruss-Kahn. Sa famille est tellement admirable ! Sa formation politique, le parti socialiste, perd son champion, le favori des sondages, l'homme que l'opinion française suppliait presque de devenir président de la République, comme le montrent les sondages qui le plébiscitent depuis des mois. 


Et puis, son oeuvre ne se limitait pas à la seule France. C'est toute l'humanité qui tirait profit de son talent inégalé. N'a-t-il pas joué un rôle clé dans le sauvetage de l'économie mondiale ? Ne dirige-t-il pas le FMI, cette institution internationale qui a sauvé la Grèce et l'Irlande, et qui, tel un médecin de famille, veille sur les éléments les plus fragiles de la famille internationale ? Un tel homme peut être « séducteur, sûrement ; charmeur, ami des femmes et d'abord, de la sienne, naturellement ; mais ce personnage brutal et violent, cet animal sauvage, ce primate, bien évidemment non, c'est absurde », proteste un éminent philosophe, qui n'hésite pas à tirer à boulets rouges sur la presse et sur le système judiciaire américain. 

En fait, cette attaque s'est transformée en une ligne de défense adoptée par les hommes les plus influents d'une sorte de secte, qui ont brusquement découvert la brutalité du système judiciaire américain. 


Qu'est ce système assez horrible pour montrer un homme si charmant, menottes aux poignets, à la télévision ? Quelle image ! Et ces photographes et caméramans qui se délectent de telles images, et ces chaînes de télévision qui les retransmettent, quel manque de goût et d'éducation!Vue d'un pays du Sud, cette indignation face à ce qui arrive à Dominique Strauss-Kahn, paraît tellement fausse, tellement dérisoire, qu'elle confine au racisme. 


Elle donne l'impression que c'est une protestation d'une secte d'hommes blancs, riches, puissants, refusant qu'un des leurs soit traité comme le commun des mortels. Les précédents sont là pour le prouver. 


Il n'y a pas eu le même choeur de protestations quand, il y a deux mois, Laurent Gbagbo, ancien chef d'Etat de Côte d'Ivoire, adversaire, voire ennemi de la France, a été montré dans une position dégradante. 


En maillot de corps, le regard perdu, ne semblant pas encore réaliser ce qui lui arrivait, l'ancien chef de l'Etat ivoirien avait été exhibé comme un modèle de dictateur déchu. Sa femme n'a pas, non plus, échappé au lynchage. 


Mais ce traitement n'a pas suscité de protestation particulière. Aucun commentateur en vue n'a insisté sur la présomption d'innocence, sur les droits d'un détenu, ni sur l'éthique journalistique. 

Bien avant Gbagbo, Saddam Hussein avait été montré dans une posture encore plus dégradante, lors de sa capture par les troupes américaines. Avec une longue barbe peu soignée, les cheveux en désordre, il avait été lui aussi exhibé comme une bête qu'on ausculte pour vérifier qu'elle ne porte pas une maladie particulière. 


Et puis, ce déchaînement provoque un vrai malaise quand il s'agit de cette femme que le directeur du FMI aurait tenté d'agresser. C'est une réfugiée africaine, originaire de Guinée, femme de chambre, vivant à Harlem. 


Nombre d'intervenants semblent se demander comment une Africaine, une noire, mère célibataire, arrivée depuis peu aux Etats-Unis, bref, une femme du bas de l'échelle sociale, réunissant toutes les tares du monde, comment une femme pareille, peut-elle se mettre sur la route d'un homme qui a autant de mérites? On a même l'impression d'entendre cette réflexion : Que n'a-t-elle passé l'éponge, gagné un gros billet comme elle avait l'habitude de le faire et gardé le silence ?  Il y a quelques années, un des fils Kadhafi avait été arrêté en Suisse pour avoir agressé des serviteurs marocains. 


Comportement d'un rustre, d'un bédouin, unanimement condamné, à juste titre. Pourtant, il n'y avait pas eu viol, ni aucune allusion à une affaire sexuelle. Mais l'auteur de l'agression était un arabe. 

Il ne faisait pas partie de la secte des grands de ce monde. Et le monde entier avait trouvé juste qu'il soit jeté en prison. Décidément, les hommes ne semblent pas égaux devant la loi. Il y a visiblement les membres de la secte et les autres.

Le Quotidien D'Oran  

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