samedi 2 juin 2012

UNE AVANCÉE POUR LA JUSTICE DES MINEURS



L’annonce par Taubira de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs est une bonne nouvelle pour l’ensemble de la profession. Il faut aller plus loin en réduisant le nombre de centres fermés.
Les professionnels de la justice des mineurs ont accueilli avec soulagement l’annonce par la nouvelle ministre de la Justice, Christiane Taubira, de la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et des peines plancher. Évidemment, la droite est tout de suite montée au créneau, dénonçant ce projet. Les propos très violents tenus à l’encontre de Christiane Taubira ont des relents sexistes et racistes.
On aurait aimé un soutien plus rapide et plus ferme du gouvernement Ayrault.

Abrogation de la loi Mercier
Symboliquement Christiane Taubira a donné le ton sur la justice des mineurs en annonçant l’abrogation des mesures de la loi Mercier du 10 août 2011. Elle s’est rendue dès le 20 mai à la permanence éducative du tribunal pour enfants de Paris où l’avocat de permanence pour les mineurs déferrés était Pierre Joxe ! Dans un livre récent, écrit à partir de son expérience d’avocat à l’antenne des mineurs du tribunal de Paris, il dénonçait de façon assez virulente l’abandon des réponses éducatives pour les mineurs auteurs de délits.

Les mineurs délinquants étaient dans le collimateur de Sarkozy qui n’a eu de cesse pendant son quinquennat de casser la justice spécifique des mineurs.
Création d’établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), création de centres éducatifs fermés (CEF), et suppression des centres d’insertion et des foyers éducatifs ont précédé la création de tribunaux correctionnels pour mineurs.
Ceux-ci, composés de trois juges dont un juge des enfants, peut juger des mineurs de plus de 16 ans en état de récidive et risquant une peine d’emprisonnement d’au moins trois ans. Ils peuvent juger aussi des majeurs. 

Approche éducative
L’objectif était de diminuer le poids du magistrat spécialisé, le juge des enfants, qui a une approche plus éducative qu’un magistrat non spécialisé. Le résultat escompté était que les mineurs soient condamnés comme des majeurs.

Le tribunal pour enfant est lui présidé par un juge des enfants, entouré de deux accesseurs choisis au sein de la société civile pour leur connaissance de l’enfance ou de l’adolescence.
La mise en place de ce nouveau tribunal correctionnel a varié selon les juridictions : soit le choix a été de mettre deux juges des enfants et un juge correctionnel pour contrecarrer l’esprit de cette loi, soit il n’y avait qu’un seul juge des enfants.
Le SNPES-PJJ/FSU, syndicat majoritaire, avait appelé à la grève le 6 avril contre cette loi et le tout-répressif appliqué à la justice des mineurs. L’Association des magistrats de la jeunesse, le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et Pierre Joxe s’étaient joints à la conférence de presse qui avait permis de médiatiser le rejet commun de ce nouveau tribunal correctionnel.
Par ailleurs, de nombreuses lois sécuritaires (lois Perben, Sarkozy) créant de nouveaux délits et durcissant les peines ont touché les mineurs, notamment en accélérant les procédures de comparution (création notamment du jugement à bref délai, qui juge entre quinze jours et un mois après le délit) ne laissant plus de place « au temps éducatif ». Supprimer ce temps éducatif qui permet de mieux appréhender la problématique des adolescents, c’est nier la possibilité à l’adolescent d’évoluer et c’est ne plus le considérer comme un être en devenir.
Déjà au tribunal pour enfants, les mineurs sont de plus en plus condamnés à des peines de prison assorties de sursis et de mesures de probation, parfois dès le premier délit, par des juges pour enfants, sous pression permanente du parquet. Dans cette logique de pression du parquet, on peut imaginer qu’à long terme, les tribunaux correctionnels pour mineurs se seraient rapprochés des chambres correctionnelles de comparution immédiate. Dans cette juridiction expéditive, pour un délit équivalent, les peines prononcées sont en moyenne supérieures d’un tiers à celles rendues dans un tribunal correctionnel classique. 

Mobilisation
Si les professionnels de l’enfance en danger se réjouissent des propos de la ministre de la Justice qui dit vouloir revenir à l’esprit éducatif de l’ordonnance de 1945, et attendent rapidement l’abrogation de la loi Mercier, ils sont opposés à la multiplication des centres fermés contenus dans le projet du Parti socialiste.

Les récents propos de Manuels Valls sur le rapprochement police/justice concernant la justice des mineurs montrent qu’il faudra se mobiliser pour que l’éducatif, mis en avant aujourd’hui par Christiane Taubira, l’emporte.
Anne Leclerc

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