vendredi 10 décembre 2010

ouest-france.fr - Haïti: Vive les motos chinoises ! - Politique

"En temps ordinaire, il n’est déjà pas facile de se déplacer dans Port au Prince. Le taxi y est d’un naturel furtif . Quant au « tap-tap », les voitures collectives où l’on s’entasse à vingt dans dix places, il faut être Haïtien pour en comprendre le mode d’emploi.

En ces journées troublées qui voient la rue laissée aux caprices des émeutiers, c’est devenu encore plus compliqué. Jeudi, les barrages qui avaient été dégagés au cours de la nuit ont réapparu dans l’après-midi. La situation est tendue. L’ambassade du Canada a fermé. Des affrontements entre partisans de Célestin et de Martelly ont fait des morts. On parle de deux tués au Champ de Mars. Les ONG ne fonctionnent plus. Les habitants de Port au Prince se terrent chez eux de nouveau. Commerces et écoles restent fermés.

Dans le quartier de Pétion Ville, tout près de mon hôtel, les véhicules blindés de la Minustah se font caillasser par de très jeunes manifestants. Heureusement, les soldats de l’Onu ne répliquent pas.

Aux carrefours, des blocs de pierre, des parpaings, des bennes à ordures, des arbres incendiés parfois, bloquent la circulation. Bref, il est devenu très compliqué de se rendre d’un endroit à un autre, ce qui est embêtant quand on prétend faire du reportage.

A cause des journalistes américains, les tarifs s'envolent

D’un naturel plutôt indépendant, le journaliste n’hésite pas à s’associer à des confrères quand les ciconstances le commandent. Cela vaut surtout pour les déplacements : on loue à plusieurs une voiture avec chauffeur. Ami internaute, ne va pas imaginer la limousine avec larbin en tenue d’amiral. En général, c’est un gars du coin qui rentabilise les traites de son 4x4 en le proposant au prix max.

Hier matin, puisque les évènements semblaient se calmer – mauvaise analyse, la fin de la journée a été chaude -, l’idée a été de se rendre à Canapé Vert, un des quartiers qui a le plus souffert du tremblement de terre. Quelle allure a, onze mois après, cette colline pentue où l’on n’aurait jamais dû construire ? Bonne question, bon sujet. Mais comment y aller. En voiture ? Impossible : les barrages !

Gawoulé, mon guide haïtien jamais à court d’idée, a dit : « Prenons des motos ! » Car à Port au Prince, c’est désormais en passagers sur des deux-roues que les correspondants de presse sillonnent la ville. Des motos chinoises, démodées, rustiques. En un mot, épatantes. On en a loué quatre avec les confrères de la télé avec qui je fais équipe en ce moment. Il a fallu négocier les prix : à cause des journalistes américains, les tarifs se sont envolés.

«Floup floup»

La mienne, hier, était une Gadjin noire, avec pare-choc chromé et compteurs carrés. Le « floup floup » de son moteur monocylindre quatre temps m’a plu tout de suite. Elle me rappelait une Honda 125 SL que j’ai beaucoup aimée.

Dans les descentes, Jurgens, mon pilote, coupe les gaz par économie. Aux carrefours, ce petit gars doux et souriant klaxonne comme un furieux. Curieusement, cela n’énerve personne. Evidemment, on ne porte pas de casque. Personne. Dans un pays en proie au choléra, aux affrontements armés, qui a connu le tremblement de terre, les cyclones et où l’on passe du Michèle Torr le soir à la télévision, le risque motocycliste est considéré avec raison comme totalement négligeable.

Marc MAHUZIER.

– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

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