vendredi 17 décembre 2010

Haïti : "la situation sécuritaire aggrave le choléra" - LeMonde.fr

"En plus de l'épidémie de choléra qui a fait plus de 2 400 morts, selon un dernier bilan, Haïti doit faire face à une situation sécuritaire de plus en plus instable. Après l'annonce des résultats du premier tour, le 28 novembre, de violentes manifestations ont éclaté. Le scrutin est contesté par les partisans du chanteur Michel Martelly, non qualifié pour le second tour, qui a proposé d'organiser une nouvelle consultation à un seul tour en janvier. Grégory Bulit est référent assainissement de l'ONG Solidarités International ; dépêché en Haïti ces deux dernières semaines, il estime que 'la situation sécuritaire aggrave le choléra parce que les ONG ne peuvent pas travailler'.

Comment a évolué l'épidémie de choléra en Haïti ces derniers jours ?

Il y a une dizaine de jours encore, le choléra avait plutôt tendance à stagner dans les sites défavorisés et les camps de réfugiés. On pouvait même espérer un recul de l'épidémie. Mais pendant quatre jours la semaine dernière, de mardi à vendredi, la plupart des ONG n'ont pas pu bouger. Cela correspondait à la période de violences dans la capitale et aux journées de barricades. Les ONG devaient rester confinées, y compris les camions privés qui délivrent l'eau potable.

A priori le choléra a une période d'incubation de un à cinq jours. Or, il y a eu un pic mercredi, accentué jeudi, c'est-à-dire qu'on est passé de cinq ou dix cas par jours à vingt ou quarante cas, selon les quartiers. Et cela correspond exactement au temps d'incubation du choléra et à la période où nous étions bloqués. La situation sécuritaire aggrave le choléra parce que les ONG ne peuvent pas travailler.

Qu'est-ce qui rendait impossible votre travail ?

D'abord, l'incertitude. On ne savait pas qui se battait : étaient-ce des gangs ? Des civils ? On ne le savait pas. En plus, certaines ONG ont tenté de sortir et ont été assaillies par des rafales de cailloux. Ça n'était pas forcément ciblé, mais ces attaques s'en prenaient à tout ce qui pouvait être étranger, institutionnel. Or, au quotidien, il faut que l'eau soit traitée, il faut sensibiliser les sites et les quartiers en collaboration ave les ONG médicales, alimenter les centres de traitement du choléra en eau et en latrines, installer des systèmes de réserves et de vidanges.

Actuellement, il y a un amalgame entre la Minutsah [les casques bleus envoyés en Haïti et accusés d'y avoir introduit le choléra, NLDR] et les ONG. La population pense que les Blancs ont apporté le choléra. Il y a comme un malaise vis-à-vis de l'étranger. On éprouve donc des difficultés à sensibiliser la population est à faire accepter le fait qu'un centre de traitement du choléra ne va pas importer la maladie mais aider à la prévenir.

Un second tour de l'élection présidentielle doit avoir lieu le 16 janvier : quelle tâche incombe au président élu concernant la lutte contre le choléra ?

Il y a deux scénarios. Si les troubles se poursuivent, le président élu doit plaider auprès de la population afin de permettre aux ONG de travailler.

Si tout se passe bien et s'il y a rétablissement de la paix sociale, il faut donner des moyens au ministère de la santé publique, c'est-à-dire multiplier les agents de promotion sanitaire ou les personnes détachées qui sillonnent les zones rurales. Il y a des plans qui existent, mais ils ne sont pas mis en place.

Selon l'Organisation panaméricaine de la santé (OPS), branche de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il pourrait y avoir jusqu'à 400 000 cas de choléra au cours des douze prochains mois : peut-on endiguer cette propagation ?

Le choléra peut être endigué si on laisse les personnes faire leur travail. On observait d'ailleurs une stagnation à Port-au-Prince, malgré la promiscuité, car il y a beaucoup d'ONG. Une fois que le malade est pris en charge et qu'une prévention est mise en place, il y a une forte chance d'enrayer la progression de la maladie. Mais il faudra continuer ce travail de prévention au moins sur toute l'année 2011, car on ne connaît pas la capacité de cette souche nouvelle d'origine asiatique à s'installer.

Cela dit, ce n'est pas le nombre de cas qu'il faut regarder mais la transmission de la maladie. Quand une personne sort d'un centre, il faut l'accompagner dans le quartier d'origine et concentrer les efforts sur cette zone.

En ce qui concerne les autres régions d'Haïti, les ONG n'y ont pas forcément accès, contrairement au choléra. Un habitant peut rendre visite à sa famille et apporter le choléra dans son village. Les ONG, elles, ne peuvent pas couvrir tout le territoire et les zones montagneuses. Et cela demande l'appui des acteurs étatiques.

Propos recueillis par Flora Genoux

– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

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