dimanche 7 mars 2010

Entretien avec Elie Domota,


Porte parole du LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon)
Secrétaire général de l’UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe)

Nous sommes le 18 février 2010, il y a un an jour pour jour le syndicaliste Jacques Bino était assassiné après les 28 premiers jours de grève générale en Guadeloupe. Où en est-on dans la recherche de la vérité sur cet assassinat ?

Elie Domota : Aujourd’hui encore les choses sont très floues. La GGTG qui est le syndicat d’origine de Jacques Bino a tenté de déposer un recours devant le tribunal pour avoir accès au dossier. Ce recours a été rejeté. Un jeune homme a été arrêté, il était présumé être celui qui aurait assassiné Jacques Bino. Mais aujourd’hui il y a beaucoup de zones d’ombres car d’après un autre journaliste qui a fait des investigations, il y a d’autres douilles qui ont été retrouvées aux abords d’une rue où une personne a été blessée par balles à la jambe et visiblement ces indices là n’ont pas été retenus par la police. Donc, on n’a pas d’informations précises sur ce qui s’est passé ce fameux 18 février 2009. Hier il y a eu une messe en hommage à Jacques Bino et aujourd’hui il y a un dépôt de gerbe et ensuite un meeting du LKP à Petit Canal qui est la commune de son enfance. Ce meeting sera également en hommage à tous les travailleurs qui sont tombés lors des précédents mouvements de grève…..

Il est notable que c’est bien souvent les mois de Février que des travailleurs sont tombés en Guadeloupe sous les coups de la répression…..

ED : En effet le mois de février en Guadeloupe est un mois de lutte singulièrement à travers la récolte sucrière car c’est traditionnellement le mois ou débute la coupe de la canne et c’est donc à ce moment que les travailleurs revendiquaient l’amélioration de leurs conditions de travail. C’est pour ça que ce mois-ci dans nos meetings on fait des rappels historiques sur des dates importantes où le sang des travailleurs a été versé. Cela fut le cas en janvier-février 1910 à Capesterre et Saint François où les forces de répression ont tiré sur les travailleurs, en 1925 à Petit-canal, en 1952 au Moule où il y a eu 4 morts où la gendarmerie a tiré sur les ouvriers agricoles, on voit bien pourquoi le mois de février en Guadeloupe est un mois de lutte comme l’est aussi d’ailleurs le mois de mai pour les raisons liées à l’esclavage et à la grève de Mai 67. Pour en revenir à l’assassinat de Jacques Bino, chose curieuse entre guillemets, mais au jour d’aujourd’hui nous n’avons aucune réponse sur qui a tiré, qui a ordonné de tirer, en fin de compte ce sont des crimes sans coupables comme pour la tuerie de mai 1967.

Justement, comment avance l’exigence de la vérité sur cette tuerie de 1967 ?

ED : Depuis 2005 nous avons déposé des requêtes auprès de l’Etat Français, des Préfets et Sous préfets, nous avons écrit aux différents ministères concernés, celui des Dom, des Affaires étrangères mais nous n’avons reçu aucune réponse. Alors que nous avons mené des enquêtes, rencontré de très nombreux parents de victimes. Nous n’avons par contre eu aucune réponse de l’Etat et de ses représentants sur ce qui s’est réellement passé, sur qui a tiré et qui sont les responsables d’avoir ordonné cette tuerie. Le seul politique qui ait osé dire quelque chose à ce propos s’appelle Georges Lemoine, il a été Secrétaire d’ Etat à l’Outre-mer et il avait déclaré en 1983 qu’il y avait eu 87 guadeloupéens tués lors de ces évènements de mai 67, mais jusqu’à aujourd’hui c’est le seul à l’avoir dit.

Dix jours après l’assassinat de Jacques Bino, le 26 février 2009 a été signé entre toutes les organisations syndicales de salariés et la plupart des organisations patronales l’accord qui portent le nom de Jacques Bino, un accord régional interprofessionnel sur les salaires en Guadeloupe. Le 4 mars était signé par toutes les organisations composant le LKP ainsi que par le Préfet et les représentants de toutes les collectivités le protocole d’accord général comportant 165 points, protocole qui ponctuait 44 jours de grève générale en Guadeloupe. Quel bilan tires-tu un an après de l’application de ces accords ?

ED : L’Etat a participé à la négociation de l’accord Bino même s’il n’est pas signataire de cet accord. Les négociations étaient présidées par le Préfet et Monsieur Fillon avait mandaté deux directeurs du travail pour organiser ces négociations et c’est l’Etat qui a fait un certain nombre de propositions pour aider les employeurs à payer 100 euros dans le cadre des augmentations de salaire que nous demandions. Ce qu’on a vu après c’est que l’Etat a cherché à se débiner par tous les moyens et à casser cet accord.

Quelle forme a pris ce non respect des engagements en particulier pour les 200 euros d’augmentation de salaire ?

ED : Dans l’accord, la base de référence pour prendre en compte qui va bénéficier des 200 euros, c’était le salaire de base horaire, sans primes, sans accessoires. L’Etat a modifié de façon unilatérale ce cadre de référence et a pris comme base le salaire brut en y incorporant les primes et les accessoires. Ce qui fait que tu as des travailleurs qui touchent dans l’entreprise l’aide de l’employeur parce qu’ils sont en dessous de 1,4 SMIC avec le barème de l’Etat qui prend en compte les primes et les accessoires, ils sont au-dessus de 1,4 SMIC et donc ne touchent pas la contribution de l’Etat.

Il est aussi question je crois d’une remise en cause par le gouvernement d’un article de l’accord Bino….

ED : En effet, c’est la deuxième entourloupe de l’Etat, celle dont Mr Hortefeux s’est rendu coupable. Il était alors Ministre du travail et dans un arrêté du 3 avril 2009 il a amputé l’accord de son article 5 dans le cadre de son extension. Cet article prévoyait qu’au-delà des aides de l’Etat, de celles des collectivités régionales et départementales, l’employeur prenait en charge la totalité des 200 euros, l’aide des collectivités cessant au bout de 12 mois et celle de l’Etat au bout de 3 ans. En supprimant cette clause de convertibilité dans l’article 5, dorénavant les employeurs n’ont aucune obligation de prendre en charge les 200 euros. Nous qui avions flairé le coup, nous avons signé des accords de branche et d’entreprise et nous avons signé avec 5 confédérations patronales (accord du 26 Février) le maintien des 200 euros et la prise en charge des 200 euros au-delà des prises en charge de l’Etat et des collectivités.

Et ces accords de branche et d’entreprise touchent combien de travailleurs ?

ED : Cela concerne environ 50 000 travailleurs. Mais cela veut dire que la décision de l’Etat aujourd’hui met sur le carreau environ 30 000 personnes qui sont dans le privé. Cette décision de Monsieur Hortefeux pose deux problèmes : celui premièrement de la discrimination salariale entre travailleurs. Tu as ceux qui gardent les 200 euros et il y en d’autres qui les perdent et ça c’est très grave. Deuxièmement c’est une discrimination au niveau des employeurs : ceux qui ont accepté la négociation se retrouvent lésés car ils prennent en charge les 200 euros au-delà des aides des collectivités et de l’Etat, alors que ceux qui refusent la négociation s’en sortent bien.

Qui précisément refuse la négociation ?

ED : Toujours les mêmes, ceux du Medef. C’est à la demande du Medef que l’Etat a pris cette décision concernant l’article 5. Mais je le rappelle, le Medef est une organisation patronale en Guadeloupe qui est minoritaire, par contre elle est puissante car elle regroupe la majorité des importateurs-distributeurs qui sont la majorité des grandes fortunes de notre île. Voilà la vérité. Et donc aujourd’hui cette position de l’Etat ne peut qu’entrainer la permanence des conflits sociaux dans les entreprises car tu t’imagines bien que perdre 200 euros par mois sur 12 mois cela fait une belle somme alors que par ailleurs dans d’autres entreprises, les travailleurs vont garder cette augmentation de salaire. Il s’agit là d’une volonté manifeste de l’Etat de remettre en cause ce que nous avons obtenu c'est-à-dire quasiment un SMIC à 1500 euros. Il s’agit aussi de tenter d’éviter la contagion de faire en sorte que les travailleurs français ne rentrent pas aussi dans la danse.

Sur d’autres grandes revendications parmi les 146 de la plateforme, quel est le bilan de ce qui a été effectivement obtenu et appliqué ou non ?

ED : Sur 3 ou 4 questions essentielles, nous avons obtenu des avancées comme la baisse des prix de l’eau, des loyers, des carburants, des produits de première nécessité, etc… Mais en fin de compte la machine qui génère la pwofitasyon est encore là et bien active. Je prends l’exemple des prix des produits : l’autorité de la concurrence à la demande de Monsieur Jego a fait sortir un rapport le 8 septembre dernier qui dit que c’est ni l’octroi de mer ni le prix des transports et des carburants qui expliquent des écarts de prix aussi importants. Ca veut dire que les importateurs distributeurs s’en mettent plein les poches. Il est dit dans le rapport qu’il y a des situations de monopole qui sont illégales, qu’il y a des ententes commerciales qui sont illicites, que les marges arrières ne sont pas reversées, qu’il y a des clauses d’exclusivité qui sont illégales.

Au regard de ces constats établis dans ce rapport officiel, quelles ont été les décisions prises par les autorités ?

ED : On était en droit d’attendre des décisions fermes notamment au regard de la législation française et de la législation européenne. Et bien non ! La trouvaille de Monsieur Sarkozy est de dire qu’il va mettre en place un GIR, un groupe d’intervention régionale composé de la Répression des fraudes, de l’Inspection du travail, des Douanes pour surveiller un peu ce qui se passe. C’est ce que Monsieur Sarkozy a annoncé le 6 novembre dernier. On voit bien que ce fameux GIR est une version tropicale de la mise en œuvre de la RGPP, la révision générale des politiques publiques et deuxièmement, c’est un leurre, une vaste fumisterie pour ne pas poser les vrais problèmes. Le problème c’est quoi ? C’est la liberté des prix et la liberté de la concurrence et de la circulation des marchandises dans l’espace économique européen. Ca veut dire aujourd’hui que n’importe quel importateur-distributeur peut faire entrer n’importe quel produit qu’il veut, au prix qu’il veut, dès lors que ce produit n’est pas illégal et ne met pas en cause la santé des personnes, voilà la vérité. Aujourd’hui le dossier de la pwofitasyon sur les prix est plus que jamais d’actualité. Il y a des prix qui ont baissé, d’autres ont augmenté parce qu’ils ont repris d’une main ce qu’ils avaient lâché de l’autre, mais l’Etat qui s’était engagé à contrôler et à sanctionner ne remplit pas son rôle et pour cause. On aurait pu attendre du secrétariat d’Etat au commerce qu’il s’attarde sur ce dossier et qu’il porte plainte devant les tribunaux contre les ententes illicites, et bien rien n’a été fait.

Et sur le prix des carburants précisément, où en est-on ?

ED : Sur ce point nous avons obtenu une baisse au total de 49 centimes sur le prix des carburants. Aujourd’hui Madame Panchard qui est secrétaire d’Etat à L’Outre mer a augmenté avec le Préfet le prix des carburants de 10 centimes en deux fois, le 16 septembre 2009 et le 1er janvier 2010, pendant les fêtes, en prenant deux arrêtés préfectoraux totalement illégaux. Le prix des carburants en Guadeloupe, Martinique et Guyane est réglementé par un décret de décembre 2003 qui fixe le cadre des prix. L’arrêté préfectoral du 16 septembre et celui du 1er janvier modifient la structure des prix et en droit français jusqu’à preuve du contraire, la hiérarchie des normes oblige, on ne peut pas modifier un décret avec un arrêté préfectoral.

Quelle a été la réaction du LKP face à cela ?

ED : Nous avons donc déposé un référé en annulation devant le tribunal administratif de Basse Terre concernant l’arrêté du 16 septembre. Cela fait 3 mois. Nous n’avons depuis aucune date d’audience de la part du tribunal alors qu’un référé est fait pour un jugement en urgence. Ils sont bien embêtés car le tribunal va devoir dire le droit alors ils sont entrain de chercher des entourloupes pour nous couillonner mais de toutes les façons les choses sont claires, en droit français, on ne peut pas modifier un décret avec un arrêté préfectoral. Nous allons déposer un deuxième référé pour l’arrêté du 1er Janvier et on a déjà interpelé le Président du tribunal administratif pour lui dire qu’un référé est censé obtenir un jugement en urgence.

Ou en est le dossier sur la jeunesse, les revendications de la plateforme concernant l’emploi, la formation ?

ED : Sur cette question on a entendu pendant le carnaval qui vient d’avoir lieu qu’il y avait eu 2 agressions à Basse Terre dont une s’est terminée tragiquement, un jeune a été tué de plusieurs balles. Aujourd’hui la Guadeloupe est vice championne d’Europe concernant le chômage des jeunes. Première la Réunion, 60% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, deuxième la Guadeloupe avec 59%, troisième la Martinique avec 58%, quatrième la Guyane, voilà le palmarès. Nous avons pratiquement 6 jeunes sur 10 de moins de 25 ans diplômés ou pas qui sont au chômage. Tout n’explique pas tout, mais on ne peut pas parler de paix sociale, d’évolution, de développement économique et social quand la jeunesse est à la rue. Et un jour ou l’autre quand on est à la rue, diplôme ou pas, on tombe dans la déviance sociale. Les autorités ont signés le 4 mars 2009 avec le LKP un plan d’urgence pour la formation des jeunes qui définit avec l’intervention du Conseil général, du Conseil régional, de l’Etat, de Pôle emploi, etc….avec tous les partenaires censés mettre la main à la pate pour, avec les entreprises, mettre un véritable plan de formation et d’insertion professionnelle pour la jeunesse et singulièrement en insistant sur ce que nous avions pointé du doigt, la discrimination raciale à l’embauche à l’encontre des Guadeloupéens en Guadeloupe.

Quelles sont les premières retombées de ce plan d’urgence pour la jeunesse ?

ED : Au jour d’aujourd’hui, 11 mois plus tard, le résultat est néant. Nous avons entendu le Préfet lors d’une Conférence de Presse il y a quelques jours dire qu’en fin de compte il programmait de trouver du travail pour la jeunesse et ayant fait le tour de la Guadeloupe il avait noté qu’il fallait couper les herbes dans les communes. Couper les herbes, c’est un métier comme un autre, mais on ne va pas proposer à tous les jeunes de Guadeloupe de couper des arbres et de l’herbe. Nous sommes la seule région de France et de Navarre où il n’y a pas d’AFPA parce qu’elle a été fermée, liquidée en octobre 2007 et son personnel licencié. Aujourd’hui c’est la croix et la bannière pour qu’un jeune puisse accéder à une formation professionnelle alors que nous avons 80% des personnes inscrites à Pôle emploi qui ont à peine un niveau CAP-BEP. Nous avons 1200 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans formation, sans qualification. Nous avons un jeune sur trois d’une même classe d’âge qui arrive au BAC. Ca veut dire qu’en matière de système éducatif, de formation initiale, de formation professionnelle il y a un très gros travail à faire et aujourd’hui rien n’est fait. Pire encore, puisqu’il y a ces jours ci des élections régionales, tout le monde aime la jeunesse, tout le monde aime la Guadeloupe, mais les vrais problèmes ne sont pas posés. C’est pour ça que nous avons rencontré Madame Penchard secrétaire d’Etat à deux reprises. Nous n’avons pas eu devant nous un ministre mais une candidate aux élections qui est venue polémiquer, faire de la publicité, voir ses amis pour le financement de sa campagne électorale, mais elle a été dans l’incapacité de répondre à aucune des exigences du protocole, aucune réponse sur les questions fondamentales posées, sur la pwofitasyon, sur l’accord Bino, sur la situation de la jeunesse, sur les discriminations à l’embauche.

Revenons si tu le veux bien sur la création du LKP, ce front de 48 organisations, syndicales, politiques, associations et mouvements culturels. Comment cela a-t-il été possible d’arriver à cette unité avec une plate forme commune de 146 revendications, de pouvoir maintenir cette unité un an plus tard ? Pour la constitution de ce front, quels ont été le rôle et l’apport de l’UGTG syndicat majoritaire, indépendantiste, de lutte de classe dont tu es le secrétaire général ?

ED : Nous nous sommes mis d’accord entre nous pour qualifier le LKP comme « un mouvement de masse, politique, anti capitaliste et anti colonialiste ». Ce n’est pas une création spontanée, c’est une accumulation d’expériences, de luttes, de victoires et d’échecs, de toute l’histoire du mouvement ouvrier guadeloupéen, des échanges avec des camarades de différents pays, et les apports des luttes des travailleurs d’autres pays que le nôtre. Cela fait des années que l’on travaille avec certaines organisations sur les différents sujets. Cela fait plus de 15 ans que l’on fait en Guadeloupe les 1er Mai ensemble même si les lendemains on ne retrouve pas toujours. Cela fait plusieurs années qu’on a constitué un comité sur la question de la répression et la défense de Michel Madassamy, mais aussi concernant les tueries de mai 67. Il y a des années où l’on se retrouve avec d’autres organisations pour prendre des initiatives ensembles. Cela fait partie de la ligne d’action de l’UGTG, de ses statuts, des résolutions de ces congrès, toujours se battre pour l’unité, la solidarité de la classe ouvrière…

Justement, parlons si tu le veux bien de la place de du rôle de L’UGTG dans la constitution du LKP….

ED : L’UGTG a été à l’initiative d’une rencontre le 5 décembre 2008 et ça c’est passé de la façon suivante. Avec l’UTPP-UGTG qui est notre syndicat qui regroupe les travailleurs des produits pétroliers, nous étions entrain de travailler sur le prix des carburants, sur l’accès des produits au marché et également sur l’installation des pompes automatiques qui allaient mettre en cause l’emploi d’à peu prés 1 000 travailleurs. On s’est rendu compte à partir de là qu’il y avait de nombreux problèmes autour des prix, qu’il y avait beaucoup d’opacité sur cette question. J’ai proposé aux camarades de l’UGTG de rencontrer les autres organisations, que ce soit les organisations syndicales, politiques proches des travailleurs, les associations de consommateurs, et on a proposé de se rencontrer le 5 décembre, c’est d’ailleurs le camarade de la CGTG qui a choisi la date. J’ai pris mon téléphone et j’ai appelé tout le monde en leur disant : « voilà la situation sur la question des prix, c’est un dossier que nous UGTG ne pourrons pas porter tout seul et cela concerne tous les travailleurs, discutons-en ensemble. » C’est tout naturellement que tout le monde a répondu présent, tout le monde était là, certains en ont amené d’autres, ce qui fait que quelques jours plus tard, le 16 décembre, nous étions 8 000 à défiler dans les rues de Pointe à Pitre.

C’est ce jour là, le 16 décembre 2008 que vous adressez ensemble vos revendications aux autorités ?

ED : Ce jour là le Sous Préfet a refusé de nous recevoir et après plusieurs tours de la ville, il a fini par accepter de nous rencontrer. Il nous a dit qu’il nous recevait par civilité mais qu’il n’avait rien à nous dire et on lui a demandé de transmettre notre demande d’audience au Préfet. Le lendemain, le Préfet refusait de nous recevoir au prétexte qu’il n’avait pas le temps car il faisait le noël des enfants des employés de la Préfecture. A 18h 30 le mercredi 17 décembre devant les grilles de la préfecture, nous avons pris la décision solennelle d’’appeler à un mouvement de grève générale à partir du 20 janvier 2009. Du 17 décembre au 20 janvier nous avons fait le tour de la Guadeloupe, nous avons élaboré notre cahier de revendications qui fait 28 pages, nous avons fait des réunions et des meetings partout sur l’île, nous n’avons pris que 2 jours de repos, le 25 décembre et le 1er janvier.

Comment pratiquement s’est constitué ce cahier de 146 revendications ?

ED : Il s’est battit avec toutes les organisations et à partir des discussions que nous avons eues avec des milliers de travailleurs dans les réunions et meetings. Nous nous sommes aperçus qu’en additionnant nos visions et approches différentes de la Guadeloupe, nous avions une photographie très précise de notre pays à tous les niveaux. En fin de compte avec nos différences, notre diversité, on a fait l’unité. La CGTG est venue avec son expertise dans tel et tel domaine, l’UGTG idem, l’UPLG, le Parti Communiste, les associations de consommateurs, les mouvements culturels, tous sont venus avec leurs expertises et lorsqu’on les a combinées, on s’est rendu compte qu’on avait une cartographie quasi parfaite des exigences des travailleurs et de la population de Guadeloupe.

L’appel à la grève générale pour le 20 janvier est lancé, c’est donc à ce moment que se constitue formellement le LKP, avec ses structures, son mode de fonctionnement, son porte parole ?

ED : Le LKP se constitue effectivement avant le déclenchement de la grève générale. La décision de me désigner comme porte parole a été prise tout simplement. En tant que secrétaire général de l’UGTG j’avais été à l’initiative de la rencontre du 5 décembre, j’avais présidé par la suite les premières réunions, c’est donc naturellement que tous les camarades des différentes organisations se sont trouvés d’accord pour que je sois le porte parole.

L’aspect de ce front appuyé sur une plate forme de 146 revendications précises, fonctionnant unitairement, démocratiquement, rendant compte en direct des négociations, tout cela a beaucoup surpris les militants ouvriers en dehors de la Guadeloupe qui il faut bien le dire sont confrontés bien souvent à des pratiques syndicales totalement opposées. C’est donc possible se sont-ils dit….

ED : On s’est mis d’accord : il y a du travail qui a été fait dans toutes les organisations Il y a des expertises dans certains domaines ou une organisation est beaucoup plus compétente qu’une autre, parce que les uns se sont intéressées à des questions depuis longtemps et d’autres non. Et bien, nous avons décidé sur les différents sujets qu’il y avait 3 ou 4 personnes qui prenaient la parole sur ça et ça, les dossiers étaient préparés par les militants reconnus les plus compétents dans tel ou tel domaine. La méthode est qu’on se met d’accord entre nous et qu’on prend le temps pour cela. Un exemple : si on prend les problèmes liés à la défense de l’environnement et ses défenseurs et les conséquences de l’utilisation du pesticide chlordécone, comment concilier les agriculteurs, les marins pêcheurs et les défenseurs de l’environnement par rapport à la problématique des sols et des poissons qui sont contaminés. Nous discutons, nous nous mettons d’accord et à travers le débat, une position émerge, et cette position là devient celle du LKP portée par tout le monde. Nous ne faisons pas de vote. Tu viens avec tes arguments, je viens avec les miens, nous prenons le temps qu’il faut pour débattre argument contre argument et la position qui ressort c’est la position du LKP et ça fonctionne.

A la veille des élections régionales, on voit écrit ici ou là que la grève générale de 44 jours était exclusivement un mouvement social sur les revendications, qu’il n’y avait pas d’autres aspirations plus politiques exprimées par l’immense majorité des travailleurs et du peuple mobilisé. Quel est ton point de vue sur ces questions ?

ED : J’ai dit tout à l’heure que nous avions qualifié le LKP comme « un mouvement de masse, politique, anti capitaliste et anti colonialiste ». Les réponses aux revendications ne peuvent être que des réponses politiques. Un exemple : les prix. La réponse de l’Etat est de dire liberté du commerce, libre concurrence, liberté de circulation des personnes et des biens. On ne peut pas accepter ça ! On ne peut pas accepter que sur un petit pays de 1600 km2 on vienne nous dire « liberté des prix » alors que le commerce est organisé par 4 à 5 grandes familles. On ne peut pas accepter non plus comme Monsieur Sarkozy nous le propose pour faire baisser les prix, d’accroitre la concurrence, de faire entrer d’autres enseignes commerciales pour soi-disant faire baisser les prix. Nous avons 50 000 hectares de terres agricoles, nous voulons conserver ces terres pour développer notre production agricole, développer l’agro transformation. C’est cela que nous voulons. Et eux ce qu’ils veulent c’est faire entrer des supermarchés supplémentaires et faire un port en eau profonde pour faire entrer par an en Guadeloupe un million de containers remplis de produits. Ce sont des décisions politiques qui donnent l’orientation politique et sociale. Nous sommes bien sur un terrain politique.

La grève générale a dressé tout un peuple contre les profiteurs et l’Etat. 100 000 manifestants à Pointe à Pitre c’est l’équivalent de 15 millions à Paris ! Ce mouvement a fait quelque peu vaciller le gouvernement français et les institutions, alors c’était un début de processus révolutionnaire ou une révolution comme j’ai pu le lire ?

ED : Je crois qu’on ne peut pas parler de révolution mais plus exactement comme tu le suggère d’un processus révolutionnaire. Que ce soit ceux qui sont opposés au LKP ou les pros LKP, tout le monde est d’accord pour dire que les mécanismes de domination capitaliste et colonialiste qui existent dans ce pays sont inadmissibles et qu’on ne peut pas continuer comme ça. Je dirai même que le LKP est une soupape de sécurité pour l’Etat Français car le LKP fédère beaucoup de mécontentement et les accompagne. On imagine comment pourrait être la Guadeloupe dans quelques temps sans LKP et sans organisations syndicales. 50 000 chômeurs, 6 jeunes sur 10 sans emploi, s’il n’y rien de réalisé dans les mois et années qui viennent, il ne faudra pas qu’on se mette à pleurer.

Le LKP vient d’adopter une position très nette à propos des élections régionales. Le LKP s’est prononcé concernant les listes et ceux qui sont présents sur ces listes tout en étant des militants et responsables du LKP…

ED : Les élections politiques sont facteurs de division au sein du peuple. Il y a des alliances que les gens ne comprennent pas, les gens sont capables de se déchirer entre eux pour tel ou tel homme politique alors qu’au final les revendications essentielles notamment celles portées dans les différents protocoles ne sont pas respectées. Il s’agit donc pour nous de continuer à battre le pavé, faire passer l’information et dire aux gens : « oui la lutte est difficile mais sans lutte il n’y aura pas de progrès, il est donc impératif de rester mobilisé et de surtout bien se mettre dans la tête que quand tu plantes une graine, avant de la planter, tu as débroussaillé, tu as nettoyé, préparé le sol, ensuite tu plantes et tu continues à enlever les mauvaises herbes, la graine va donner un arbre qu’il faut protéger et qui va un jour donner des fleurs, donner des fruits et qu’on est pas obligé de voir grandir l’arbre, de le voir en fleur, de manger ses fruits. Mais l’objectif c’est qu’un jour ou l’autre, nos enfants, nos petits enfants, puissent manger les fruits de cet arbre. » Il est important pour nous de bien se mettre en tête que ce ne sont pas 44 jours de grève qui vont régler tous nos problèmes et que nous sommes véritablement dans un processus qui doit nous mener vers une société plus juste et plus équitable, que le combat est difficile, qu’il ne faut surtout pas baisser les bras car la machine de la pwofitasyon est là et que tous les jours ils mettent de la graisse pour en faire fonctionner les rouages.

Pour en revenir à la position officielle du LKP à propos des élections régionales….

ED : Le LKP n’a pas de liste, le LKP ne va pas aux élections, le LKP ne soutient aucune liste ni aucun candidat même si ce sont des militants du LKP, le LKP n’autorise aucune liste ni aucun candidat à parler en son nom. Voilà notre position. On l’a vu il y a différentes organisations politiques qui sont membres du LKP qui depuis toujours vont aux élections et elles sont dans cette logique de parti et en même temps elles nous disent : « nous demeurons membre du LKP et nous sommes convaincus que c’est la mobilisation de masse qui va faire avancer la cause des travailleurs et du peuple. » La position que nous avons prise sur les élections régionales et que j’ai résumé tout à l’heure est la position de tout le monde dans le LKP.

Peux-tu faire le point maintenant concernant les procès, jugements et les différentes formes de répression organisées contre les militants, et tout d’abord où en est l’action en justice contre toi ?

ED : Sur cette dernière question, concernant l’application de l’accord Bino, nous avions eu énormément de difficultés dans les commerces, notamment ceux détenus par les importateurs-distributeurs et les békés qui refusaient d’appliquer cet accord. Nous avions alors décidé de faire grève et de nous mobiliser dans l’ensemble des entreprises détenues par les békés et les importateurs-distributeurs en étant sur place en grève et où nous demandions aux Guadeloupéens de ne pas acheter dans les magasins de ces gens là tant qu’ils n’appliquaient pas l’accord Bino. C’est à cette occasion que le 6 mars 2009 dans une interview sur RFO j’ai dit et je le redis aujourd’hui, « on ne laissera pas une bande de békés rétablirent l’esclavage en Guadeloupe. » A l’issue de cela et sans doute à la demande toujours des mêmes, le procureur qui entend ce qu’il veut entendre, a décidé d’ouvrir une information judiciaire contre moi « pour incitation à la haine raciale et extorsion de signatures. » Mais à ce jour, près d’un an plus tard, je n’ai aucune information sur les éventuelles suites de cette affaire.

Et concernant les autres militants, où en est-on des actions en justice et des condamnations ?

ED : Le 15 mai 2009 il y a eu le procès des jeunes de Gourbeyre pour entrave à la libre circulation. Le 19 mai Maîtres Sarah Aristide et Patrice Tacita ont été mis en examen pour diffamation et violation du secret de l’instruction pour avoir dénoncé et porté plainte contre un magistrat qui avait organisé des écoutes téléphoniques illégales à leur encontre. Le 20 mai nouvelle convocation devant la chambre de l’instruction de Michel Madassamy et de Gabriel Bourguinon, dirigeants de l’UGTG, cette affaire dure depuis 7 ans. A noter que Maîtres S. Aristide et P. Tacita sont leurs avocats. Le 26 mai a eu lieu le procès de Raymond Gauthierot, ancien Secrétaire général de l’UGTG qui a été condamné en première instance à trois mois de prison ferme. Cette peine a été confirmée en appel le 12 janvier 2010. Le 29 mai s’est déroulé le procès de Jocelyn Leborgne, membre du Conseil Syndical de l’UGTG et le 4 juin a eu lieu le procès du camarade Max Deloumeau, pour sa participation aux mobilisations du LKP. Le 9 juin c’était le procès du camarade Christophe Theophile, membre du Conseil syndical de l’UGTG et de plusieurs autres militants pour leur participation aux mobilisations du LKP. Le 12 Février 2010 a eu lieu le procès de Denis Dorvilius pour refus de se soumettre au prélèvement ADN. Condamnés à une peine d’amende pour entrave à la circulation, plusieurs camarades sont également poursuivis aujourd’hui pour avoir refusé de se soumettre aux prélèvements ADN.

Ce sont quasi exclusivement des militants UGTG qui sont inquiétés par la justice…

ED : Non, nous ne sommes pas les seuls à avoir ces procès sur le dos, d’autres organisations, l’UNSA, la FSU, ont aussi certains de leurs militants aux prises avec leur hiérarchie administrative avec des avertissements, des menaces de licenciements, etc. La situation est la suivante : non respect des engagements pris dans les accords et comme nous continuons à revendiquer, il faut nous faire taire. Il s’agit de persécuter les travailleurs de faire pression sur eux, de réprimer, de convoquer les militants devant les tribunaux et tenter de nous faire peur.

Face à cette situation de répression, l’UGTG en appelle à la solidarité du mouvement ouvrier international….

ED : Tout à fait. Nous avions déjà appelé à la solidarité internationale il y quelques mois, car il est bon de le préciser, c’est l’information, l’unité et cette solidarité internationale qui se sont manifestées il y a un an qui ont fait que les forces de répression n’ont pas tiré sur nous comme elles l’avaient fait en mai 67. Depuis septembre, ce sont 600 à 800 gendarmes qui sont dans les hôtels de Guadeloupe et qui sont entrain de surveiller les magasins des importateurs-distributeurs, qui sont sur les ronds points même si ces jours-ci ils se font un peu plus discrets à cause du carnaval. La solidarité du mouvement ouvrier français, la solidarité du mouvement ouvrier international et la présence de la presse internationale ont fait qu’ils n’ont pas osé tirer l’an dernier. Mais tout le monde sait maintenant aux quatre coins du monde, qu’au-delà des beaux discours sur la déclaration des droits de l’homme et les libertés fondamentales, etc… dans les dernières colonies, l’Etat Français a des pratiques d’un autre temps. Il est important aujourd’hui qu’avec les échanges, avec les communiqués de soutien, que les travailleurs restent mobilisés pour nous protéger et se protéger. On voit bien ce qui se passe en France où il n’y a pas une journée où une grève n’éclate quelque part. Cela montre que les travailleurs sont en confiance, qu’ils ne se laissent pas faire et qu’ils continuent à se battre et ils ont raison. On ne peut pas dire d’un côté qu’il y a une crise financière mondiale et constater qu’il n’y a jamais eu autant de dividendes reversés, autant de bonus distribués alors que des millions de gens crèvent de faim et perdent leur emploi par centaines de milliers. C’est inadmissible, c’est une société qui est faite par les capitalistes, pour les capitalistes et cette situation, on ne peut pas l’accepter. Pour notre part nous continuons à nous battre et c’est le sens de l’appel que lance l’UGTG au mouvement ouvrier français et international pour leur dire que face au non respect des engagements le peuple guadeloupéen continue à se battre mais comme toujours, la réponse de l’Etat français, c’est la répression.

Le régime de retraite par répartition, l’âge de départ, le niveau des cotisations sont dans le collimateur de Sarkozy et du gouvernement qui appelle les organisations syndicales a un consensus sur cette question. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

ED : Il s’agit d’une vaste mascarade. Nicolas Sarkozy cherche une caution en rendant les organisations syndicales co-décisionnaires, co-responsables de mesures politiques dictées directement par l’OMC et l’Union européenne au nom du grand capital international. Aujourd’hui il s’agit de casser le régime à la française, de casser le régime par répartition, de casser la solidarité entre les générations et de mettre sur pied le régime par capitalisation. S’assoir à côté de Nicolas Sarkozy pour discuter de l’allongement de l’âge de la retraite, je crois que par civilité on peut éventuellement aller faire une déclaration pour donner la position de l’organisation syndicale, mais pour nous il est hors de question de discuter d’un tel sujet. Quand on est capable de donner 360 milliards d’euros aux banques en 10 minutes, on doit pouvoir trouver 10 milliards pour compenser entre guillemets le pseudo déficit du régime des retraites de la sécurité sociale. Tout ça c’est une vaste blague pour une fois de plus tenter de couillonner les travailleurs en leur faisant croire que ce sont des mesures faites pour sauver leur retraite.

Haïti a connu il y a un mois à nouveau un terrible désastre faisant 230 000 morts, des centaines de milliers de sans abris, ravageant totalement Port au Prince. Sarkozy présent hier 17 février en Haïti a annoncé l’annulation de la dette de ce pays vis-à-vis de la France et a dit que c’était au peuple haïtien et à lui seul en prendre en main son devenir, façon à peine voilée de critiquer Obama et le débarquement de milliers de militaires US qui ont à nouveau occupé le pays. L’UGTG a des liens très forts avec Haïti, et depuis toujours a manifesté une grande solidarité avec le peuple Haïtien et le LKP également depuis un an. Que souhaites-tu dire sur ces questions?

ED : Sarkozy est confronté à un problème réel. Il a face à lui deux puissances importantes, les USA et le Canada, qui ont des moyens militaires beaucoup plus importants que ceux de la France, qui sont tout près d’Haïti et qui ont déjà pris possession de la quasi-totalité du pays. L’Etat français se rend compte que bien qu’ayant des liens ancestraux avec Haïti, il est entrain de se faire doubler. La France a toujours été présente en Haïti; elle a d’ailleurs joué un rôle majeur dans le kidnapping du Président Jean Bertrand Aristide en 2004 et dans le coup d’Etat qui a suivit et dans l’occupation du pays depuis par les forces armées de l’ONU , la MINUSTAH. Aujourd’hui c’est vrai que l’UGTG a des liens très particuliers avec les organisations syndicales haïtiennes, avec le peuple haïtien, car nous avons une histoire commune. 1791, 1794, pour nous ce sont deux dates majeures. 1791, abolition de l’esclavage en Haïti avec le soulèvement des esclaves et qui donnera lieu trois années plus tard en 1794 à l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe. Pendant toute cette période jusqu’en 1802 nous étions les deux seules iles de la caraïbe a être des terres sans esclavage. Ensuite Napoléon est venu rétablir l’esclavage en 1802 en Guadeloupe et il a réussit au prix d’une guerre dans laquelle 10% du peuple Guadeloupéen a été massacré. Il a essayé la même chose en Haïti, mais là le peuple a gagné et deux ans plus tard en 1804 la première République noire dans le monde voyait le jour. Depuis ce temps là la France a fait payer très cher au peuple Haïtien son arrogance d’avoir conquit son indépendance. Alors qu’aujourd’hui Monsieur Sarkozy vienne verser des larmes de crocodile en Haïti, personne n’est dupe. Tout le monde sait aujourd’hui que la France, les Etas Unis, le Canada avec la complicité des dictateurs Haïtiens sont responsables du désastre dans lequel se trouve le peuple Haïtien au-delà des catastrophes naturelles. Monsieur Sarkozy en appelle à la souveraineté et dit que c’est au peuple Haïtien à décider lui-même de son devenir parce que quelque part il se voit perdre des parts de marché dans la reconstruction du pays mais il faudrait qu’il se prononce sur La restitution des 26 milliards qu’Haïti a du payer à l’Etat Français pour son indépendance….

Ce sont les 150 millions de francs or que le roi Charles X a exigé en 1825 de la jeune République haïtienne pour le prix de sa reconnaissance, ce qui l’a saignée dès ces premières années d’existence….

ED : Cette dette qui représente je le répète l’équivalent de 26 milliards d’euros, Haïti a fini d’en payer les intérêts seulement en 1972. Sarkozy qui vient de déclarer qu’il effaçait une dette de 50 millions, n’a pas parlé de restituer au peuple Haïtien cette somme énorme, 500 fois plus importante que la pseudo dette qui serait annulée et qui a été dérobée par la France à la nation haïtienne à partir de 1825.

Terminons cet entretien si tu le veux bien sur les perspectives internationales, le rôle de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples et des organisations et militants qui s’en réclament dans le cadre du soutien qu’elle peut apporter à votre combat ici en Guadeloupe. Il va y avoir une Conférence mondiale ouverte à Alger en novembre 2010 à l’initiative de l’Entente, contre la guerre et l’exploitation, d’ores et déjà 500 militants et responsables d’organisations ouvrières dans 54 pays y appellent…..

ED : L’UGTG est signataire de l’appel à cette Conférence mondiale et je crois qu’il serait important que nous y soyons présents pour échanger avec les militants et les organisations du monde entier. Je crois que ce sera un moment très important. Nous avons reçu l’an passé durant la grève générale des témoignages de soutien du monde entier, même de pays comme le Bengladesh, le Pakistan, de partout, venant des organisations, syndicales ou autres affiliées à l’Entente Internationale. Nous avons également reçu des communiqués d’organisations qui ont entendu parler de la lutte des travailleurs guadeloupéens à travers les médias, en Chine et ailleurs. Et quelque chose qui m’a beaucoup touché, c’était à Pittsburg au Etats-Unis au mois de juillet 2009. En tant que délégation du LKP, nous avons assisté à un congrès aux Etats-Unis avec les 3 coalitions anti-guerre qui existent dans ce pays et qui ont pris une position commune sur la question de la guerre. Ces organisations nous ont demandé à nous LKP de prononcer le discours de clôture de leur congrès. On était très étonné et on leur a dit : « mais vous n’y pensez pas, vous représentez un pays de 300 millions d’habitants et nous nous sommes 400 000 sur notre petit caillou ». Ils nous ont dit : « Non, non, ce que vous avez fait avec le LKP, fédéré 48 organisations ensemble avec une plate forme commune pour lutter ensemble, et bien cela a été très important pour nous aux Etats-Unis. C’est la première fois, parce que nous avons pris exemple sur vous, que les 3 coalitions anti guerre travaillent ensemble aux Etats-Unis ». Cette déclaration nous a fait énormément plaisir.

Entretien réalisé par Jean Paul Gady
Pointe à Pitre le 18 février 2010

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