mercredi 31 mars 2010


Les oeuvres d'Anaïs Verspan réunies sous le titre Bigidiplakata évoquent les particularités du pied et de la marche -solitaire ou en groupe- dans son île de Guadeloupe. Les couleurs franches déposées et travaillées sur la toile par la main de l'artiste donnent la mesure du mouvement, de la danse et de la circulation humaine. Telles des empreintes, les apparitions dans la scène du tableau des lignes courbes puis verticales désignant une posture de pied ou une foule éclatent sur la toile. L'importance donnée au noir et à la lumière qui s'en dégage avec densité tranchent avec le trait à l'acrylique intense, presque vivant et coloré. Si cette peinture désigne une façon de marcher, de se déplacer propre aux gens d'ici, elle est aussi marquée par une expression particulière, une autre façon de peindre, leitmotiv dans l'écriture plastique d'Anaïs Verspan. Les coulures, très présentes dans certaines oeuvres, sont là qui rythment les toiles et restituent l'énergie mise en oeuvre dans le bigidi ou dans la marche. Elles donnent du sens et du mouvement à la peinture. Il est à noter, que les variations de la lumière avec lesquelles Anaïs Verspan compose et sort du noir, sont aussi une façon de marquer l’écoulement du temps. Cette même lumière réfléchie par les états de surface du noir mat ou satiné, transmutée par ce même noir, cher à Pierre Soulages, renforce les détails dans la toile qui s'animent. Sous les effets de la matière et du couteau les pieds dansent le gwo ka et les personnages dans la foule se dessinent filiformes. Ces peintures n’ont d’autre destination que de pouvoir recevoir ce que chacun y investit. Au delà de cette oeuvre consacrée au chevauchement de la couleur et de noir et à l'abstraction lyrique qui en émane, c'est une mise en abyme de l'art comme espace de réflexion et de réverbération de la pensée qui est ici proposée. «La peinture est une manière «d'être»,la tentation de respirer dans un monde irrespirable» écrivait Jean Bazaine dans Notes sur la peinture d'aujourd'hui, formule qui correspond bien aux peintures insolites de cette jeune artiste plasticienne.


Nathalie Hainaut

Commissaire d'exposition, critique d'art
Mars 2010

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