mardi 11 mai 2010

MAI 67 : AU NOM DE LA VERITE ET DE LA JUSTICE !


Le 26 mai 1967 à Pointe-à-Pitre, suite à des échauffourées intervenant dans un conflit entre ouvriers du bâtiment et patronat, les CRS ouvraient le feu sur des manifestants soutenant la délégation syndicale. On relevait "au moins 2 morts (en vérité près de 90) et plusieurs blessés" (en vérité près d'une centaine). Cet épisode sanglant n'aurait pu être qu'un élément de plus de la longue et douloureuse série des répressions armées émaillant les conflits sociaux tout au long du XXème siècle en Guadeloupe (1900,1930,1945,1952) mais la révolte populaire qu'elle allait entraîner l'inscrira dans le palmarès des massacres coloniaux de la France.

Un événement impensable du point de vue de l'État de droit régnant en Guadeloupe, département français d'outre-mer. Plus de quarante ans après, plusieurs questions se posent et appellent des réponses claires :

Comment, dans l'État de droit civilisé qu'est la France, qui se réclame de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, des forces de police et de gendarmerie ont pu ouvrir délibérément le feu, sans sommation, sans qu'un couvre-feu ne soit décrété, sur des personnes circulant à pied ou en voiture dans la ville ?
Que s'est-il réellement passé ? Qui a donné l'ordre de tirer ? Quelles sont les responsabilités ? Combien de victimes a fait cette répression ? Qu'en est-il des réparations, de l'indemnisation des parents des tués, et des blessés encore vivants ? Ces pauvres Guadeloupéens sont-ils morts, ont-ils été frappés dans leur chair simplement parce qu'ils ont eu le malheur, ou la malchance, de se trouver sur la trajectoire des balles tirées par les militaires ?

Poser ces questions, c'est aussi se convaincre qu'il est plus que temps que soit levée sur cet épisode de l'histoire de la Guadeloupe, la chape de plomb qui l'écrase. Il est insupportable qu'une communauté humaine vive dans le déni de la vérité et de la justice. Parce que les portes de ces valeurs lui sont fermées, la communauté guadeloupéenne demeure en permanence sous le poids d'un passé traumatisant qu'elle est dans l'incapacité d'assumer et de dépasser. Et parce que ce passé n'est appréhendé que sous l'angle de la fixation mémorielle et compassionnelle, on n'en tire rien qui puisse constituer les leviers d'un projet ou d'un avenir meilleur. L'enjeu de la vérité historique est quant au fond de permettre à cette population de se constituer en peuple, en être collectif grâce à une intelligence lucide de soi.

L'élucidation des faits s'impose donc comme une nécessité. Mais l'exigence de vérité appelle corrélativement une exigence de justice. On ne peut vivre dans un État de droit et accepter l'idée d'un droit à géométrie variable ! Il faut être clair : si on est dans un État de droit, la justice doit passer. Elle doit passer comme elle est passée pour Papon et d'autres collaborateurs qui ont vécu des décennies après la 2ème guerre mondiale sans être inquiétés. Elle doit passer en faisant fi de toute raison d'État (l'honneur de l'armée par exemple) !

Faire œuvre de justice c'est rendre à cette communauté qui n'a que trop connu l'arbitraire, l'assistanat, la condescendance, une valeur qui ne se négocie pas, à savoir LA DIGNITÉ ! C'est reconnaître que la dignité bafouée mérite RÉPARATION ! Les autorités françaises s'honoreraient à répondre à cette double exigence de vérité et de justice sur les évènements de 67, en procédant à l'ouverture d'une enquête sur les faits , en permettant aux historiens d'avoir accès aux archives, en donnant suite au droit à l'indemnisation des victimes !

On sait qu'il n'a pas été facile pour la France d'assumer son passé, en particulier son PASSE COLONIAL. Toute une frange conservatrice se raidit, la BIENPENSANCE s'émeut, s'offusque, se crispe à l'envi. Mais le courage politique comme la marque dune grande nation se révèlent dans ces moments de vérité. Une grande nation se grandit en regardant EN FACE son passé avec ses ombres et ses lumières, ses pleins et ses déliés. L'HUMANITÉ NE PROGRESSE PAS DANS LE NON-DIT, le poids des traumatismes et des souffrances des uns, l'amour-propre, l'ARROGANCE et la SUFFISANCE des autres !
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Il s'agit d'abord de LIBÉRER LA PAROLE, de permettre aux acteurs, aux témoins des événements de s'exprimer, de dire leur ressenti, de crier leur douleur. Trop de témoins de 1967, plus quarante ans après, vivent la bouche bâillonnée, l'esprit et le cœur remplis de meurtrissures. La parole vivante doit être ENTENDUE, en particulier par LES JEUNES GÉNÉRATIONS mais aussi par l'opinion publique TOUTE ENTIÈRE !

Éditorial/ MAI 1967, au nom de la VÉRITÉ et de la JUSTICE ! N°10 Mai 2008
Auteur : ÉTUDES GUADELOUPÉENNES / Édition AGRE (Association Guadeloupéenne de Recherches et d'Etudes)
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Voir 1 des milliers de témoignage de M. Solange Yvon COUDRIEUX, blessé et handicapé depuis les événements de mai 67 à Pointe-à-Pitre, GUADELOUPE

http://www.bakchich.info/Guadeloupe-les-obseques-de-Bino-ou,06834.html

http://www.dailymotion.com/video/x5j6cz_sonje-me-1967-episode-1-temoignage_news

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Mai 2010 : http://ugtg.org/article_1192.html

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