mardi 11 mai 2010

« Césaire venait dans l’eau nous regarder… »



Public Sénat diffuse à 22 h 30 Papa Césaire, de Sarah Maldoror. Un documentaire pour découvrir le chantre de la négritude en ce 10 mai de commémoration de l’esclavage.

Le documentaire de Sarah Maldoror démarre sur les habitués de la mangrove, à Fort-de-France. Une Martiniquaise dit son sentiment sur cet homme que la Martinique a aimé, choyé, admiré jusqu’à sa mort en 2008. « Il venait dans l’eau nous regarder », dit-elle d’Aimé Césaire, maire de Fort-de-France durant cinquante-six ans et député à l’Assemblée nationale pendant trois décennies. « Je lui disais  : non, Papa Césaire. Tu ne vas pas mettre tes pieds dans l’eau  ! » Et, ajoute-t-elle, « je le portais ». Bon nombre de Martiniquais l’appelaient Papa Césaire. Parce que le chantre de la négritude, admiré pour sa « poésie tellurique » qui montait de la terre, était aussi aimé pour sa gestion en tant que maire de la ville.

Sarah remonte les traces de ce déraciné, qui dans un de ses poèmes recense ses habitats  : « J’habite une blessure sacrée / j’habite des ancêtres imaginaires / j’habite un vouloir obscur / j’habite un long silence. » Le film explore la vie du poète, versifiant au hasard de ses déplacements, sur un bout de carton, de papier, mais presque jamais derrière son bureau. Le dramaturge emballé par Christophe, le Haïtien, en qui il voyait une invitation à mettre en théâtre. L’essayiste, et initiateur, avec Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran Damas, de la négritude.

un éveilleur de consciences

L’homme venu à la politique pour sauvegarder cette culture essentielle de son île natale. Autant de facettes de cet éveilleur de consciences s’occupant de tout, non pas à la manière d’un Sarkozy, mais comme un humble proche se sentant responsable du quotidien de ses administrés. Ponctué d’extraits des films que Sarah Maldoror a consacrés à Aimé Césaire, en particulier Un homme, une terre et le Masque des mots, Papa Césaire est un recueil de morceaux choisis dans le parcours du poète. Des conversations avec la réalisatrice et des documents de l’INA permettent de découvrir, et de bien comprendre, le parcours de celui qui expliquait sa différence, avec son frère d’études et de combat Léopold Sédar Senghor, par leur statut. Selon Césaire, « le calme africain de Senghor » contrastait avec son « agitation perpétuelle » à lui. C’est pourquoi, disait-il, « il y a un stress, une angoisse, une mélancolie martiniquais qui relèvent de la psychanalyse. L’idée d’avoir été arrachés, enlevés. Nous sommes des déracinés ».

Ce film est diffusé le 10 mai, date choisie en métropole pour la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Celui qui a tout fait pour rendre leur dignité aux descendants d’esclaves s’est aussi battu pour que sorte de l’oubli l’atrocité de l’esclavage.

Fernand Novet


À voir sur France 3 à 9 h 10, le documentaire Mémoires d’esclavage, de François Rabaté et Luc Laventure, et à 20 h 35 sur France Ô, Des Noirs et des hommes, d’Amélie Brunet et Philippe Goma. Lire également l’entretien avec Cheikh Faty Faye en page 22.

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