mercredi 9 juin 2010

La restitution des biens mal acquis ne doit pas rester une affaire d'États

Afin que les populations victimes de la grande corruption puissent faire valoir leurs droits, la France et la Suisse doivent faciliter l’action en justice des associations qualifiées

Au soir du Forum mondial sur le recouvrement des avoirs volés qui s’est tenu à Paris les 8 et 9 Juin, les associations regrettent que le percutant mot d’ordre du Forum, « pas de refuge pour les biens mal acquis », ne concerne, au mieux, que les régimes déchus. Aucune sanction n’est en effet prévue dans le cas de régimes corrompus au pouvoir ou si le nouveau régime ne demande pas la restitution.

Constatant que l’action des Etats, seuls autorisés à ce jour à demander le gel et la restitution, n’a conduit qu’à la restitution d’à peine 2% des biens mal acquis[1], le CCFD-Terre Solidaire, Sherpa, TI France et TRIAL lancent un appel aux gouvernements français et suisses pour que les associations puissent jouer un rôle actif en matière de restitution des avoirs illicites : c’est le seul moyen de traduire en actes la Convention des Nations Unies contre la corruption (art. 51).

L’année écoulée est venue démontrer que le droit pour les associations d’agir en justice était encore mal établi et que réserver le déclenchement des procédures de restitution aux seuls Etats victimes menait dans l’impasse :

* Affaire BMA en France. La plainte initiée en 2007, et relancée en 2008 par TI France et Sherpa, relative aux avoirs en France des familles Bongo, Sassou et Obiang, n’a pas permis, pour l’heure, de contourner l’inertie des régimes au pouvoir en Afrique centrale, ni celle du Ministère public français. A ce rythme, les populations concernées peuvent attendre longtemps une explication quant à l’origine de la fortune de leurs dirigeants.
* Affaire Mobutu en Suisse. Le 30 octobre 2009, 7,7 millions de francs suisses de l’ancien « Léopard de Kinshasa », gelés depuis 1997, ont été débloqués et restitués aux héritiers de Mobutu[2].

Le Conseil fédéral suisse a imaginé une solution séduisante pour éviter que ce genre de scénario ne se reproduise (en particulier dans le cas des fonds Duvalier actuellement bloqués) : il a déposé un projet de loi qui introduirait notamment une « présomption d’illicéité » dans certaines affaires[3]. Mais une telle loi ne trouverait à s’appliquer que dans les cas où une demande d’entraide judiciaire a été formulée. Quid lorsque les Etats spoliés, faute de moyens ou de volonté politique, n’en prennent pas l’initiative ? En de telles situations, les victimes, à titre individuel ou par l'intermédiaire d'une association, constituent un relais indispensable pour suppléer la carence des Etats spoliés.



[1] Voir CCFD-Terre Solidaire, Biens mal acquis : à qui profite le crime ?, rapport de juin 2009 - www.ccfd-terresolid aire.org/ BMA

[2] Faisant suite à la décision du Tribunal fédéral Suisse, le 14 juillet 2009, de ne pas donner suite à un ultime recours relatif aux avoirs suisses du défunt dictateur zaïrois. Voir une chronologie de l’affaire : http://www.eda. admin.ch/ etc/medialib/ downloads/ edactr/cod. Par.0014. File.tmp/ Chron_avoirs_ Mobutu_21_ 07_2009.pdf

[3] Voir le texte du projet de loi et le rapport explicatif : http://www.admin. ch/ch/f/gg/ pc/ind2010. html

Aucun commentaire: