mardi 5 octobre 2010

Le devoir de responsabilité


La Martinique va mal. Nous en sommes tous bien conscients, mais des études récentes nous révèlent que le mal a désormais atteint un très haut niveau de gravité.

Le nombre de demandeurs d’emplois continue à augmenter, après une progression de 13 % de 2008 à 2009. Le chômage touche désormais plus de 61 % des jeunes de moins de 25 ans. Par ailleurs, on compte plus de 80 000 personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté.

Cette situation résulte évidemment, pour une bonne part, des effets de la crise sur un territoire en proie depuis longtemps à un mal développement structurel.

Il faudrait, pour y faire face, pouvoir compter sur une importante relance de l’activité économique qui, si elle est avant tout l’affaire des entreprises, nécessite une forte implication de l’Etat et des collectivités territoriales martiniquaises.
Malheureusement, l’Etat, aux prises avec un déficit budgétaire record à combler, s’est engagé dans une politique de rigueur qui se traduit par une réduction de ses dépenses d’intervention outre mer, par un gel des dotations aux collectivités territoriales, par l’absence de mise en œuvre de mesures, pourtant importantes, votées dans la dernière loi de programmation ou décidées par le comité interministériel de l’outre mer du 6 novembre 2009 et par « un coup de rabot » sur le dispositif de défiscalisation outre mer.

Les collectivités territoriales sont pour la plupart (c’est notamment le cas du département et de la très grande majorité des communes) littéralement asphyxiées, prises en étau entre une baisse de leurs ressources et une explosion de la demande sociale.

Seule la Région dispose encore de moyens significatifs qu’elle entend mobiliser dans le cadre d’un plan de relance régional ; plan qui, tel qu’il se met en place, ne peut avoir qu’une portée relativement limitée.

Dans ces conditions, les entreprises ont, dans de très nombreux secteurs, beaucoup de mal à retrouver un second souffle.

La Martinique s’enfonce donc dans une récession de plus en plus inquiétante qui atteint déjà les moins 6 %.

Une situation aussi grave impose, à l’évidence, un véritable sursaut martiniquais. Et je considère qu’elle l’impose, en tout premier lieu, aux responsables politiques.

C’est pourquoi j’ai envie de leur dire : « Sans rien renier de nos convictions, acceptons de tendre nos énergies vers le sauvetage du pays Martinique. Tout en nous préparant à défendre nos idées et nos programmes dans le cadre des différents rendez-vous électoraux à venir, accordons-nous le temps d’une action commune d’urgence pour faire en sorte que le gouvernement tienne compte de la réalité de notre situation et consente à prendre sa part d’une vraie politique de relance. Et, par conséquent, évitons d’ouvrir un débat institutionnel qui risque d’empoisonner le climat politique et de compromettre tout effort de redressement économique. »

Cela doit amener le président du Conseil régional à renoncer à la convocation du congrès des élus départementaux et régionaux. Cette instance, que j’ai fait inscrire dans la loi d’orientation pour l’outre mer de décembre 2000, est, en effet, destinée, comme le précise l’article L5915-1 du code général des collectivités territoriales, à délibérer de propositions d’évolution institutionnelle et de transferts de compétences de l’Etat vers le Département et vers la Région.

Or, nous sortons, il y a seulement 7 mois, d’une période de débat institutionnel qui a trouvé son épilogue le 24 janvier 2010 par un vote émis, en réponse à une question claire du président de la République, en faveur du regroupement en une seule collectivité du Département et de la Région. Un vote en faveur duquel la plupart des partisans d’une évolution institutionnelle (lors de la première consultation du 10 janvier) ont pris position, en estimant qu’une telle simplification institutionnelle – car il ne s’agit que de cela – permettrait au moins de disposer d’un instrument de mise en œuvre de politiques publiques locales plus efficaces et plus cohérentes.

Réunir les élus en congrès, fut-ce pour bricoler un statut « sui generis », c’est-à-dire d’une nature totalement indéfinie, c’est donner le sentiment que la question posée le 24 janvier par le président Sarkozy n’était pas claire ou que la majorité des électrices et des électeurs qui y ont répondu « oui » ne savaient pas ce qu’ils faisaient. C’est engager un nouveau débat qui, s’il aboutissait à approuver les propositions du PPM et de ses alliés actuels, nécessiterait une nouvelle consultation des Martiniquais, sous peine d’un véritable déni démocratique.

Ce débat, s’il devait avoir lieu, porterait, en effet, forcément sur l’introduction dans une loi organique de dispositions qui n’ont pas été portées à la connaissance des électeurs lors de la campagne précédant le vote du 24 janvier.

Ce débat contribuerait, qui plus est, à retarder la mise en place de la collectivité unique, prévue initialement pour 2012, alors qu’il est admis qu’elle constitue un instrument plus efficace que le système de région monodépartementale actuel. Il risquerait, par ailleurs, de donner des arguments à Bercy pour tenter de nous imposer une négociation concernant les ressources de la collectivité unique sur une autre base que celle de l’addition des ressources actuelles du Département et de la Région. Mais surtout, un tel débat aviverait les oppositions, sèmerait la confusion dans les esprits et dérouterait sérieusement les citoyens. Il donnerait à ceux-ci le sentiment d’être en présence d’une classe politique déconnectée des réalités et incapable, dans une période de difficultés extrêmes, de donner la priorité à ce qui relève de l’intérêt supérieur de la Martinique.

Je veux croire, au contraire, que nous serons très nombreux, sur tous les bords de l’échiquier politique, à montrer à nos concitoyens, aux prises avec des conditions de vie de plus en plus difficiles, que nous sommes conscients qu’il y a un pays Martinique à sauver et que, pour cela, nous savons où se trouve notre devoir de responsabilité.

Claude LISE

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