Samedi 24 janvier 2015 pas de fanfare, ni trompettes, pas de marche républicaine, ni même d’indignation massive avec des rues débordant de manifestants par dizaines de milliers pour le plus grand génocide qui a cours actuellement au Congo et encore moins de bataillons entiers de journalistes couvrant l’événement.
Et pourtant au vu de l’ampleur du drame il aurait fallu.
Ce jour-là en France ainsi qu’en Suisse et en Allemagne avaient lieu des marches d’indignations organisées à la suite des récentes violences meurtrières alourdissant la macabre ardoise des millions de morts du génocide congolais à 42 morts en moins de 72 heures entre le lundi 19 janvier 2015 et le mercredi 21 janvier.
En France, c’est un collectif d’associations congolaises de France qui ont lancé l’appel de cette marche, parmi lesquelles la Jeunesse Consciente Congolaise, l’association Rassemblement des combattants Kongolais et l'Action pour la Défense et Protection des Droits de l'Homme.
Outre cette réaction en rapport avec l’actualité, la marche avait pour but également de dénoncer le génocide actuel qui déroule au Congo ayant déjà causé largement plus de 6 millions de morts, un génocide qui s’accompagne d’un effroyable féminicide où avant de périr 48 femmes sont violées en moyenne par heure, pour le Kivu la moyenne est de 40 femmes par heure qui sont violées. Bon nombre de ces femmes sont plusieurs fois dans leur courte vie.
Un autre objectif était de porter l’accent sur le refus de la révision de la loi électorale du pays qui devait accorder au président actuel Joseph Kabila de pouvoir prolonger son mandat, un président honni par les manifestants de la marche parisienne car jugé comme un des grands responsables de la situation actuelle au Congo.
Les organisateurs de la marche à Paris au départ voulaient marcher pour le droit à la vie au Congo RDC de Clignancourt jusqu’à la symbolique place de la République mais ils se sont vu catégoriquement refusé d’aller à République transformée depuis le 7 janvier en sanctuaire de «Charlie ». La marche a du se cantonner de rallier Clignancourt à Pigalle, empruntant ainsi un tracé peu dérangeant et n’offrant pas une pleine visibilité.
En outre le parcours de la manifestation pourtant autorisée n’avait pas été fermé à la circulation ce qui était dangereux, heureusement qu’aucun accident ne s’est produit à cette occasion.
Ce qui dénote un certain mépris, voire d’un certain cynisme de la République française qui semble avoir l’indignation sélective.
Du reste pas de « je suis Charlie » à la manifestation, ni d’organisations humanitaires, syndicales ou de formations politiques françaises dans la marche pour le Congo, sans doute imputable espérons-le au manque non seulement d’informations sur le sujet mais à une déficience du relais info communiquant cette mobilisation.
Féminicide dans la région du Kivu au Congo RDC dénoncé avec le message adressé à la population : " Attention il y du sang des congolais et congolaises dans vos portables !" |
Coté soutien le mouvement de défense des peuple autochtones et du vivant de la Terre Idle No More France était présent en soutien autochtone au côté de la diaspora congolaise.
Néanmoins en dépit de ces embûches ce ne sont pas moins de 3 500 personnes qui ont répondu présentes au rendez-vous donné à 14 heures à la sortie du métro Clignancourt. Une foule de tous âges où il y avait beaucoup de mères, de grands-mères mais surtout beaucoup de jeunes.
En effet, élément d’espoir c’est une jeunesse congolaise, nigériane et d’Afrique tous debout qui ont clamé avec fougue, dignité et fierté leurs messages, leurs chants.
Puis emporté par la joie d’être ensemble, unis, solidaires la marche s’est muée en un déboulé avec des mouvements de danse d’avant- arrière, en rythme.
C’est alors que dans l’élan cadencé une partie des manifestants s'est allongée en ce qui pourrait ressembler à un die-in, sauf que les chants traditionnels n’ont pas cessé mais ont redoublé d’ardeur. Du jamais vu dans une manifestation classique !
Sur des pancartes on pouvait lire « Kabila tu nous tue ! », « Kabila dégage ! », « halte au génocide ! », « 12 millions de morts cela suffit », «Non à la révision de la loi électorale » ou encore « pas besoin d’être Congolais pour être humains ».
En effet, face à l’un des plus grands drames humanitaire actuel être humain est de circonstance, d’autant que ce drame profite à toute la planète consommatrice de technologies modernes et aux multinationales qui prospèrent sur le sang des Congolais et des Congolaises.
Car le Congo c’est l’enfer au paradis, le pays ayant la malédiction d’être une manne extraordinaire de richesses et de ressources fortement rentables, un plateau de rêve pour les rapaces de tous poils.
Fait préoccupant, la répression meurtrière du régime de la semaine du 19 janvier dernier à l’encontre de la population qui manifestait pacifiquement son refus d’une modification des lois électorales, pouvant ouvrir la voie du hold-up du pouvoir, font craindre à une amorce de la 3ème guerre du Congo.
Aussi tant que la population du pays est occupée à tenter de rester en vie au sens propre du terme, tant que le pays doit se coltiner les violences consécutives des déplacements de populations liés au conflit rwandais, tant que l'ingérence des Etats-Unis relayée par le reste de l'Occident jouera avec toutes les forces en présence, tant que les dirigeants des pays voisins eux aussi continueront à avoir leurs miettes du gâteau congolais, tant que la corruption régnera en maître, tant les milices armées et les forces armées du pouvoir seront armées, financées pour semer la mort, tant que le silence du monde se fait et bien le Congo RDC continuera à se vider à la fois de ses richesses et de sa population « génocidée » par millions.
Alors pour le peuple qui se fait massacrer, point de silence, soyons humains et debout avec le peuple du Congo RDC qui résiste comme il le peut !
Emmanuelle Bramban
(29 janvier 2015)