jeudi 3 octobre 2019

Doha Day 6 : L'irrésistible changement de générations.


A mi-parcours des mondiaux d’athlétisme, la chaleur de DOHA ne faiblit pas, elle soumet les organismes les mieux préparés à rude épreuve, testant ainsi l’efficacité des programmations, la pertinence des choix fait par les staffs coaching. Les Corps résistent et redoublent d’intensité pour prendre part au spectacle donné au Khalifa International Stadium. De grandes tendances s’affirment dans l’athlétisme mondial. De manière irréversible, il bouge, se transforme, change de format et de visages vers de nouvelles perspectives. Hier soir, on a pu voir les nouvelles ambitions à l’œuvre.



Cette dense soirée a permis de confirmer la tendance du renouvellement des générations dans toutes les disciplines, tendance annoncée depuis 2 ans lors de Jeux de Rio. Les épreuves de qualifications ont permis de jauger les prétentions aux podiums. Les lanceuses de disque, les heptathlètes et les décathloniens entament leurs travaux d’Hercule. En longue distance les femmes sur 5 000 m prennent leurs marques pour des retrouvailles après le 10 000 m qui a laissé des traces dans les corps mais surtout les esprits.


Dans de telles conditions, les moindres défaillances sont sans appel dans la performance. Cette soirée illustre cette tendance dans un championnat en fin de saison dans des conditions extrêmes. Les femmes du 1 500 m'ont fait leur tour de chauffe. On verra bien les oppositions Kenya/ Ethiopie avec une Obiri revancharde – quoique fatiguée- elle vendra chère sa peau en finale ; attention aux américaines dans ce match. 



Les hommes du 400 m ont trouvés leurs finalistes avec une grande surprise l’élimination de Norman, ce quarter miler américain crédité 43.45, meilleur temps de la saison, incapable d’accélérer d’ouvrir ses jambes a couru à l’envers en 45.94. Le 400 m a connu une grande hécatombe cette année avec la blessure au genou du recordman du monde, le sud-africain Van Niekerk. Cette défection américaine notable – une saison trop longue ? trop de meeting ?- laisse le champ libre aux Caribéens présents en force dans cette finale, Gardner le Bahaméen reste facile. Il faudra compter sur kirani James de retour de maladie crédité de 44.23, sans oublier le Trinitéen Cedenio et fort avantage au Bahaméen Gardner. Nous croyons voir un remake des cariftas games de nos latitudes.  A noter que les 400m, le quater mile, est en forte régression en France sans que cela interroge plus, c'est une fatalité, la faute à pas de chance !



La présence d’aucun athlète engagé dans cette compétition au niveau masculin fait un peu désordre, en mode colonie de vacances on amène des relais en ce fondant nos manques de vitesse individuelle dans un collectif. Chez les femmes, la succession de Marie-José Pérec attendra encore longtemps. Les engagées piétinent et reste à la traîne loin derrière la Bahaméenne Uibo-Miller. Elle risque de l’emporter sans trop de danger. 

Chez les hommes, Il faut remonter en 2003 pour voir un Français, Raquil (44.79) en argent aux mondiaux de Paris. Cette discipline exigeante ne trouve pas son format dans les contenus des programmes athlétiques nationaux (scolaire et civil) où elle apparaît tardivement (en cadet). Sa disparition programmée dans les contenus fédéraux au profit de loisirs proposés comme base athlétique dans club n’est pas sans conséquence. En Guadeloupe, au moment où la Caraïbe produit massivement de tels coureurs, nous avons laissés passer (une fois de plus) le train, préférant regarder vers des impasses inadaptées à nos réalités et se perdre dans le champ des sirènes. Le prix est fort payé à Doha.



Les épreuves de haies ont été nombreuses hier soir et le public a été gratifié de tous les modèles et haies basses pour les femmes et haies hautes pour les hommes. Chez les femmes le duel fratricide des américaines aura bien lieu, les deux favorites Muhamad, récente recordwoman du monde (52.20) et McLaughlin (20 ans) se retrouveront bien en finale pour tenter le record, mais surtout le leadership mondial avant Tokyo. Les USA risquent de faire un doublé, signe d’un athlétisme triomphant qui s’affiche dans la péninsule du Golfe arabique. 

Doha marque le renouveau de l’athlétisme US sous le signe de la jeunesse en recherche d’Or en terre d’Or noir. Aux haies hautes, c’est bien un noir en or qui éclabousse le 110 m haies, Grant Holloway (13.10). Un nom à retenir dans le futur qui replace l’école des haies américaine dans son leadership, bousculé par les écoles cubaines et françaises. Holloway parti en trombe n’a laissé aucune chance à ses adversaires. Cet athlète surpuissant, très équilibré est un jeune étudiant de Florida Gators qui a 22 ans arrive à maturité. Adepte du 400 m plat, il risque d’aller vers le record du monde du 110 m voire 400 m haies. Dans cette course à rebondissement le Russe Shubenkov (13.15) prend l’argent et Martinot Lagarde (13.18) au prix d’un retour et d’une fin de course magistrale prend une troisième place inespérée. Cette épreuve a causé de gros dégâts. En finale, Ortega cale et Mc Leod, le Jamaïcain en délicatesse avec son ischio crashe (disqualifié). Trop de course ? celui désigné successeur de Bolt dans le difficile leadership jamaïcain ne trouve pas le format; cette année ses chutes récurrentes et les blessures en fin de course attestent d’un répertoire technique en berne et surtout une grande perte de vitesse. Les dégâts collatéraux de cette course ont stoppés les ambitions de Belocian en demi-finale. Le Guadeloupéen arrivé sans trop de repères, sans rythme de compétition, suite à une blessure en août a confirmé les observations faites en série sur sa forme. Pas de miracle à Doha, mais de sérieuses questions doivent se poser pour cet athlète qui fut un junior talentueux. Cette course risque de laisser de lourdes traces dans les esprits.

Au sprint féminin, comme attendu, à 24 ans, la Britannique Ascher Smith (21.88) n’a laissé planer aucun doute sur sa suprématie dans cette discipline touchée par une hécatombe de désistements. Elle relègue loin derrière ses poursuivantes immédiates l’américaine Brown (22.22) et la Suisse (22.51). A Tokyo si les programmes des jeux le permettent une opposition avec Miller des Bahamas apporterait des temps record.



Les lancers avec les femmes au disque ont fait leur choix des finalistes ; chez les hommes au marteau Le polonais Fajdek (80,50m) s’impose. La surprise vient du français Bigot (78,19m) en argent. Il débloque un compteur de médaille qui peine à s’alimenter, révélateur d’une santé fébrile.



Aux épreuves combinés les favoris hommes et femmes tiennent leurs ambitions. Thiam chez les femmes, chez les hommes le duel franco-canadien Mayer/Warner reteint toutes les attentions pour le titre mondial en dépit d’une alerte au pied du Français.


Harry Méphon

Doha, 03/10/19

Aucun commentaire: